- Des pisciculteurs aux cages flottantes au sud du Bénin, en activité sur le lac Toho-Todougba, ont essuyé des pertes peu avant le démarrage de la grande saison des pluies.
- Ces éleveurs de poissons pointent du doigt la chaleur qui serait à l’origine des mortalités. Ils retroussent les manches, multiplient des initiatives pour contenir la menace.
- Cependant, sur les causes réelles des mortalités enregistrées, les avis sont partagés. En dehors de la chaleur, certains experts pointent du doigt le manque d’oxygène dans les cages poissons.
Au Bénin, l’élevage de poissons se fait diversement et obéit à des principes. Outre les étangs et les cages fixes, il y a des cages flottantes de 5 mètres de côté avec des filets de 3 mètres de profondeur. Dans ces cages, sont élevés le clarias gariepinus, le pangasius hypophthalmus, le tilapia oréochromis niloticus.
Sur le lac Toho-Todougba, dans la commune de Ouidah, à une trentaine de kilomètres de Cotonou, les pisciculteurs aux cages flottantes se plaignent de morts de poissons et soutiennent que la chaleur est à l’origine de leurs désagréments. « Les mortalités ont commencé en décembre 2024 jusqu’en mai 2025. Dans une journée, il peut avoir entre 15 et 20 poissons morts dans une cage ; parfois 30 ou 40. Il y a des jours où c’est deux ou trois qui meurent », a confié Alain Houndémifo, technicien piscicole, gestionnaire d’une ferme sur le lac Toho-Todougba à Ouessè, dans la commune de Ouidah.
Avec un air triste, assis dans une barque, il se rappelle ses mésaventures. « Dès que la pluie commence, les mortalités cessent. Il est évident que la chaleur est à la base de morts de poissons dans les cages flottantes », dit-il.
Faisant recours aux statistiques, Houndémifo explique : « Dans une cage, j’ai enregistré 2087 poissons, le 28 janvier 2025. Dans cette même cage, j’ai eu 1117 le 10 mai 2025. Dans une autre cage, il y eut 3530 poissons comptés, le 15 février 2025. Il ne reste que 1515 poissons, le 25 mai 2025. Ailleurs, 2140 sont dénombrés le 21 janvier 2025 ; il reste 1015 poissons le 27 mai 2025 ».

Sur un autre site d’élevage de poissons, la chaleur serait à l’origine des morts de poissons dans les cages. « La chaleur est l’ennemi des poissons. Nous enregistrons des mortalités. C’est ce qui fait que l’empoissonnement démarre avec la saison des pluies », ajoute Rodrigue Totin, technicien piscicole, gestionnaire de Beniel Fish sur le même lac, dans le village de Lokohoué, dans l’arrondissement de Gakpè, à Ouidah.
Pour Péjanos Stanislas Sonon, promoteur d’une autre entreprise piscicole, secrétaire général de l’interprofession poisson d’élevage du Bénin (Ipeb), rencontré par Mongabay, à Vassého, à Ouidah, « quand la chaleur est excessive, la croissance des poissons est affectée. Ils ne mangent plus bien. Et, il arrive qu’ils meurent en quantité, parce que les paramètres physico-chimiques de l’eau sont liés entre eux, de sorte que la température influence les poissons ».
Stratégies pour contenir la menace
Face à ces pertes de poissons dans les cages flottantes, les pisciculteurs développent des stratégies pour contenir la menace. « Quand les mortalités commencent, nous optons pour la diminution des aliments aux poissons », a dit Totin.

Selon les clarifications de Abou Youssouf, enseignant-chercheur en hydrobiologie et aquaculture à la Faculté des sciences et techniques, interviewé par Mongabay à l’université d’Abomey-Calavi (Bénin), « lorsque la chaleur est intense, et que la densité est élevée, l’oxygène est rare. Il y a moins d’oxygène pour chaque individu. Alors que pour digérer les aliments, les poissons ont besoin d’oxygène. Donc, il faut diminuer la quantité d’aliment qu’on leur donne pour que le taux d’oxygène qu’ils ont, en ce temps de chaleur, leur suffise ».
Parlant d’une autre stratégie, les pisciculteurs font usage de sel de cuisine. « Nous mettons aussi du sel de cuisine dans des sacs déposés dans les coins des cages. Mais ce remède n’est pas efficace tout le temps », selon Totin.

