- Les forêts du bassin du Congo, « poumon vert » de l’Afrique, jouent un rôle crucial dans la régulation du climat mondial, le stockage du carbone et la protection de la biodiversité, en soutenant les moyens de subsistance de plusieurs millions de personnes.
- Ces écosystèmes sont menacés par la déforestation, l’exploitation agricole non durable, la coupe de bois, le braconnage et les activités minières, ce qui met en danger leur capacité à jouer ce rôle vital.
- Des personnages publics, comme Naomi Akakpo, athlète internationale et ambassadrice de l’ONU pour la lutte contre la désertification, utilisent leur notoriété pour sensibiliser le public et assurer la préservation des forêts africaines, faisant du sport un levier d’influence environnementale.
Longtemps qualifiées de « poumon vert » de l’Afrique, les forêts du bassin du Congo jouent un rôle crucial dans la régulation du climat mondial. Elles stockent près de 29 milliards de tonnes de carbone dans leurs tourbières, selon les données 2023 du Programme des Nations unies pour l’Environnement, tandis que leur végétation protège des milliers d’espèces et soutient les moyens de subsistance de plus de 60 millions de personnes. Pourtant, ces écosystèmes sont aujourd’hui fortement menacés. Déforestation, exploitation agricole non durable, coupe de bois, braconnage et activités minières accélèrent leur dégradation, la perte des forêts primaires dans la région s’étant accrue de 150 % entre 2023 et 2024, en République du Congo, selon les données 2024 de World Resources Institute.
Face à ces pressions, un mouvement de mobilisation émerge. Parmi les voix qui se font entendre, des athlètes utilisent leur notoriété pour sensibiliser et défendre ces espaces vitaux. C’est le cas de Naomi Akakpo, athlète franco-togolaise spécialiste du 100 mètres haies, porte-drapeau du Togo aux Jeux Olympiques de Paris 2024, et championne de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification. À travers ses prises de parole, elle souligne le lien intime entre identité, territoire et environnement, et appelle à une protection accrue des forêts africaines.
Pour comprendre son engagement et la manière dont le sport pourrait devenir un levier d’influence environnementale, Mongabay s’est entretenu avec Naomi Akakpo. L’athlète revient sur son parcours, sa prise de conscience écologique et la responsabilité des figures publiques dans la défense des forêts aujourd’hui essentielles pour la régulation climatique mondiale.

Mongabay : Naomi Akakpo, vous êtes une athlète internationale, spécialiste du 100 mètres haies. Vous avez porté les couleurs du Togo, votre pays, à plusieurs compétitions comme les championnats du monde d’athlétisme de 2022, 2023. Plus récemment, aux Jeux olympiques de Paris 2024, vous avez été porte-drapeau du Togo. Mais, au-delà des pistes, vous êtes également une championne de la sécurité alimentaire, une sorte d’ambassadrice officielle pour les causes environnementales auprès de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification. Qu’est-ce que cela représente pour vous de porter à la fois l’étendard du sport et celui de la préservation de l’environnement ?
Naomi Akakpo : C’est quelque chose de très important. Justement, les sportifs, que nous sommes, avons une grande responsabilité, parce que nous sommes les premiers à avoir un impact sur l’environnement, et pas forcément de la bonne manière. Il faut dire que cette responsabilité tient notamment à à nos voyages, aux infrastructures, à tout ce qui est mis en place pour les compétitions.
Nous avons également énormément de visibilité, que ce soit pendant les compétitions internationales ou à travers nos réseaux sociaux. On est suivi, on est écouté, on est entendu. Je pense qu’il est donc très important que notre voix soit utilisée pour des causes qui nous tiennent à cœur.
C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de représenter le Togo et les Nations unies, que ce soit au plan sportif et sur le volet environnemental, parce qu’il est important que ma voix serve à quelque chose – pas seulement à motiver en sport – mais aussi à motiver, s’agissant de tout ce qui relève de la préservation des terres et de la sécurité alimentaire, parce qu’on ne peut pas être en bonne santé, sans terres saines. Tout ça va ensemble.
Mongabay : Qu’est-ce qui a éveillé cette conscience écologique en vous ?
Naomi Akakpo : Il faut savoir que je suis diététicienne-nutritionniste de profession. J’ai fait une formation supplémentaire pour me spécialiser dans ma catégorie sportive. Donc, la santé, pour moi, est extrêmement importante. Je me suis rendue compte lors de mes études à quel point les terres, les récoltes et l’agriculture jouent un rôle crucial dans notre alimentation quotidienne, donc notre santé. Si nous ne mangeons pas correctement, nous risquons d’avoir de graves problèmes de santé, que ce soit en Afrique ou en Occident. C’est vraiment la base de tout. C’est comme ça que j’ai été sensibilisée qu’il est important d’avoir de bonnes choses dans notre assiette. Et, pour avoir de bonnes choses dans notre assiette, il faut que le monde tourne bien et que tout aille bien au niveau des terres, des récoltes. C’est pour cela que, pour moi, être impliquée dans la lutte contre la désertification est comme une évidence.
