- À la merci des inondations, il y a encore quelques années, la ville de Cotonou se libère progressivement de l’assaut des eaux de pluie et se redonne une beauté et un cadre de vie qui améliorent les occupations quotidiennes des habitants.
- Pour y parvenir, le gouvernement a dû transcender les contraintes financières et les difficultés de respects des plans d’urbanisme et d’assainissement qui réduisent les impacts des travaux par le passé.
- Grâce au Projet d’assainissement pluvial de Cotonou (Papc), un cadre de collaboration populations-gouvernement et la municipalité de Cotonou, a créé une stratégie de résilience commune, où les intérêts particuliers, collectifs, la protection de l’environnement, la préservation de la biodiversité et la sécurité ont pris le dessus.
- Pour les travaux d’entretien et de maintenance des ouvrages, des dispositions sont prises pour assurer leur bonne exécution.
« Avant même la fin des travaux, les occupants des maisons situées dans la zone de Sètovi n’ont pas connu les affres de l’inondation lors de la dernière saison des pluies », raconte fièrement Yacoubou Bawa, chef quartier de Sètovi et président du Comité de gestion des plaintes à Vèdoko, dans le 10ème arrondissement de Cotonou, au Bénin. « On ne pouvait pas passer par ici en saison des pluies, mais aujourd’hui, on circule aisément pour accomplir nos activités personnelles, professionnelles et économiques », dit, satisfaite, Edith Gbénou, une habitante du quartier Agla dans le 13ème arrondissement.
Grégoire Djidonou, chef quartier d’Enagnon, à Akpakpa Dodomè, se souvient de l’état de sa localité avant le démarrage des travaux du Projet d’assainissement pluvial de la ville de Cotonou (Papc). « C’étaient des trous partout et l’eau nous faisait la loi pendant la saison des pluies. Aujourd’hui, nous avons des rues pavées et des caniveaux. C’est plus facile de circuler », dit-il.
« Il y a quelque chose de particulier dans la mise en œuvre du Papc. Nous rendons accessible toute cette zone [ndlr : parlant du quartier Enagnon], où personne ne pouvait venir en véhicule. La preuve est que vous voyez un enfant s’exercer au roller. Il y a deux ans, ce n’était pas possible », dit Oswald Gangbo, coordonnateur du Papc.
Le programme PAPC est la réponse du gouvernement pour assainir la ville de Cotonou et mettre fin aux inondations récurrentes qui régulent les périodes de saisons des pluies, affectent le quotidien des populations et portent entorse à leur vécu normal dans les quartiers concernés. Elles sont dues au relief de la ville et aux débordements réguliers des cours et plans d’eau, qui entourent la ville ; des débordements dus à l’abondance des précipitations en saison de pluie et à la faible infiltration des eaux.

Cotonou fait partie d’une zone humide diversifiée parsemée de lacs, lagunes et basfonds connectés entre eux et s’étendant aussi sur les communes environnantes d’Abomey-Calavi, de Sèmè-Podji et de Ouidah. En raison de cette géographie, il a été complexe de trouver une solution conséquente face à l’ampleur des inondations.
Cette situation qui perdure depuis des décennies est le résultat d’une mauvaise politique d’urbanisation et d’assainissement de la ville depuis 1960 et d’une absence de plans d’anticipation sur les effets du changement climatique, selon Taméon Benoît Danvidé, auteur d’une étude réalisée en 2015, sur la gouvernance des politiques de planification urbaine et la gestion des inondations à Cotonou.
Pendant longtemps, les populations ont mis en œuvre, à l’échelle individuelle ou communautaire, des stratégies de résilience pour faire face aux risques et les contrôler dans une certaine mesure. C’est la forte pluviométrie de 2010, ayant occasionné des inondations de très grande ampleur dans tout le pays et particulièrement à Cotonou, avec ses conséquences socio-économiques estimées à plusieurs dizaines de milliards de franc CFA, qui a déclenché l’urgence de trouver une solution.
Le document de Stratégie nationale de réduction des risques de catastrophe (2019-2030) du Bénin, estime que ces inondations avaient causé une perte d’environ 220,90 millions USD sur le Produit intérieur brut.
En réaction, l’Etat béninois a initié, après plusieurs études de terrain, des travaux d’assainissement de la ville. C’est l’origine du Papc, une émanation du plan directeur d’assainissement (Pda) de la ville, un document qui fait l’état des lieux et le scanning de la ville pour prévoir une stratégie globale d’urbanisation et d’assainissement, d’abord à court terme, et ensuite à moyen et long terme.
