- L’exposition cumulative à la chaleur urbaine peut affecter la capacité intellectuelle des apprenants et pénaliser les jeunes vulnérables et à faibles revenus.
- Des chercheurs soutiennent que l'exposition prolongée à la chaleur nuit à l'apprentissage, et les tâches complexes comme les mathématiques sont plus affectées que les tâches plus simples comme la lecture.
- Ils suggèrent d'adopter en urgence de mettre en œuvre des politiques robustes et ciblées pour préserver le capital humain actuel et futur.
Une étude révèle que l’exposition cumulative à la chaleur urbaine affecte la capacité cognitive des apprenants.
« Une exposition prolongée à la chaleur altère l’apprentissage cumulatif des apprenants, les tâches complexes (par exemple, les mathématiques) étant davantage affectées que les tâches plus simples (par exemple, la lecture) », explique dans un courriel à Mongabay, Dr Konstantina Vasilakopoulou, chercheuse à l’Institut royal de technologie de Melbourne, en Australie.
Elle et son collègue Dr Matthaios Santamouris de l’École de l’environnement bâti, de la Faculté des arts, du design et de l’architecture, de l’université de Nouvelle-Galles du Sud, à Sydney, en Australie, ont compulsé les études portant sur les effets de la chaleur sur les performances cognitives, effectuées dans 61 pays sur près de 14,5 millions d’apprenants, pour évaluer l’ampleur et les mécanismes du déclin cognitif.
Les deux chercheurs ont ensuite exploré les stratégies et technologies d’adaptation conçues pour atténuer ces impacts, et examiné les disparités sociales et économiques en matière de vulnérabilité à la chaleur.
Enfin, ils ont effectué dans cette étude publiée fin juillet 2025, dans la revue PLOS Climate, une projection de surchauffe future et de ses conséquences cognitives.
« Les caractéristiques des tâches cognitives réalisées et évaluées déterminent l’ampleur de la perte associée à l’exposition à la chaleur. Des tâches cognitives de types et de complexités variés activent différentes régions du cerveau. Le stress thermique affecte la température des différentes régions cérébrales de manière distincte, et la perte cognitive potentielle dépend de la charge thermique spécifique subie par les zones cérébrales concernées », explique Vasilakopoulou, auteure principal de l’étude.
« Notre analyse a clairement montré que l’exposition cumulative à la chaleur urbaine n’est pas seulement un désagrément climatique, mais un problème d’équité systémique aux profondes implications pour l’apprentissage, le bien-être et le capital humain à long terme. Avec la hausse des températures mondiales, les trajectoires éducatives et de développement des jeunes vulnérables, issus de milieux défavorisés, s’accentuent », dit Vasilakopoulou.
Selon cette architecte passionnée par le développement durable et les environnements sains et inclusifs, les groupes socio-économiques les plus défavorisés ont subi des impacts disproportionnés.
Elle souligne que les conséquences cognitives cumulatives de l’exposition à la chaleur sur les jeunes pourraient avoir des conséquences à long terme sur le développement national.

Guy Degla, Professeur agrégé de mathématiques à l’Institut de mathématiques et de physique (IMSP) de l’université d’Abomey-Calavi, à Dangbo, au Bénin, explique à Mongabay que « l’exposition des apprenants à la chaleur urbaine influence naturellement la capacité d’apprentissage des mathématiques, car elle diminue la concentration, ralentit les temps d’action ou de réaction et affecte la capacité de traitement mental, entrainant une diminution de la performance ».
Même son de cloche chez le Professeur Koffi Wilfrid Houedanou, Maître de Conférences au Département de mathématiques de l’université d’Abomey-Calavi. « La chaleur urbaine peut avoir des effets négatifs sur les capacités d’apprentissage des élèves en mathématiques, notamment en raison des difficultés de concentration et de mémorisation. Ils peuvent également ressentir la fatigue et du stress, ce qui peut réduire leur motivation et leur capacité à résoudre des problèmes mathématiques complexes », confie-t-il.
Crépin Adégoutè, qui enseigne la Physique-Chimie et Technologie dans les établissements secondaires privés à Cotonou, renchérit en expliquant qu’« en période de chaleur, certains apprenants n’arrivent plus à réfléchir, d’autres nécessitent du temps pour se concentrer ». « Les fortes chaleurs dérangent souvent les apprenants. Il arrive qu’on fasse des pauses pour leur permettre de s’aérer un peu », indique-t-il, avant de préciser que l’impact des fortes chaleurs varie d’un individu à un autre.
Esdras Kpoviessi, étudiant en 4e année de génie mécanique et énergétique à l’École Polytechnique d’Abomey-Calavi pense qu’on a plus tendance à réfléchir au niveau des matières scientifiques que littéraires, et on sollicite beaucoup la mémoire. « Lorsqu’il fait trop chaud, notre capacité de réflexion peut être affectée ; pouvoir se concentrer ou mémoriser des formules peut être affecté », confie-t-il.

