- Un corridor écologique est en cours de création à Lébékéré, dans le massif du Fouta Djallon, pour relier les aires protégées et favoriser le déplacement de la faune sauvage.
- Le projet, lancé en mai 2023 et évalué à 890 000 euros, soit environ 1 051 900 USD, utilise la cartographie et la participation communautaire pour définir un tracé respectueux des habitants et de l’environnement.
- Il vise à préserver la biodiversité, lutter contre la fragmentation des habitats et soutenir les populations locales en préparant une certification carbone haute intégrité biodiversité.
- Les équipes espèrent matérialiser le corridor d’ici trois à cinq ans et dupliquer le modèle à travers d’autres communes rurales concernées.
Dans le massif du Fouta Djallon en Moyenne Guinée, l’idée d’un corridor de biodiversité prend forme, dans la sous-préfecture de Lébékéré, située à plus de 300 kilomètres de Conakry. Ce projet, piloté par l’association Climate Chance et le ministère de l’Environnement, vise à relier les aires protégées, les forêts classées et les principaux réservoirs de biodiversité entre eux, afin de permettre le passage fluide de la faune sauvage et de laisser prospérer la flore, loin des pressions humaines qui pourraient constituer une menace pour l’environnement.
Lancé en mai 2023, ce projet de corridor écologique s’inscrit dans une vision à moyen terme : d’ici trois à cinq ans, il devrait être matérialisé sur le terrain par un zonage visible et un suivi de la faune, avec l’espoir d’une stabilisation, voire d’une augmentation des populations animales.
Après plusieurs diagnostics de terrain à Lébékéré, les équipes prévoient d’enregistrer le projet pilote sur la commune rurale de Lébékéré en mai 2026. Ce projet est évalué à 890 000 euros, soit environ 9 137 263 766 francs guinéens (GNF), soit environ 1 051 900 USD.
Son tracé a été défini à partir d’une cartographie croisant les réservoirs de biodiversité, les obstacles aux déplacements de la faune, le potentiel de continuité et de restauration écologique, en tenant compte des pressions liées aux projets miniers et infrastructurels.
« Ce projet implique 10 communes rurales ( Salabandé, Mali, Lébékéré…). En tout cas, notre commune rurale pilote, c’est Lébékéré. C’est sur cette commune que nous faisons tous les diagnostics de terrain approfondis pour alimenter le processus de certification carbone. Une fois que nous aurons une méthodologie solide et robuste sur la commune rurale de Lébékéré, nous pourrons la dupliquer sur les autres communes rurales concernées », explique Marion Cassinot, coordinatrice du projet pour Climate Chance

Né à Lébékéré où il a grandi, Alpha Oumar Diallo, enseignant de 28 ans, admire au quotidien la faune sauvage de sa ville natale. « Nous sommes une sous-préfecture frontalière au Sénégal, et quand nous voyageons, nous voyons les animaux comme les chimpanzés, les singes, les babouins, les lions, les antilopes », dit-il.
Il ajoute : « Je pense que ce projet est bénéfique pour le village, car il permettra de protéger les animaux ».
Dans le cadre du respect de la convention des Nations unies sur la diversité biologique, qui prévoit 30 % d’aires protégées d’ici à 2030 (COP 15), ratifiée en 2022, il est prouvé scientifiquement que si l’on crée des aires protégées sans les relier pas entre elles, on continuera à noter une perte significative de la biodiversité.
Concrètement, sur le terrain, les équipes veillent à ce que le tracé du corridor évite les champs et les habitations.
C’est le cas du village de Touba Kouta, où le corridor projeté traversait un champ, ce qui a poussé les équipes à organiser une réunion avec les autorités locales pour renégocier le tracé, afin d’éviter des désagréments aux habitants, conformément aux directives du projet. « Nous nous assurons que le corridor ne traverse pas les champs des habitants, ni les villages. Nous sommes allés vérifier sur le terrain, lors de notre dernière mission de prise des points d’intersection entre le corridor et les cours d’eau, les routes », dit Barry Alpha, chargé des activités de terrain du projet.
