- Le 19 janvier, Madagascar a lancé une opération nationale qui vise à planter 60 millions d’arbres au cours des mois à venir afin de marquer 60 ans d’indépendance du pays et dans l’espoir de restaurer les forêts de l’île.
- Madagascar, la quatrième plus grande île, et la plus ancienne, du monde abrite une variété incroyable de plantes et d’animaux.
- Selon Global Forest Watch, entre 2001 et 2008, Madagascar a perdu environ un cinquième de sa couverture forestière en raison de l’expansion de l’agriculture itinérante.
- D’après les experts, le vrai défi de cette campagne consiste à sauvegarder les jeunes arbres en éloignant les populations malgaches des pratiques agricoles non durables et en réduisant leur dépendance au bois pour le charbon.
Madagascar a lancé son opération de plantation d’arbres la plus ambitieuse jusqu’à présent, visant à planter 60 millions d’arbres au cours des mois à venir. La nation insulaire célèbre 60 ans d’indépendance cette année et le début de la campagne de plantation le 19 janvier a marqué le premier anniversaire de l’investiture du président Andry Rajoelina, qui a promis de restaurer les forêts perdues de Madagascar.
« Le gouvernement fait face au défi de reverdir Madagascar. J’encourage le peuple à protéger l’environnement et reboiser pour le bien des futures générations », a déclaré M. Rajoelina à des centaines de personnes venues participer à l’inauguration de l’événement dans le district d’Ankazobe, 100 kilomètres au nord-ouest de la capitale, Antananarivo. Selon le ministère de l’Environnement, en quelques heures, environ 1 million d’arbres et de pousses ont été plantés sur 500 hectares, soit une fois et demie la taille de Central Park à New York.
Madagascar, la quatrième plus grande île, et la plus ancienne, du monde s’étend sur 59 millions d’hectares et abrite une variété incroyable de plantes et d’animaux. Selon Global Forest Watch, entre 2001 et 2008, Madagascar a perdu environ un cinquième de sa couverture forestière en raison de l’expansion de l’agriculture itinérante, appelée tavy. La destruction des forêts de Madagascar pourrait sonner le glas pour de nombreuses espèces endémiques, qu’on ne trouve nulle part ailleurs sur la planète.
Des mois de préparatifs et un effort national énorme pour amasser des plants et peupler les pépinières ont culminé avec l’inauguration très médiatisée de cet événement auquel ont participé des ONG, des écoles, des ministères officiels et l’armée. M. Rajoelina, en t-shirt et en jean, a lancé la saison de plantation en mettant un jeune plant en terre. Plus tard, il a prêté main-forte aux enfants, pris des selfies avec des bébés et s’est même fait prendre en photo, houe en main, à ameublir le sol. Toutefois, les experts s’accordent à dire que le plus gros de la tâche viendra lorsque les jeunes arbres seront en terre.
« Pour l’instant, nous sommes dans la phase de plantation des arbres, mais il reste une question importante : et ensuite ? Comment protéger ces jeunes arbres, pour qu’ils ne soient pas plantés en janvier pour être détruits en juillet », s’interroge Jonah Ratsimbazafy, un éminent primatologue malgache qui dirige le Groupe d’Étude et de Recherche sur les Primates (GERP).
Pour la saison de plantation qui dure jusqu’en avril, le gouvernement de M. Rajoelina veut que 60 millions de jeunes pousses soient plantées sur 40 000 hectares. Les experts interviewés par Mongabay en novembre 2019 affirmaient que ce serait une réalisation formidable, en particulier dans un pays où presque 80 % de la population n’a pas accès à un réseau électrique, et où abattre des arbres afin de fabriquer du charbon servant à cuisiner est une pratique courante. Les observateurs confirment que réconcilier les besoins immédiats de la population pauvre du pays et l’objectif à long terme de la source de la déforestation afin d’inverser la tendance sera compliqué. Reste à voir si M. Rajoelina a la volonté d’atteindre l’objectif fixé, étant donné son parcours versatile parcours versatile.
Madagascar a organisé trois opérations de plantation d’arbres par le passé, mais l’impulsion du cabinet du président cette fois-ci devrait faire la différence. Nirina Rakotonanahary, 30 ans, qui a participé au lancement a confié que c’était la première fois qu’il participait à une opération de plantation, qui, selon lui, a été popularisée par le président. Près de 200 000 jeunes pousses ont été récoltées dans des pépinières avant l’inauguration et transportées sur le site d’Ankazobe par camions. Pour la campagne nationale, environ 100 millions de plants ont été recueillis par les centres régionaux du ministère de l’Environnement et ses partenaires. Les pousses ont été distribuées gratuitement à des institutions et des organisations par les pépinières du gouvernement.
