- En République démocratique du Congo (RDC), un défenseur des droits humains risque une peine de prison de 5 ans.
- Alors qu’il a dénoncé une exploitation illégale du bois d’une espèce d’arbre menacé, Yahya Mirambo Bin Lubangi est accusé de menace de mort et d’imputations dommageables par un exploitant forestier.
- L’administrateur du territoire où des actes présumés et des récoltes illégales de bois auraient eu lieu a exprimé sa surprise face à la procédure judiciaire.
- Le défenseur de l’environnement ne s’est pas présenté à l’audience du 18 octobre 2024, puisque malade.
Un défenseur de l’environnement risque 5 ans de prison en République démocratique du Congo (RDC). Yahya Mirambo Bin Lubangi est accusé de menace de mort et imputations dommageables sur un exploitant forestier engagé dans la déforestation, notamment la coupe du bois rouge interdit pourtant.
Dans une citation directe adressée par l’huissier de justice du tribunal de grande instance de Kasongo, un territoire de la province du Maniema située au centre-est, le plaignant, prénommé « Moïse » sans autre élément d’identification, accuse Mirambo d’avoir saisi son bois alors qu’il n’en a pas qualité. Son avocat, qui a refusé de donner le nom de son client, a refusé de commenter le dossier de son client et de répondre aux accusations portées contre son client, notamment sur les coupes à blanc et l’exploitation illégale du bois.
Mirambo travaille pour une plate-forme qui s’appelle la Société civile environnementale et agro rurale du Congo (SOCEARUCO) en tant que responsable local. Contacté au téléphone par Mongabay, Josué Aruna, le responsable de SOCEARUCO, affirme que les accusations portées contre son employé sont une tentative d’intimider les défenseurs de l’environnement dans la région, parce qu’ils dénoncent l’exploitation illicite du bois.
« Dans toutes les forêts, il y a des tronçonneuses qui coupent le bois. Ce bois-là quitte par les camions, passe par Uvira et Kamanyola [dans le Sud-Kivu voisin] vers les marchés chinois et arabes », explique Aruna.
Selon les défenseurs de l’environnement dans la région, depuis près de deux ans, un groupe de personnes exploite le bois rouge dans le village de Mudjuka, dans le territoire de Kabambare à près de 150 km à l’ouest de la cité de Kasongo. Ils rapportent une exploitation intense de cette espèce, classée à l’annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
Le bois rouge (Pterocarpus tinctorius) était exploité de manière abusive dans le Haut-Katanga, plus au-sud-est de la RDC, entre 2013 et 2018. Ce qui avait conduit les autorités congolaises à en interdire toute exploitation dans cette province en 2018 et l’inscription, grâce notamment aux défenseurs de l’environnement, à la CITES.
Toutefois, le ministère de l’environnement et du développement durable a levé la suspension de coupe et commercialisation de cet arbre en novembre 2023, d’après le média congolais Desk Nature. Dans le territoire de Kabambare, en revanche, elle a commencé à s’intensifier. Mirambo et SOCEARUCO figurent parmi les personnes qui dénoncent la surexploitation du bois rouge, en affirmant que les exploitants ne présentent pas de garantie de conformité à la réglementation.
Cette exploitation serait soutenue par certaines autorités congolaises. Néanmoins, l’administrateur du territoire de Kabambare, Albert Walubangi Katuta, a suspendu toutes les activités d’exploitation de bois dans son entité dans un document sorti le 20 septembre.
Joint au téléphone par Mongabay, l’administrateur confirme son ordre de suspension à Kabambare, et exprime sa surprise face à la procédure judiciaire. « Je me demande pourquoi on va s’attaquer à la société civile. Pour quelle cause ? Comme autorité de l’État, j’ai trouvé que la façon dont ils exploitent les forêts est déplaisante. Si ça continue ainsi, on va rester sans forêt dans mon entité. C’est ainsi que j’ai pris la mesure d’arrêter l’exploitation ».
Un plaignant, prénommé « Moïse » sans autre élément d’identification accuse Mirambo d’avoir saisi son bois alors qu’il n’en a pas qualité. Il l’accuse aussi d’avoir menacé de mort et de destruction tout véhicule qui passerait chercher du bois dans la région de Wamaza, un village du territoire de Kabambare. Ces faits ont conduit le nommé « Moïse » à demander l’arrestation du défenseur de l’environnement et un paiement de $ 50 000.
Son avocat, qui a refusé de donner le nom de son client, a refusé aussi de commenter le dossier de son client à Mongabay ou de répondre aux accusations des coupes à blanc et l’exploitation illégale portées contre son client.
Mais selon Walubangi, à ce jour, les planches saisies sont toujours sous le contrôle des autorités du territoire, ainsi que le véhicule. Les concernés ne sont plus passés les reprendre malgré l’intervention des « autorités provinciales » en leur faveur, indique l’administrateur Walubangi.
Mirambo était attendu le 18 octobre au tribunal de grande instance de Kasongo pour s’expliquer devant les juges. Mais il ne s’y est pas présenté, puisque malade, d’après ses proches.
Interrogé sur la procédure judiciaire, le ministre provincial de l’environnement Eddy Francis Lutaka, dit avoir obtenu l’information par les réseaux sociaux. Il assure toutefois préparer une mission dans la région.
L’agriculture de subsistance abat les forêts à proximité des exploitations commerciales au Congo
Image de banniere : Des ouvriers chargent un camion de mukula (Pterocarpus tinctorius) dans la province du Katanga, en RDC, en 2016. Image © Lu Guang / Greenpeace.
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