Par rapport à cela, Youssouf a fait remarquer que « les algues, les phytoplanctons qui sont dans l’eau, meurent en grande partie en présence du sel. C’est l’introduction du sel qui fait qu’ils ne pourvoient plus l’eau en gaz carbonique la nuit. Cette technique peut régler en partie leur problème. Mais il ne faut pas qu’ils salinisent l’eau. Parce que, à la longue, ce qu’ils veulent gagner en le faisant, ils vont le perdre par la non croissance de ces poissons », a-t-il indiqué.
L’Agence territoriale de développement agricole (Atda) est sensible aux difficultés des pisciculteurs. Mirtha Kodja, technicienne spécialisée en aquaculture et cheffe cellule communale par Intérim à l’Atda de la commune de Ouidah, a expliqué qu’il est proposé aux pisciculteurs « de diminuer les densités de charge de production des poissons, de mieux gérer le nourrissage des poissons pour réduire le dépôt des aliments et autres dans le fond du lac ».
Elle a aussi fait cas de la mise en place d’un appareil de collecte des données physico-chimiques de l’eau du lac Toho-Todougba, un looger qui permet de relever les données, pour apprécier la qualité de l’eau et repérer les périodes critiques, afin de prévenir les acteurs.

Toho-Todougba, un lac eutrophisé
Les pisciculteurs indexent la chaleur qui serait à l’origine des mortalités enregistrées dans les cages flottantes. Mais Youssouf n’est pas de cet avis. « Ce qui se passe avec les mortalités de poisson, parce qu’il y a la chaleur n’est pas fondé. La chaleur dans cet écosystème-là ne va pas tuer les poissons. Par rapport à la pisciculture, nous sommes dans un pays chaud. En Afrique tropicale, c’est la pisciculture d’eau chaude comparativement aux pays tempérés qui font la pisciculture en eau froide. Et les poissons y vivent correctement dans chaque cas. La température la plus élevée dans ce lac est de 32°C. Le tilapia survit correctement à cette température. Les poissons sont en cage. Il y a un effet combiné, et ils peuvent croire que c’est la température qui est la cause de la mort des poissons ». La quantité de poissons dans une cage pose le problème de densité.

Le tilapia est un poisson extrêmement exigeant en oxygène. Le lac Toho-Todougba étant déjà eutrophisé, cette eutrophisation est de nature à tuer les poissons, la nuit, lorsque la densité est élevée.
Il martèle que l’eutrophisation pourvoit l’eau en oxygène pendant le jour. Cette forme de pollution pourvoit, la nuit, le milieu en dioxyde de carbone. C’est cet oxygène, qui se retrouve désormais en trace, que la masse de poissons, en surdensité dans la cage va se partager. C’est moins d’oxygène et beaucoup de gaz carbonique qui, a-t-il dit, tuent les poissons.
Youssouf fait remarquer que ceux qui font le suivi vont constater que c’est les matins quand ils arrivent que ces poissons soient morts, et d’autres tanguent à la surface de l’eau. Ce sont des signes d’un manque d’oxygène.
La première chose à faire, selon lui, c’est de réguler la pisciculture. Youssouf pense qu’il faut « faire une étude de capacité de charge pour savoir quelle quantité de poissons mettre dans une cage ».
Il ajoute que l’eutrophisation de ce lac, peut être réduite, en lui assurant une fluidité avec la circulation de l’eau dans le complexe Djonou lac Toho-Todougba.
Image de bannière : Une partie des poissons morts dans les cages-flottantes sur le lac Toho-Todougba. Image de Patrice Soglo pour Mongabay.
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