- La Guinée-Bissau abrite entre 5 et 6 % de la population mondiale de chimpanzés des plaines occidentales, menacés d’extinction.
- Une étude récente révèle que le commerce illégal des espèces vivantes est au cœur du trafic de ces primates, couramment observés comme animaux de compagnie dans les résidences privées et les hôtels.
- Des organisations à but non lucratif et l’État œuvrent tant bien que mal pour sauver des individus en captivité, mais le pays ne dispose pas de sanctuaire pour leur (re)conditionnement.
- La Panafrican sancturay alliance (PASA) estime que la création des sanctuaires est l’une des mesures essentielles, pour une application plus stricte de la législation relative à la propriété privée des chimpanzés.
Selon une récente étude, la Guinée-Bissau abrite entre 923 et 6 121 individus de chimpanzé occidental (Pan troglodytes verus). Les populations de ces mammifères sont reparties entre le Parc national de Cantanhez, le Parc naturel des lagunes de Cufada, le Parc national de Dulombi, et le Parc national de Boé, des aires protégées situées dans le sud du pays, ainsi qu’en dehors des zones protégées.
Cette proportion bissau-guinéenne représente entre 5 et 6 % de la population mondiale de chimpanzés occidentaux, estimée entre 17 577 et 96 564 individus. Ces mammifères connaissent un déclin de 80 % de leur population mondiale entre 1994 et 2014, et sont classés dans la catégorie « en danger critique d’extinction », par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Les risques d’extinction de ces mammifères sont plus importants en Guinée-Bissau, où le commerce illégal des espèces vivantes alimente le réseau de trafic national et international des animaux sauvages.
Maria Joana Ferreira da Silva, chercheuse portugaise du Centre de recherche sur la biodiversité et les ressources génétiques de l’université de Porto au Portugal, et de la School of Biosciences de Cardiff University au Royaume-Uni, compile les informations sur le commerce illégal de chimpanzés vivant en Guinée-Bissau, et suggère entre autres des actions immédiates de gestion de la conservation. « Notre objectif est d’inviter les scientifiques, les praticiens de la conservation et les organisations locales et internationales de la société civile, à collaborer à la résolution de ce problème de conservation urgent », a dit par courriel à Mongabay, Ferreira da Silva, auteure de l’étude, publiée le 12 février 2025, dans la revue Conservation Letters.
En Guinée-Bissau, une évaluation du trafic des chimpanzés occidentaux vivants n’a pas été faite récemment. Mais, en 2020, une enquête gouvernementale de deux mois a été menée dans les régions administratives de Bafatá au centre du pays, de Tombali et de Quinara dans le sud. Elle a été conduite par l’Institut pour la biodiversité et les aires protégées (IBAP) de la Guinée-Bissau, et a révélé que 98 personnes dans ces régions possèdent un primate vivant né à l’état sauvage.
En sus, Ferreira da Silva a enregistré 18 chimpanzés vivant dans des maisons ou des hôtels entre 2006 et 2022, au cours d’un travail de terrain, et ne recherchant pas activement des primates gardés comme animaux de compagnie.

Les auteures de l’étude sur le commerce illégal des chimpanzés en Guinée-Bissau subodorent que, si l’on considère que 5 à 10 adultes peuvent être tués pour capturer un bébé, cela signifie qu’un minimum de 90 à 180 chimpanzés adultes, ont pu être tués pour acquérir les 18 chimpanzés, gardés comme animaux de compagnie. « Bien que nous ne puissions pas fournir une valeur monétaire exacte liée à cette pratique, il est possible d’affirmer que le trafic de chimpanzés suit les mêmes voies que d’autres types de trafic illégal. Il s’agit d’une préoccupation majeure pour le pays. Car, en plus de mettre en péril la conservation de cette espèce, il contribue à renforcer les réseaux criminels qui opèrent de manière clandestine et destructrice pour la faune et la flore locales », explique Aissa Regalla de Barros, Directrice générale de l’IBAP, par ailleurs co-autrice de l’étude, dans un courriel à Mongabay.
En Guinée-Bissau, les chimpanzés sont très souvent observés en captivité comme animaux de compagnie dans les résidences privées et dans les hôtels. Les individus sont souvent attachés par les hanches ou le cou à des arbres ou à des poteaux métalliques, à l’aide de chaînes métalliques, ou vivent seuls dans de petites cages métalliques, n’ayant souvent pas de source d’eau permanente, et ne pouvant ni marcher ni sauter.
