- En République démocratique du Congo, des défenseurs de la faune se sont opposés au transfert de 12 chimpanzés du sanctuaire de Lwiro à Kinshasa par l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), l’organe étatique responsable des aires protégées
- Ils évoquent le risque de vente des animaux, car le jardin zoologique de Kinshasa n’a pas, selon eux, la capacité de prendre soin de ces primates.
- L’ICCN a indiqué, dans un communiqué, que ces animaux, dont il est responsable, rentrent dans un programme réglementaire éducatif et de divertissement des jardins zoologiques et botaniques du pays.
Le vendredi 10 janvier, le responsable du jardin zoologique de Kinshasa, Bruno Matata, effectue « une visite éclair » au sanctuaire animalier de Lwiro à Bukavu, capitale de la province orientale du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC). Il était chargé d’une mission de transfert de 12 chimpanzés de Bukavu à Kinshasa.
Le lundi suivant, des responsables des organisations de la société civile congolaise de la ville de Bukavu alertent l’opinion sur la décision de transfèrement des animaux par l’ICCN, l’organe étatique responsable des aires protégées et de la Convention sur le commerce international des espèces de faune (CITES).
Ces primates ont été arrachés aux trafiquants illicites et aux braconniers et poursuivent leur prise en charge qui devra conduire à une réintégration dans leurs milieux naturels.
12 chimpanzés en cours de restauration
Dans leur communiqué, les défenseurs de la faune expliquent que l’état actuel du zoo de Kinshasa ne rassure pas, quant à sa capacité à recevoir 12 chimpanzés et à en prendre convenablement soin. Les sources contactées par Mongabay confirment ce fait, mais relèvent tout de même le caractère « très politique » du dossier des primates de Lwiro.
Josué Aruna, président de la Société civile environnementale et Agro rurale du Congo (SOCEARUCO), est l’un des signataires du communiqué. Il explique au téléphone, à Mongabay, qu’il a été convenu « de réhabiliter d’abord les zoos de Kinshasa et de Kisangani avant d’accueillir les animaux ». « Nous sommes surpris qu’on décide de prendre les animaux alors que la réhabilitation n’a même pas commencé », dit-il.
Mais Matata indique que le zoo de la capitale fonctionne. Il assure, que ce lieu de conservation, compte à ce jour 9 chimpanzés « qui sont nourris et protégés ». Matata s’indigne dès lors que les ONG ternissent l’image de l’ICCN.

La même indignation apparaît dans le communiqué du 14 janvier, signé par le directeur de l’ICCN, Yves Milan Ngangay. Celui-ci parle « des affirmations gratuites et émotionnelles » des défenseurs de la nature, sur la mission qu’il a diligentée au Centre de recherches de Lwiro. Ce dernier n’a pas répondu à nos sollicitations.
Tout en soulignant qu’il a autorité sur ces animaux et en relevant les risques de prélèvements incontrôlés et de trafics illicites des animaux hors de leurs milieux naturels, l’ICCN indique que les chimpanzés sont recherchés pour un programme d’éducation environnementale et de loisir quinquennal (2024-2028 ), qu’il présente « comme un autre levier pour assurer la sauvegarde et la conservation de la biodiversité ».
« L’ICCN, c’est CITES : nous ne vendons pas les animaux »
Dans leur communiqué, les défenseurs de l’environnement de Bukavu doutent de la vraie destination de ces animaux. Pour Josué Aruna, ces derniers risquent d’être vendus ; la capacité de leur prise en charge par le zoo de Kinshasa ne rassure pas à leurs yeux.

Une semaine après cet incident sur fond de polémique, Bruno Matata rentre à Kinshasa, sans les 12 chimpanzés pour faire baisser, selon lui, la tension liée au tollé suscité par sa mission de transfert des primates au zoo de la capitale congolaise. Mais il rejette catégoriquement que son institution puisse vendre les chimpanzés. « Nous ne vendons pas les animaux. L’ICCN n’a jamais vendu les animaux. Moi, j’ai 20 ans [dans cette institution], je n’ai jamais vendu les animaux. Je suis de la CITES. L’ICCN est de la CITES en RDC. Comment irait-on à l’encontre de la convention ? », dit Matata.
Selon Prince Kaleme, chercheur au Centre de recherches en sciences naturelles (CRSN Lwiro), « bien que la demande soit conforme aux normes juridiques, les diverses réactions qu’elle a suscitées soulèvent des questions importantes, quant à son impact sur le bien-être des animaux en captivité, à long terme, ainsi que des populations sauvages ».
Kaleme pense que la décision aurait pu être prise de manière concertée et relève qu’il a manqué de communication entre les protagonistes. Il explique que « même si l’ICCN est propriétaire des animaux, le Centre de réhabilitation des primates de Lwiro (CRPL) cherche les moyens pour la nourriture, les soins et autres ; le CRSN a donné l’espace où est installé le CRPL et aussi le personnel (tous les agents du CRPL sont agents du CRSN ».
D’après une source proche du CRPL de Lwiro, il faut en moyenne 200 USD, le mois par chimpanzé. « Prendre soin d’un chimpanzé, c’est être capable de fournir 10 kg de fruits frais par jour et par animal. A cela, vous ajoutez le salaire des personnes compétentes pour comprendre le comportement de l’animal et bien sûr les soins vétérinaires ».
A ce jour, Lwiro compte 128 chimpanzés, indique Kaleme, et une centaine de petits singes, d’après le défenseur de l’environnement Aruna.
Image de bannière : Chimpanzés du Mikeno Lodge dans le Parc national des Virunga, RDC. Image de Joseph King via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
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