L’inauguration a clairement indiqué que le gouvernement tente de trouver un équilibre entre planter des espèces endémiques et des espèces d’agroforesterie, certaines d’entre elles étant exotiques et invasives. Les 50 espèces disponibles dans les pépinières incluent des acacias, des eucalyptus, des arbres fruitiers et des arbres à épices, toutes étant exotiques. Rakotonanahary a confirmé avoir planté des arbres fruitiers, car si le rendement est bon, ils pourraient être en mesure d’exporter le produit.
Sécuriser les arbres, en particulier ceux que la population considère comme utiles, sera une lourde tâche. « Nous voulons encourager les gens à planter et non consommer les fruits des arbres dans les parcs ou encore les couper pour en faire du charbon », insiste Mamy Rakotoarijaona, directeur des Opérations de Madagascar National Parks. Bien que ces zones soient protégées, les parcs nationaux de Madagascar ont également connu un déboisement considérable ; ils sont maintenant devenus des sites importants pour la campagne de reboisement.
Afin d’étendre l’opération à des zones isolées, le gouvernement prévoit d’utiliser des drones et des avions. Pendant l’inauguration, environ 5 tonnes de plants sous forme de boules ont été lâchées d’un avion au-dessus de 500 hectares de terrain. Chaque boule de terre contient 25 graines. Selon un communiqué du gouvernement qui cite un projet pilote réalisé en 2018, le taux de réussite, qui se mesure en nombre de plants qui survivent et germent, est d’environ 60 %. Le ministère de l’Environnement a également indiqué que cette pratique permettrait d’économiser sur le coût en sacs plastiques qui contiennent les plants avant qu’ils soient mis en terre.
Dans l’immédiat, il s’agit de poursuivre le mouvement de plantation d’arbres, et à long terme, il faudra garantir que les gains ne sont pas gaspillés. Dans son discours, le président a affirmé qu’atteindre des objectifs concrets et assurer un suivi seraient au centre de cette campagne. « Cette fois-ci, l’action sera continue, et il y aura des mesures de suivi. L’État recrutera des gardes pour surveiller et protéger les jeunes plants », a souligné Alexandre Georget, le ministre de l’Environnement lors de l’inauguration.
À Ankazobe, on prévoit de recruter 50 personnes pour surveiller les jeunes arbres, car la région est vulnérable aux feux de forêt, ceux-ci pouvant anéantir en quelques jours les gains d’une campagne de plantation qui aurait duré des mois. D’après Ratsimbazafy of GERP, impliquer les communautés locales est indispensable pour planter les arbres, mais également pour les surveiller et les protéger. « Si les autorités ne déploient pas une stratégie claire et efficace pour lutter contre la déforestation et les feux, Madagascar ne récupérera jamais ses forêts », conclut-il.
C’est un avis partagé par Alliance Voahary Gasy (AVG), une coalition d’ONG malgaches pour l’environnement. Dans une publication sur les réseaux sociaux, AVG a exprimé son soutien à l’effort de grande envergure, mais a remarqué que si le gouvernement n’adoptait pas des sanctions strictes contre les violations des règlements sur l’environnement, y compris commises par les autorités gouvernementales, la campagne ne parviendrait pas à atteindre ses objectifs.
Alors que des millions de plants pourraient germer dans les sols rouges de Madagascar au cours des mois à venir, un sentiment d’optimisme pour cette campagne d’écologisation reste encore à s’enraciner. Rakotonanahary, qui a aidé à planter des arbres fruitiers à Ankazobe, fait également part de ses doutes. « Je ne suis pas sûr qu’ils survivront tous », a-t-il ajouté en parlant des arbres qui viennent d’être plantés. « Le problème, c’est qu’à Madagascar, nous mettons un coup de collier un jour, mais nous ne poursuivons pas les efforts ensuite. »
Image de bannière de pousses sur le site de plantation d’arbres dans le district d’Ankazobe, à Madagascar, le 19 janvier 2020, de Valisoa Rasolofomboahangy/Mongabay.
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2020/01/madagascar-launches-massive-planting-drive-eyes-60-million-trees/