- Madagascar engage, jusqu’à la fin de ce mois de mai, une vaste campagne d’entretien des sites reboisés, afin d’aboutir à une restauration écologique réussie.
- Les opérations en cours ressemblent à l’entretien général d’un véhicule, pour le remettre en état de bonne marche.
- Les dix principes, pour réussir la reforestation à Madagascar, proposés par des experts ces dernières années, sont appliqués aujourd’hui.
- Le feu est le premier ennemi de l’effort pour reverdir l’île, et l’appareil judiciaire malgache punit sévèrement toute commission d’infraction de feux de brousse et de forêt, si les charges sont suffisantes.
ANTANANARIVO, Madagascar — Du 5 mai à la fin du mois, une vaste campagne d’entretien et de surveillance des sites de reboisement est programmée sur l’ensemble du territoire malgache. Des spots, dans ce sens, passent en boucle dans les médias et submergent les réseaux sociaux.
Des initiatives dans ce sens doivent être organisées durant toute l’année. Le lancement officiel a eu lieu au sud d’Antananarivo le 9 mai avec la participation effective du Premier ministre Louis Christian Ntsay.
Les opérations ressemblent à une révision générale d’un véhicule pour remettre celui-ci en état de bonne marche. Elles consistent à enlever les mauvaises herbes sur la circonférence autour de chaque arbre planté, l’arroser si besoin est, regarnir les zones de plantation et construire ou reconstruire les pare-feux ceinturant les périmètres à sécuriser.
L’œuvre est titanesque sachant que 345,5 millions d’arbres ont été, par exemple, plantés en 2022, année à laquelle le reboisement national a connu un taux de réussite de 70 %, selon les données officielles. Le taux de réussite a été de 69 % l’an passé.
Absolument, tout le monde est invité à prendre part à la tâche. « Nos forêts sont fragiles. Mais nous avons encore la possibilité de les maintenir en vie », a dit Max Andonirina Fontaine, ministre de l’Environnement et du développement durable, lors de la célébration de la Journée internationale des forêts (JIF), le 21 mars dernier.
Il a alors laissé entrevoir l’impérieuse nécessité d’impulser l’élan collectif en faveur de l’entretien de tous les sites reboisés et des zones à l’intérieur des aires protégées dévorées par des feux, l’an passé. En substance, l’entretien en cours sur le terrain est destiné à renforcer les efforts de restitution des dégâts subis et, à titre préventif, pour l’avenir.

Reboisement : devoir sacré envers la nation
Depuis des décennies, le reboisement est hissé au rang des devoirs sacrés envers la nation sur l’île. Mais, chaque année, la plantation d’arbres prend souvent l’allure d’un folklore. Le résultat en est que le couvert forestier et les végétations se rétrécissent comme une peau de chagrin. Le couvert forestier national n’est plus aujourd’hui que 16 % contre 44 % dans les années 1950, d’après le ministre lui-même. Pour la présente campagne de reboisement, le lancement a eu lieu le 16 décembre sur le site hydroélectrique d’Andekaleka, sur le versant centre-est de Madagascar.
Le reverdissement de l’île est prévu dans son Plan national d’adaptation au changement climatique établi en décembre 2021. Il en constitue le premier axe d’une opération de plantation d’arbres sur 75 000 hectares par an, la restauration de 4 millions d’hectares de forêts dégradées jusqu’en 2030, la conservation des forêts naturelles et la lutte contre les feux.
Ledit reverdissement fait chemin ensemble avec l’initiative pour la restauration des forêts et paysages forestiers en Afrique. Connue sous l’appellation de AFR100, elle se veut être un effort panafricain visant à restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées d’ici à 2030.
À ce titre, la Grande île a reçu, du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du développement, 5,5 millions USD pour soutenir les efforts de restauration et de gestion durable des paysages dans la région Boeny, Nord-Ouest de l’île. Un programme de quatre ans (2024-2027) coordonné, par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a été lancé le 24 janvier dernier.
Loin de se laisser suborner par les bonnes intentions, les experts n’hésitent pas à indiquer les bonnes voies à suivre, pour le succès des projets de restauration. A leurs yeux, les principaux ennemis du reverdissement sont les feux et la mauvaise compréhension du concept de restauration. « Nous nous contentons de planter des arbres sans prendre la peine de les transformer en forêts », a affirmé Dr Linjasoa Rakotomalala, chercheuse et chargée de mission Paysages terrestres et Forêts, auprès de l’Initiative pour le développement, la restauration écologique et l’innovation (INDRI).

