Le mâle de la grenouille Quang émet des vocalises extraordinairement complexes. Photo: Jodi J. L. Rowley/Australian Museum.
Si vous randonnez dans les forêts d’haute altitude du Nord du Vietnam et que vous entendez un chant d’oiseau, vous allez sans doute vouloir inspecter les arbres à la recherche de grenouilles. Oui, vous avez bien lu : de grenouilles. Une nouvelle espèce de grenouille arboricole, à laquelle les chercheurs attribuent un cri extraordinairement complexe ressemblant plus à celui d’un oiseau, vient d’être découverte au Vietnam. Découverte dans la réserve naturelle de Pu Hoat, la nouvelle espèce, nommée « grenouille Quang » (Gracixalus Quangi), vit dans les forêts entre 600 et 1300 mètres d’altitude (environ 2,000 à 4,265 pieds).
“La grenouille Quang […] a une gamme vocale extrêmement étendue —en d’autres mots, elle ne se contente pas de répéter le même cri indéfiniment, mais elle possède une multitude de cris différents. À dire vrai, parmi ceux que j’ai enregistrés, il n’y avait pas deux cris semblables, chaque grenouille mélangeant cliquetis, sifflements, et pépiements dans un ordre aléatoire ! C’est le cri de grenouille le plus varié que j’ai jamais entendu, et il ressemble plus à un chant d’oiseau qu’à un croassement [cliquez ici pour écouter le cri],” affirme Jodi Rowley, principale auteur en collaboration avec l’Australian Museum de Sydney, à mongabay.com.
Rowley dit que, contrairement à la grenouille Quang, la majorité des autres espèces reste bloquée sur une seule note pour attirer les femelles.
“Le cri [de la plupart des mâles] pour attirer les femelles est répétitif (les familiers “croâ, croâ, croâ” et “pii, pii, pii”, par exemple). Même si chaque espèce a son propre cri (cela évite que les femelles soient attirées par la mauvaise !), la plupart ne sont, pour parler grossièrement, que seul et même type, que les mâles répètent jusqu’à temps qu’ils aient la femelle.
La grenouille Quang appartient à la famille des rhacophoridae, qui comprend actuellement plus de 300 espèces. Certaines d’entre elles ont aussi évoluées vers un mode communication plus élaboré, même si aucun n’est aussi complexe. Les chercheurs sont indécis sur la raison qui pousse cette grenouille à émettre tant de sons.
“Même si à ce stade ce ne sont que des suppositions, certaines parties du cri (les clics par exemple) paraissent servir à communiquer avec les autres mâles (par exemple « allez-vous en ») et d’autres,( comme les sifflements) à spécialement attirer les femelles” explique Rowley. ” Il semble cohérent d’affirmer que cette espèce est territoriale, puisqu’elle pond ses œufs aux extrémités des feuilles surplombant les eaux peu profondes, et qu’il n’y a autour que peu de feuilles adéquates ».
Grenouille Quang mâle vue d’en bas. Photo : Jodi J. L. Rowley/Australian Museum. |
Rowley dit qu’ils ne savent pas pour l’instant si cette espèce est menacée ou non.
“C’est le cas d’un grand nombre de grenouilles du Sud Est asiatique, qui restent regroupées sous l’appellation « Manque de données » sur la Liste Rouge de l’UICN, plutôt que sur celles de Vulnérable, En Danger, etc…La nouvelle espèce fut découverte dans une aire reculée et protégée ; par conséquent, on peut la croire sauve pour le moment, tout du moins à cet endroit. Nous pensons cependant qu’on peut la retrouver dans une aire plus large, mais sa juste répartition ne pourra nous être révélée que lors de recensements futurs. »
Rowley a participé à la découverte de dix nouvelles espèces d’amphibiens en Asie du Sud Est au cours des dernières années, mais dit ne pas pouvoir choisir de favorite. Elle ajoute néanmoins que « pour certaines raisons, elle adore ces petites grenouilles marrons qui vivent dans les litières forestières, et dont le cri ressemble à celui des criquets (grenouilles de la famille des Leptolalax).
Globalement, tous les amphibiens font face à l’extinction. On pense qu’au moins 120 espèces d’amphibiens se sont éteintes ces 30 dernières années, alors que l’UICN considère que 41% des 7000 espèces mondiales sont menacées d’extinction. La déforestation, la diminution des zones humides, la pollution, la surexploitation, le trafic animalier, et les changements climatiques ont mis ces sensibles créatures à rude épreuve, ce qui a mené de nombreux écologistes à les qualifier de « canaris dans une mine à charbon » en raison de leur capacité à attirer l’attention sur la dégradation de l’environnement… De plus, une maladie fongique mortelle appelée chytridiomycosis a anéanti des espèces entières, et ce même dans des environnements stérilisés.
À la frontière du Laos, la réserve naturelle de Pu Hoat fut il y a un temps l’habitat des tigres d’Indochine (Panthera tigris corbetti), des éléphants d’Asie (Elephas maximus), et du saola, découvert tout juste récemment (Pseudoryx nghtinhensis) Néanmoins, on pense désormais que ces trois espèces y sont éteintes. La forêt reste tout de même l’habitat du bœuf sauvage, le gaur (Bos gaurus), inscrit comme espèce vulnérable dans la liste rouge du UICN; celle du macaque d’Assam (Macaca assamensis) désigné comme Espèce quasi-menacée; ainsi que celle de la seule population de conifère du Vietnam, Cunninghamia konishii, désigné lui aussi comme vulnérable. C’est aussi la maison d’espèces discutées de muntjac – un type de petit chevreuil asiatique. Un recensement des oiseaux de basse altitude dans les années 1990 dénombra 142 espèces. Même si la forêt est actuellement protégée, elle n’a pas encore gagné le plein statut de Réserve naturelle.
Grenouille Quang femelle. Photo: Jodi J. L. Rowley/Australian Museum
CITATION: Rowley, J. J. L., Dau Q. V., Nguyen T. T., Cao T. T., & Nguyen, S. V. (2011). A new species of Gracixalus (Anura: Rhacophoridae) with a hyperextended vocal repertoire from Vietnam. Zootaxa 3125: 22-38.