Les propriétaires déclarent avoir acheté ces animaux à des chasseurs, lesquels ciblent les bébés en tuant leurs mères allaitant pour la consommation de la viande. Les propriétaires peuvent également admettre en public qu’ils ont des chimpanzés captifs dans leurs domiciles, en invitant les étrangers à les prendre en photos.
Les menaces liées à la conservation des chimpanzés en Guinée-Bissau se résument en la perte et la fragmentation de leurs habitats, la chasse et la transmission de maladies, en l’occurrence la lèpre (Mycobacterium leprae), détectée dans le Parc national de Cantanhez. Il est urgent de mettre en place une stratégie nationale de lutte contre le commerce illégal d’espèces sauvages et d’augmenter les ressources consacrées à la conservation des chimpanzés en Guinée-Bissau.
Des mesures urgentes à envisager
Le gouvernement a adopté, depuis les années 90, comme mesure, la création des aires protégées, en tant que l’une des principales stratégies de conservation des habitats des chimpanzés et de prévention de leur trafic. Au demeurant, cette mesure s’avère insuffisante pour juguler le déclin de ces animaux. « L’absence de réglementation et de mécanismes de contrôle efficaces, conjuguée à la demande croissante de chimpanzés en tant qu’animaux de compagnie, ne fait qu’aggraver la situation, rendant plus urgente que jamais la nécessité de prendre des mesures de prévention et d’application de la législation », dit Regalla de Barros.

Parmi ces mesures préconisées par les chercheuses pour faire face au trafic des chimpanzés occidentaux en Guinée-Bissau, il y a : la construction d’une base de données centralisée contenant des informations sur les animaux sauvages gardés comme animaux de compagnie ; la formation des fonctionnaires sur les lois et règlements nationaux et internationaux liés au commerce de la faune et de la flore; la définition/actualisation des sanctions pour les personnes détenant des chimpanzés vivants ; la sensibilisation de la société aux risques liés à la détention d’animaux sauvages ; la construction d’un sanctuaire ou d’un centre de réadaptation en Guinée-Bissau, car le pays n’en dispose aucun.
Bien que le pays ne dispose pas de sanctuaire pour une réadaptation des chimpanzés sauvés de leur captivité, des actions sporadiques ont tout de même été menées dans le pays, avec le concours d’organisations de défense de la faune pour la survie de ces animaux.
C’est le cas de la Panafrican sancturay alliance (PASA), qui a œuvré, entre 2015 et 2022, pour le sauvetage de six chimpanzés en Guinée-Bissau, relocalisés dans des sanctuaires au Liberia et au Kenya. « Comme c’est le cas pour tous les pays ne disposant pas d’un sanctuaire, la création d’un sanctuaire accrédité en Guinée-Bissau, capable d’assurer la prise en charge à long terme des chimpanzés occidentaux confisqués, est essentielle pour garantir une application plus stricte de la législation relative à la propriété privée des chimpanzés », dit Kaitlyn Bock, chargée des programmes au sein de la PASA, par courriel à Mongabay.
Les autorités bissau-guinéennes considèrent le chimpanzé occidental comme un fleuron de la conservation des forêts. Le déclin de cette espèce engendra forcément des conséquences irrémédiables sur la santé des forêts dans le pays, tant de nombreuses études scientifiques tendent à démontrer que ces primates, considérés comme de grands « disperseurs » de graines, contribuent à la régénération des forêts. La conservation des chimpanzés est donc un élément crucial de la préservation de l’équilibre environnemental et de la riche biodiversité de la Guinée-Bissau.
Image de bannière : Baptisé “Tze”, ce chimpanzé enchainé par le cou dans une propriété privée en Guinée-Bissau, a été sauvé de sa captivité par la PASA en 2019. Image de PASA publiée avec l’aimable autorisation de Kaitlyn Bock, chargée des programmes à la Panafrican sancturay alliance (PASA).
Citation :
Ferreira da Silva, M.J. and Regalla, A. (2025), The Illegal Trade in Live Western Chimpanzees (Pan troglodytes verus) in Guinea-Bissau and Proposed Conservation Management Actions. Conservation Letters., 18 : e13087. https://doi.org/10.1111/conl.13087
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