Mongabay : Vous avez lancé en juin dernier le projet de la « Forêt Naomi Akakpo » au Togo, avec l’objectif de planter plus de 8000 arbres d’ici à 2028. Faites-nous la genèse de ce projet et dites-nous ce qu’il représente pour vous.
Naomi Akakpo : Ce projet était le point de départ dans mon engagement environnemental. Le but, actuellement, est de planter au minimum 2028 arbres, par an, jusqu’en 2028, pour en faire écho aux prochains Jeux Olympiques, prévus en 2028, à Los Angeles.
L’objectif a été d’abord d’éduquer les enfants à travers la sensibilisation au sport, au 100 mètres notamment, et de mettre ensuite en place des sessions de plantation d’arbres, pour lutter contre la déforestation.
Ce projet, pour moi, était extrêmement important, parce qu’il est très concret. Pour avoir réussi à toucher énormément de personnes, on a eu énormément de bons retours.
C’est important de pouvoir rattacher le côté « alimentation » aux côtés « sport » « environnement ». C’est toujours avec ces trois cercles que je fonctionne.
Mongabay : Pourquoi avoir choisi les arbres comme axe principal de votre engagement dans votre pays, le Togo ?
Naomi Akakpo : Les arbres, parce que, pour moi, le relationnel avec la terre est très important. On marche sur terre, on court sur terre, on y est toujours pieds nus. La terre, ça me fait penser aux racines, notre ancrage. Et c’est quelque chose qui résonne beaucoup en moi. Pour moi, tout vient de la terre. Je suis plus rattachée à ce côté « forêt », à ce côté « nature ».
Mongabay : Certains disent que planter des arbres n’est pas suffisant face à l’ampleur de la crise climatique. Que leur répondez-vous ?
Naomi Akakpo : C’est une réalité ! Planter des arbres ne suffit pas. C’est pour cela que, dans toutes les actions que je mène, il y a une partie « éducation », une partie « prévention », où le but est de sensibiliser la population sur l’importance des bons gestes, des bonnes habitudes à prendre, pour que, dans le futur, toutes les erreurs, qui ont pu être commises depuis toutes ces années, soient limitées. Le mieux est qu’elles n’existent plus, même s’il y aura toujours des personnes qui ne seront pas sensibilisées ou qui sont sensibilisées mais qui ne le font pas. En tout cas, il s’agit de faire en sorte que tout le monde puisse avoir les bons gestes, les bonnes habitudes, pour que progressivement le monde aille mieux et qu’à ce moment-là, planter des arbres liés aux bonnes manières et aux bons gestes puisse suffire pour retrouver un bon équilibre.
Mongabay : En tant que sportive de haut niveau, pensez-vous que les athlètes ont particulièrement la responsabilité de sensibiliser le public aux enjeux climatiques et environnementaux, au-delà du rôle des gouvernements ou des ONG ?
Naomi Akakpo : En tout, être sportif ou sportive, être un personnage public, avoir du monde qui nous écoute, avoir une communauté comme c’est le cas de beaucoup de sportifs cela sont des canaux à utiliser à bon escient, pour sensibiliser sur des causes qui nous tiennent à cœur. Je pense qu’on nous écoute, qu’on nous prend au sérieux plus que les gouvernements ou les ONG. Les personnes se sentent peut-être plus proches des sportifs ; elles vont peut-être avoir le même mode de vie qu’eux, ou se rendre compte que c’est réel, que c’est important que de l’entendre par d’autres canaux. Je pense que ça peut vraiment faire que les gens se réveillent et prennent réellement conscience de ce qui est en jeu. Sportifs et sportives, nous devons nous servir de notre voix pour parler de ce qui nous semble important dans ce monde.
Mongabay : Qu’est-ce que vous avez envie de dire aux sportifs qui nous lisent ?
Naomi Akakpo : Pour ceux qui sont des sportifs accomplis, qui ont déjà de longues carrières derrière eux, je leur dirai d’utiliser leur voix, d’utiliser leur histoire, d’utiliser leur parcours pour pouvoir faire le bien autour d’eux, et de sensibiliser le maximum de personnes ; peu importe le sujet. Aux sportifs qui sont peut-être plus jeunes, qui ont encore toute une carrière à accomplir, je leur dirai de ne rien lâcher, de continuer à se battre et de faire le nécessaire pour atteindre leurs objectifs. Ils peuvent être à fond dans le sport et s’engager sur d’autres causes ; ils peuvent utiliser leur voix à bon escient. Ils ne sont pas obligés d’attendre la fin de leur carrière pour s’engager pour des causes qui leur tiennent à cœur.
Image de bannière : Naomi Akakpo, athlète internationale et ambassadrice de l’ONU pour la lutte contre la désertification. Image fournie par Naomi Akakpo.
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