Des zones tampons établies
La démarcation physique du corridor a été pensée pour être visible sans exercer une contrainte sur les habitants. « Les habitants ne viendront pas y exercer leurs activités. Le corridor ne sera pas délimité par des grillages, mais plutôt par des bornes, tout au long du tracé », précise Alpha Barry.
Autour du corridor, une zone tampon est prévue de part et d’autre sur 700 mètres. Avant toute activité de bornage, le projet organise des campagnes de sensibilisation axées sur l’explication du tracé, de la largeur, de la longueur et du sens des bornes. « La communauté saura donc ce qu’est le corridor, son tracé, sa superficie et comment le protéger. On y installera aussi des panneaux pour indiquer aux habitants qu’ils s’y approchent », explique Barry.
Des preuves de la faune
Les équipes envoyées sur le terrain ont recueilli des preuves tangibles prouvant la valeur écologique du tracé : appels et cris de chimpanzés entendus à Sabé, des traces de panthères, de chacals et de mangoustes, des nids et des empreintes de chimpanzés. Les habitants ont contribué à identifier les passages préférentiels des animaux et à orienter le tracé.
« Nous sommes capables de repérer le passage et la présence des animaux grâce à leurs empreintes, grâce à ce que nous ont dit les communautés. Nous avons également pu voir certains animaux sauvages », explique Marion Cassinot.
L’Office guinéen des Parcs nationaux et réserves de faune (OGPNRF), qui assure la coordination institutionnelle et technique du projet à l’échelle nationale, confirme l’utilisation d’outils variés.
« Ce projet s’appuie sur des outils technologiques et participatifs pour assurer son suivi : systèmes d’information géographique (SIG) pour cartographier les habitats et pressions, images satellitaires et drones pour observer l’évolution du couvert végétal, pour documenter les déplacements de la faune, ainsi que des méthodes de connaissances communautaires afin d’intégrer les savoirs locaux dans la planification », déclare le colonel Aboubacar Samoura, Directeur général de l’OGPNRF.

Un corridor, pourquoi ?
La Guinée ayant perdu une importante partie de sa biodiversité, la mise en place d’un corridor écologique est urgente et prioritaire pour préserver sa biodiversité, car les corridors écologiques permettent aux espèces de se déplacer librement, favorisant ainsi leur recherche alimentaire, les échanges génétiques entre individus d’une même espèce et réduisant les risques d’extinction. Dans le cas des chimpanzés, espèce en voie d’extinction, cela est crucial pour leur survie.
Le corridor écologique est une arme de lutte contre la fragmentation des habitats due à la déforestation et au braconnage confinant les animaux, notamment les chimpanzés dans de petits îlots forestiers. Les corridors écologiques visent à reconnecter ces zones protégées, permettant aux espèces de migrer et de se disperser naturellement.
Avec l’augmentation de la température globale, de nombreuses espèces migrent vers des latitudes et altitudes plus favorables. Les corridors écologiques peuvent faciliter ces migrations, aidant ainsi les espèces à s’adapter aux changements climatiques.
Enfin, les corridors écologiques peuvent également bénéficier aux communautés locales en fournissant des services écosystémiques essentiels, tels que la pollinisation, la régulation des ressources en eau et la conservation des sols.
Depuis plus de 30 ans, Papa Abdoulaye Fall intervient en Afrique en tant que consultant en faveur de la protection environnementale ; il encourage les initiatives de protection des animaux.
« C’est dans ce sens que des initiatives sont en cours pour créer des corridors écologiques dans certains pays comme la Tanzanie, ou dans des zones frontalières, comme, par exemple, entre la Côte d’Ivoire et le Liberia, pour protéger les chimpanzés et leur habitat », explique cet expert auprès de la Banque mondiale.
Image de bannière : Traces du passage d’animaux le long du corridor. Image fournie par Marion Cassinot, coordinatrice du projet.
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