- Près de 400 perroquets ont été sauvés du braconnage, restaurés et relâchés dans la nature, à ce jour, en République démocratique du Congo.
- Après le Maniema, la ville de Kisangani accueille déjà une centaine d’oiseaux.
- Mais la restauration interroge sur le risque de nouvelle capture des oiseaux sauvés du trafic illégal.
- Pour les spécialistes de la conservation de ces oiseaux, des mesures dissuasives sont nécessaires pour vaincre le braconnage.
LUBUMBASHI, République démocratique du Congo –Cette semaine, 50 perroquets gris d’Afrique (Psittacus erithacus) s’envoleront vers la forêt, dans la province congolaise du Maniema. Leur sortie intervient, après un an de restauration, depuis le sanctuaire de la Fondation Lukuru, un regroupement de défenseurs de l’environnement basé à Dingi dans le Maniema, y compris des représentants engagés du gouvernement, des experts juridique, ainsi que John et Terese Hart, deux experts américains de la conservation, qui travaillent en RDC, depuis 40 ans.
Selon la fondation, les trafiquants ont transféré plus de 68 000 perroquets gris de Kisangani à Kinshasa, principale plaque tournante du trafic de l’espèce, entre 2017 et 2022.
![]() Perroquets gris saisis lors d’une opération anti-trafic à Lodja, en RDC. Image fournie par Adams Cassinga. |
Une protection totale du perroquet gris
Le 31 juillet 2025, la ministère de l’environnement a publié un arrêté interdisant toute capture, toute détention ou toute commercialisation du perroquet gris d’Afrique. Cette interdiction a été précédée par celle prise par les autorités de la province de Tshopo, dans le nord de la RDC, dont Kisangani est la principale plaque tournante.
Mais un mois après, les grimpeurs et perroquets capturés sont encore visibles dans les groupements Ngungwa et Kimwachi, dans le province centre-nord du Maniema, a constaté Corneille Kalume, responsable de l’ONG locale Action Communautaire pour la Gestion de l’Environnement basée à Kindu, capitale de la province.
« Les braconniers continuent de capturer les perroquets. C’est une bonne chose de signer un arrêté ministériel qui interdit le braconnage. Mais il faut des actions sur le terrain pour que les gens arrêtent de capturer les oiseaux », explique au téléphone Kalume, habitant de Kindu dans le Maniema, favorable aux sensibilisations et sanctions exemplaires.
Des centres de réhabilitation des perroquets saisis
Ce trafic est des plus mortels et violents pour les perroquets. Seulement, un tiers des oiseaux capturés survit à l’arrivée, de la brousse congolaise à l’étranger, d’après la Fondation Lukuru. Aux centres de restauration de Dingi au Maniema, de Kisangani et de Lodja dans le Sankuru, projets conjoints de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) et de la Fondation Lukuru, les oiseaux arrachés aux braconniers arrivent avec des plumes coupées et, parfois, des ailes brisées.
En avril 2025, l’ICCN et Lukuru ont établi un Centre de conservation des perroquets (CCP), au Zoo de Kisangani. Jusqu’à septembre 2025, le CCP a reçu 112 perroquets, assure Gentil Kisangani, directeur provinciale de l’ICCN pour Tshopo. Ces oiseaux proviennent de diverses zones de la région, dont Kisangani.
Leur restauration peut parfois être lente et onéreuse, et certains oiseaux ne s’envolent pas le même jour vers la forêt et reviennent dans la volière, assure Terese Hart. Le coût moyen inclut les soins, l’alimentation des oiseaux et celle des soigneurs, qui ne vivent pas près des centres tels que celui de Dingi, d’autres assistances à ces derniers, l’entretien, et l’inspection.
« Pour garder 100 perroquets pour un mois, [le coût] varie (en dollars USA) de 1300 (Lodja), 2200 (zoo de Kisangani) et 2900 à Dingi. Construire une volière coûte plus que 1000 et varie en fonction du prix des matériaux et de la main d’oeuvre. On a sept volières à Dingi, trois à Kisangani et un à Lodja », explique Hart.
Les premières remises en liberté de perroquets du CCP de Kisangani pourront intervenir à la fin de 2025, selon Kisangani, de l’ICCN. Puisque qu’il faut d’abord s’assurer que les oiseaux sont en mesure de voler. Dans le Maniema, en revanche, une cinquantaine d’oiseaux devrait rejoindre la forêt, début octobre. « 397 perroquets ont recouvré la capacité de voler et ont déjà pu être relâchés. Plus tard, cette semaine, nous attendons qu’à peu près 50 prennent vol », a écrit, par mail, Terese Hart, à Mongabay, le 29 septembre 2025.
« Le relâchement des oiseaux se fait au centre de conservation. On ouvre la fenêtre de sortie de la volière destinée au relâchement. Ainsi, les oiseaux aptes à voler sortent et chacun prend sa destination », explique Kisangani, l’officiel de l’ICCN.

Un défi majeur : s’assurer que les oiseaux relâchés seront en sécurité
Mais malgré la joie de cette restauration réussie, les oiseaux peuvent à nouveau être capturés, admet la ministre provinciale de l’environnement de Tshopo Bijou Koy, jointe au téléphone par Mongabay. « Il y a beaucoup de risques que les mêmes oiseaux libérés soient capturés par les mêmes personnes. Après la signature de l’arrêté [qui protège totalement le perroquet], ça demandera des sensibilisations », explique-t-elle.
Filière longtemps marquée par des opérations clandestines , gage d’un gain facile impliquant même des agents de services publics, le trafic des perroquets peine à rentrer dans la légalité comme l’atteste le dernier arrêté ministériel, qui interdit tout trafic à des fins commerciales.
« Il est difficile de se rassurer qu’aucun employé du centre n’est impliqué dans le trafic. Mais aussi, on ne peut pas soupçonner un tel ou tel autre employé, alors qu’on n’a pas d’indice de culpabilité sur lui », répond Kisangani, à la question sur les risques de détournement des oiseaux du centre.
« Il est important d’intensifier d’autres mécanismes en lien avec la conservation des espaces sauvages, tels que sensibiliser les communautés locales et peuples autochtones, impliquer les autorités politico-administratives et militaires », dit-il.
Les surveillances des sites de remise en liberté des oiseaux ne semblent pas non plus réalisables au regard des coûts éventuels, la restauration des perroquets mobilisant moins d’acteurs publics et privés en RDC, d’après le constat de Gentil Kisangani.
« La sécurité ne peut pas être garantie après relâchement. À Maniema et Tshopo, nos centres sont sur le terrain de l’ICCN et des gardes sont présents. Nous continuons à encourager des lois plus fortes pour la protection des perroquets et leur mise en application », déclare Hart.
Image de bannière : Des perroquets gris africains au centre de sauvetage en République du Congo. Image extraite d’une vidéo fournie par WCS.
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