Résilience aux fortes chaleurs urbaines
« Quand il fait chaud, je vais parfois apprendre sous les arbres. J’ai aussi un ventilateur que j’utilise souvent pour me rafraichir. Je reste également, au dehors, tard la nuit, pour étudier. À ce moment-là, il fait un peu plus frais », dit Ricardo Dossou, étudiant en Licence de mathématiques à l’université d’Abomey-Calavi.
Pour Kpoviessi, après un temps d’étude, il se lève, se rafraîchit, se détend un peu avant de continuer. De son côté, Claude Hounmènou, titulaire d’une Licence en chimie, dit qu’il va souvent au tableau pour éviter la chaleur quand il était au collège. « De cette position, je reçois des courants d’air. Cela me permet également de ne pas être déconcentré », confie-t-il.
La climatisation, l’autre solution
Degla explique que dans certains pays du Sahel, en période de chaleur, on choisit les matinées pour les cours, et quand la chaleur s’intensifie, on ferme les écoles. « L’adaptation par acclimatation et l’utilisation accrue de la climatisation se sont avérées protectrices pour les apprenants », dit Vasilakopoulou.
Selon Adégoutè, qui relève l’effectif pléthorique dans certaines classes, « il y a des écoles qui n’ont pas assez de moyens pour installer la climatisation ou la ventilation. Cela pourrait également jouer sur certains qui ne supportent pas la fraîcheur ».
Par contre, Kpoviessi souligne que des témoignages sur certains de leurs camarades qui sont allés à l’étranger dans un climat où il fait un peu frais, montrent qu’ils s’en sortent bien, et deviennent des génies là-bas.
De sérieuses inquiétudes concernant les pertes cognitives potentielles chez les jeunes générations émergent de cette étude, compte tenu de la hausse significative des températures prévue, de la fréquence et de la durée croissante des épisodes de chaleur extrême.
« Il est urgent d’adopter une nouvelle perspective sur les implications cognitives du changement climatique en faisant progresser les technologies et en mettant en œuvre des politiques robustes et ciblées pour préserver le capital humain actuel et futur », peut-on lire dans l’étude.
« Ceci est particulièrement préoccupant pour les régions les plus pauvres du monde, par exemple les tropiques et les pays du Sud, où les variations extrêmes de température sont apparues plus tôt », dit Vasilakopoulou.

Des pistes à explorer…
Le développement et la mise en œuvre de technologies d’atténuation et d’adaptation à la chaleur à faible consommation d’énergie, ainsi que pour les villes et les établissements scolaires, constituent des stratégies essentielles pour prévenir le déclin des capacités d’apprentissage.
À en croire Vasilakopoulou, cela aidera également à éviter des conséquences sociétales et développementales importantes pour les populations à faible revenu des pays en développement et des pays développés ».
Elle invite les apprenants en cas de fortes chaleurs à rester hydraté, se rafraîchir et suivre les consignes des autorités. « Les décideurs peuvent soulager les apprenants en fixant convenablement le calendrier scolaire, les horaires d’ouverture et de fermeture des classes. Quant aux chefs d’établissement, en établissant les emplois du temps appropriés », dit Degla, qui prône la construction des classes avec des matériaux appropriés.
Il suggère aux apprenants d’avoir au moins deux tenues d’école ; l’une commode pour la chaleur et l’autre pour le froid, et bien établir leur emploi du temps personnel, en privilégiant les moments moins chauds pour l’apprentissage et les exercices.
Il leur suggère également de demander conseils auprès du personnel de santé en cas de malaise aigu, ou simplement pour l’adoption d’un bon régime alimentaire.
Invitant les décideurs à investir dans la construction d’infrastructures éducatives résilientes et opter pour l’usage des technologies de l’information et de la communication, face aux affres du changement climatique, « les élèves et étudiants peuvent développer des stratégies pour gérer le stress et la fatigue liés à la chaleur, telles que la prise de pauses régulières ou la pratique d’activités relaxantes. Ils peuvent également utiliser des ressources numériques pour poursuivre leur apprentissage en mathématiques, même lorsque les conditions climatiques les empêchent de se rendre à l’école », dit Houedanou.
Image de bannière : Un enseignant donne un cours de mathématiques à l’école primaire et secondaire de Ganane, à Kismayo, en Somalie. Image de AMISOM Public Information via Wikimédia Commons (Domaine public).
Citation :
Vasilakopoulou, K., Santamouris, M. (2025). Cumulative exposure to urban heat can affect the learning capacity of students and penalize the vulnerable and low-income young population : À systematic review. PLOS Climate. https://doi.org/10.1371/journal.pclm.0000618
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