Dix principes pour réussir la reforestation
La plateforme Alamino, qui s’érige en agora des paysages et des forêts de Madagascar, s’est alors mise en place en 2020 pour pondre, l’année suivante, les dix principes pour réussir la reforestation sur l’île. « La plateforme regroupe une cinquantaine d’entités, dont des ministères, et des individus. INDRI en assure le secrétariat. Les dix principes synthétisent tous les documents existant sur le reboisement », a-t-elle dit à Mongabay.
Les dix principes qui ont atteint de bonnes oreilles, ces temps-ci, sont appliqués en impliquant davantage les communautés. La vaste campagne d’entretien de ce mois de mai en est une émanation. « Le manque de suivi constitue la plus grande lacune de la reforestation à Madagascar », a dit à Mongabay, Narindra Ramahefamanana, botaniste chez Missouri Botanical Garden, à Madagascar et point focal national de The Global Biodiversity Standard, un système de certification indépendant développé par une coalition d’experts mondiaux, qui reconnaît les projets protégeant, améliorant et restaurant la biodiversité.
Le besoin d’entretien est indiscutable à son avis. « Il n’est pas nécessaire de planter pour réaliser des objectifs chiffrés, alors que nous sommes incapables d’en assurer le suivi », a-t-elle dit. L’experte recommande aussi la plantation d’un bon arbre au bon endroit, c’est-à-dire restaurer les plantes qui ont existé au niveau local.
L’importance du reboisement de proximité, à la portée de la communauté, est en effet reconnue. Sa vulgarisation est préconisée. « Il est le plus recherché aujourd’hui, contrairement au reboisement à grande échelle d’antan », a affirmé Fontaine lors de la dernière JIF.
À la même occasion, Julien Noël Rakotoarisoa, ancien directeur général de la gouvernance environnementale, à Madagascar, a affirmé : « La restauration écologique n’est pas seulement une nécessité écologique, mais à la fois une opportunité socioéconomique pour la population locale ».
D’autres intervenants ont dit que la restauration est un travail de longue haleine et que la constance des interventions ne doit jamais faiblir. Mais il convient aussi de régler le problème foncier pour prévenir le conflit induit par le squat sur les sites de reboisement par des opportunistes. Le Premier ministre l’a encore rappelé le 9 mai en indiquant l’importance de transformer les zones de reboisement en domaines privés de l’État. De façon sporadique, l’insécurité foncière est source d’insuccès de la restauration écologique. Sur l’île, 60 % de la population dépend des forêts et des ressources forestières, pour les besoins quotidiens. Le changement climatique les rend pourtant plus fragiles que jamais. Outre les pressions anthropiques, les feux se déclarent facilement et se propagent vite durant la séquence sèche, qui s’étire de juillet à janvier/février, ces dernières années.

Feux de brousse, ennemis de la biodiversité
La justice, de son côté, se montre impitoyable. Les sanctions à appliquer contre les bruleurs de forêt et de brousse sont sévères. Dans une circulaire du 2 avril, le ministre de la Justice, Benjamin Alexis Rakotomandimby, a ordonné à tous les procureurs généraux près les cours d’appel et tous les procureurs de la République près les tribunaux de première instance, requérir le placement sous mandat de dépôt, de toute personne impliquée directement ou indirectement dans la commission des feux de brousse et de forêt en cas de charges suffisantes.
Ces hauts fonctionnaires de la justice sont invités à requérir la peine maximale à l’audience, lorsque les faits sont établis. Ils doivent bien développer dans leurs réquisitions, à l’audience, la teneur de la politique pénale en matière de feux, afin d’expliquer, aux magistrats du siège et à l’assistance, les raisons de la position du parquet. De même, ils doivent interjeter appel en cas de décisions rendues contraires aux réquisitions du parquet.
Dans la correspondance, Rakotomandimby a écrit : « Il m’a été donné de constater que, récemment, les feux de brousse et de forêt ont connu une recrudescence certaine. En effet, l’année dernière, les statistiques font état de 6 285 379 hectares de surfaces incendiées, dont 98 % de brousse et végétation, et 2 % de forêts et aires protégées ».
Selon le ministre, de tels actes nuisent gravement aux écosystèmes et à la faune et à la flore locale, et ils risquent de compromettre l’avenir et les générations futures. Il a ainsi précisé que le réchauffement climatique, la sècheresse, la dégradation du sol, la perte d’habitat des animaux sont tout autant de conséquences désastreuses résultant de la fréquence et de l’ampleur des feux de brousse et de forêt.
« De surcroît, cette situation alarmante impacte inéluctablement sur l’économie du pays se traduisant par la diminution du rendement agricole et de l’intérêt touristique », a-t-il affirmé, avant d’édicter des recommandations fermes. « Face à cette situation alarmante, il m’est apparu nécessaire d’exiger de votre part plus de sévérité, quant à la poursuite et à la répression des infractions y afférentes », a-t-il dit.
Image de bannière : La campagne nationale d’entretien des sites de reboisement à Madagascar, pour cette année, a été officiellement lancée le 9 mai au sud d’Antananarivo, avec la participation effective du Premier ministre Louis Christian Ntsay et du ministre de l’Environnement et du développement durable, Max Andonirina Fontaine. Image du l’Environnement et du développement durable (MEDD), fournie par Rivonala Razafison.
Citation :
Ministère de l’Environnement et du Développement durable : Plan national d’adaptation au changement climatique (PNA), Madagascar. Antananarivo, Madagascar. Décembre 2021 [disponible sur www.environnement.mg]
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