La rivière Limonade en Guyane. Le gouvernement français a approuvé l’exploitation d’une nouvelle mine d’or à proximité de la rivière, dont dépend la population locale. Photo de : Sébastien Brosse.
Des tensions sont apparues dans la petite communauté amazonienne de Saül en Guyane, après que la population locale ait découvert que le gouvernement français a approuvé, contre sa volonté, une opération d’orpaillage à grande échelle à proximité de leur ville et dans l’unique parc national de Guyane. La population locale et les scientifiques craignent que la mine, exploitée par la société minière Rexam, entraîne déforestation, pollution des eaux et réduction de la biodiversité pour une communauté qui dépend de la forêt et de l’écotourisme.
Bien qu’elle soit dans le Parc Amazonien de Guyane, la mine d’or n’est pas forcément illégale. Sébastien Brosse, écologue spécialiste des régions tropicales, qui a longtemps travaillé dans la région, déclare qu’une partie du parc est ouverte à de telles activités.
« [La société d’exploitation aurifère] Rexma a demandé un permis dans la zone « de libre adhésion » du parc national, dans laquelle les activités industrielles ne sont pas systématiquement exclues », a-t-il expliqué à mongabay.com. Cependant, il a ajouté que de tels projets industriels doivent être « soumis à l’accord du parc national et de la population locale ».
Dans ce cas, la réaction a été claire. « Depuis le début, ils ont tous deux refusé ce projet de mine », a déclaré Sébastien Brosse.
Un poisson (Charax pauciradiatus) de la rivière Limonade. Photo de : Sébastien Brosse |
La proposition de Rexma a été approuvée l’année dernière par Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement Productif français. Alors que le projet avait d’abord avancé sous le précédent gouvernement, le gouvernement actuel, celui de François Hollande, n’a pas retiré cette approbation. La Guyane reste un département français d’outre-mer et non une nation indépendante, ce qui signifie que de telles décisions sont souvent prises à Paris et non à Cayenne. Même s’il y a des élus locaux, ceux-ci sont surveillés par un préfet nommé par le Président français.
Sébastien Brosse affirme que la population locale est « fermement opposée » à ce projet. Presque tous les habitants ont signé une pétition refusant toute exploitation aurifère dans un rayon de 10 kilomètres autour de leur ville. La population locale craint que, si le projet aboutit, l’écotourisme en souffrira.
Une lettre envoyée récemment à Arnaud Montebourg et signée par un groupe de spécialistes, dont Sébastien Brosse, expose ces craintes.
« Depuis plusieurs décennies,[Saül] s’est construit une solide réputation en termes d’écotourisme et la grande majorité des habitants vivent de ces activités […] validées et encouragées par la création du Parc National », peut-on lire dans cette lettre. « L’introduction d’un site d’orpaillage à proximité du village va donc à l’encontre de l’image de milieu vierge qui fait la réputation de Saül et la fierté de ses habitants. La baisse de fréquentation touristique consécutive aux activités minières risque donc de mettre en péril l’économie locale et de nuire au développement harmonieux du village. »
Sébastien Brosse affirme que les activités minières pourraient aussi aggraver l’épidémie de paludisme dans la région, l’industrie laissant des réservoirs d’eau stagnante où les moustiques se multiplient. De plus, la mine d’or pourrait anéantir l’accès des villageois à des poissons non pollués.
« La rivière Limonade est le seul cours d’eau à proximité du village et la seule source de poissons frais », a déclaré Sébastien Brosse, en précisant que la mine se situera le long de la rivière. Une étude sur les poissons d’eau douce de la région, effectuée en 2011, a trouvé plusieurs espèces rares et quelques-unes qui pourraient être nouvelles pour la science. De plus, une pollution de la rivière Limonade se propagerait probablement sur une grande étendue.
« Le cours d’eau s’écoule en direction de la partie centrale du parc qui est une zone de protection intégrale », a ajouté Sébastien Brosse. « La zone minière est située à moins de 10 kilomètres en amont de cette zone de protection intégrale. »
Créé en 2007, le Parc Amazonien de Guyane, qui s’étend sur une superficie de 33 900 km² (13 089 miles carrés) abrite de nombreuses grandes espèces en danger, dont les jaguars, les tapirs et les pumas, ainsi qu’une incroyable biodiversité : en tout, les scientifiques ont recensé dans le parc 1 200 essences d’arbres, 718 espèces d’oiseaux, 480 espèces de poissons d’eau douce, 261 espèces de reptiles et d’amphibiens et 186 espèces de mammifères.
Rexma n’a pas répondu à une demande de commentaire au sujet de la mine d’or.
Vue aérienne du village de Saül. Photo de : Sébastien Brosse.