« Auparavant, les autres projets d’assainissement se faisaient un peu sous contrainte financière sans prise en compte de tous les aspects prévus dans le Pda. Ce qui est différent au niveau du Papc, parce que l’objectif est de transformer Cotonou en une ville résiliente face aux caprices du changement climatique et de renforcer les infrastructures urbaines face aux défis climatiques. C’est une avancée majeure dans la lutte contre les inondations », dit Gangbo.
Ce qui justifie l’enveloppe financière de 264 milliards de francs CFA, (environ 433,6 millions USD) prévus pour l’exécution de ce projet et la mobilisation de différents partenaires pour atteindre l’objectif. Les travaux qui sont actuellement en cours touchent dix des treize arrondissements de la ville et sont financés par plusieurs partenaires de l’Etat béninois dont la Banque mondiale.

Le défi de construire des ouvrages fonctionnels de grande envergure…
Les travaux d’assainissement en cours d’exécution, depuis 2021, ne visent pas seulement à régler les problèmes d’inondations cycliques. Ils assurent une interconnexion entre les différents couloirs d’écoulement et de concentration de l’eau à travers la construction, la réhabilitation ou l’extension d’ouvrages d’assainissement tels que des canaux de drainage souterrain des eaux de pluie vers la lagune, l’érection de bassins versants et de rétention d’eau.
À ces gros ouvrages, s’ajoutent la construction et le pavage de voies et la réalisation de caniveaux d’écoulement de l’eau vers les ouvrages primaires que sont les collecteurs et les bassins. « Nous travaillons sur 34 des 50 bassins que compte la ville de Cotonou, et les travaux d’aménagement tiennent compte des limites notées au niveau de ces bassins versants en termes de capacité de drainage des eaux de pluie », dit Gangbo.
Tous ces ouvrages permettent le drainage efficace des eaux pluviales renforçant ainsi la capacité de la ville à gérer les épisodes pluvieux intenses ou critiques. Les travaux se réalisent sur 46 kilomètres de caniveaux et grands collecteurs, 90 kilomètres de collecteurs de taille moyenne et 305 kilomètres d’ouvrages d’assainissement. « Dans la réalisation des ouvrages, le PAPC a tenu compte des sources d’où jaillissent les eaux au Nord du Bénin pour venir grossir les plans d’eaux aux alentours de Cotonou. Il en est de même pour la variation des niveaux de la mer. On a aussi réalisé un modèle hydrologique avec des cartes d’inondation, qui permettent d’anticiper sur les risques d’inondation », ajoute-t-il.
Mais les infrastructures créées ne se limitent pas seulement à la réduction des inondations. Un document global de plan de gestion environnemental et social (Pges) est élaboré entre 2017 et 2018, conformément aux dispositions de la loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin, comme l’indique Serge Dansou, Directeur des affaires domaniales et environnementales à la Mairie de Cotonou.

…et de préserver la biodiversité et la protection des personnes affectées
La mise en œuvre du projet a pris également en compte la biodiversité locale. L’objectif de libérer de l’espace pour faciliter le volume d’écoulement des eaux a cédé très tôt face à la nécessité de respecter les conventions RAMSAR et 10/18, ainsi que d’autres conventions des Nations unies sur la préservation de la biodiversité ratifiées par le Bénin. « Il faut prévoir des réserves d’habitats naturels avec pour objectif de préserver le biotope de la faune aviaire et aquatique », déclare Lambert Agodo, expert en sauvegarde environnementale au Papc.
Les zones humides de la ville concernées par les travaux de réalisation de bassins abritent des espèces animales et végétales à protéger. C’est le cas de certaines catégories d’oiseaux migrateurs qui se déplacent, selon les saisons, entre les continents européens et africains et viennent se reproduire dans ces espaces au Bénin. Leur préservation est essentielle pour l’équilibre écologique mondial. Une étude ornithologique a recommandé de prévoir ces réserves d’habitats naturels pour les accueillir lors de leur séjour, afin de faciliter cette reproduction.
Il en est de même pour certaines espèces de reptiles aquatiques, des batraciens et d’autres animaux. Du coup, des ilots aquatiques devenus des réserves d’habitats naturels pour la flore et la faune aquatiques ont été érigés. « Si vous retournez aujourd’hui sur ces sites, vous allez constater que ces animaux ont déjà recolonisé les lieux et le biotope s’est naturellement reconstitué », dit Agodo. « Il y a des animaux qui ne vivent que dans certains endroits et nulle part ailleurs et il faut les protéger pour maintenir et animer la chaine trophique », ajoute Dansou.
Outre les réserves d’habitats naturels pour les animaux, il y a aussi des aménagements paysagers faits de réalisations d’espaces verts pour l’embellissement de la ville et des initiatives de plantations d’arbres. « On voit beaucoup d’espaces paysagers au niveau des rues aménagées et à proximité de certains bassins. Ça donne aux ouvrages un caractère divertissant pour les populations », dit Gangbo.
Il en est de même pour les aires de promenade le long de certains bassins. La plantation d’arbres vise, non seulement à protéger les ouvrages, mais aussi à empêcher les populations de réoccuper les espaces libérés. En effet, le projet a mis un accent sur l’aspect humain en dédommageant toutes les personnes dont les sites d’habitation ou les infrastructures commerciales et économiques se retrouvent dans l’emprise des travaux.

L’entretien et la maintenance des infrastructures… entre casse-tête et espoir
Les travaux réalisés permettent d’éviter à l’avenir les inondations de grande ampleur si les ouvrages sont bien entretenus. Le gouvernement et la municipalité de Cotonou rassurent d’un plan d’entretien et de maintenance. Des comités locaux de lutte contre les inondations sont initiés par le projet. Ils appuient les élus locaux à la base et la Société de gestion des déchets et de la salubrité (SGDS), pour sensibiliser les populations sur le bon usage des ouvrages et l’assainissement du cadre de vie. « En évaluant le travail qu’ils font sur le terrain, il est nécessaire de les renforcer officiellement et de mieux les structurer, afin qu’ils disposent de capacités à nous aider à empêcher les populations d’éviter l’encombrement des ouvrages au passage de l’eau », dit Dansou.
La SGDS, en contrat avec la mairie de Cotonou pour l’entretien des ouvrages dans le respect de la protection et de la préservation de la biodiversité, a renforcé la disponibilité des poubelles publiques dans tous les quartiers concernés. « Cela nous évite de dégrader l’écosystème et permet d’utiliser la main d’œuvre local des riverains et autochtones, afin qu’ils y découvrent de l’intérêt à accompagner le mouvement. Du fait que nous avons été associés à l’information, à tous les processus, à toutes les décisions et à tous les types d’activités, nous associons aussi, à notre tour, les populations à l’information pendant l’entretien. C’est important de procéder cette manière pour poursuivre l’œuvre de protection et de préservation du milieu », dit Mesmer Yéou, Directeur des opérations de la SGDS. Plusieurs petites entreprises aussi sont associées, créant ainsi de nombreux emplois en la matière.
Selon Gourgui Sabi Orou Gani, Directeur des services techniques de la Mairie de Cotonou, la ville se prépare un plan stratégique de mobilisation des ressources propres pour assurer la mission d’entretien des ouvrages réalisés.
En attendant, le gouvernement a défini une période transitoire de cinq ans au cours de laquelle il prend en charge de façon dégressive de 25 % par an, l’entretien et la maintenance de la totalité des infrastructures.
Une nouvelle qui rassure les populations qui se réjouissent des solutions que ces ouvrages ont apportés dans leurs communautés, notamment sur le plan sécuritaire avec l’éclairage public associé à l’aménagement des voies pavées et la réalisation des autres ouvrages. « C’est en cela que le Papc est une solution durable inclusive, parce que cela englobe, non seulement l’assainissement pluvial, mais aussi des considérations environnementales et sociales, avec des travaux qui incluent aussi des dispositifs pour améliorer la sécurité publique, tels que l’installation de lampadaires solaires », dit Marcellin Bocovè, Directeur Général adjoint de l’Agence de gestion et d’exécution des travaux urbains (Agetur), l’entreprise en charge de la maitrise d’ouvrage déléguée des travaux du projet.
Image de bannière : L’érection de bassins versants et de rétention d’eau. Ces ouvrages assurent une interconnexion entre les différents couloirs d’écoulement et de concentration de l’eau. Image fournie par le Directeur des opérations de la SGDS.
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