- Les groupes armés se concentrent particulièrement autour des gisements miniers dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).
- L’exploitation illégale des minerais est un des moteurs de la crise en cours dans ce pays.
- Divers rapports indiquent qu’une fois nés, les groupes armés se financent avec les mines.
Environ 120 groupes armés s’activent dans les provinces de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) du Nord et du Sud-Kivu, limitrophes de l’Uganda, du Burundi et du Rwanda. Mais, selon le Programme de désarmement, démobilisation, réinsertion communautaire et stabilisation (P-DDRCS), toute la partie orientale de la RDC compterait 252 groupes armés locaux et 14 groupes armés étrangers.

Comme à la fin de la décennie 1990, lors des guerres qui ont conduit à la chute du président Mobutu et à l’assassinat de son successeur Laurent-Désiré Kabila, ces pays (Rwanda, Burundi et Ouganda) sont impliqués en 2025 dans la crise du M23, le mouvement armé soutenu par le Rwanda, selon les autorités congolaises et l’ONU. Le Burundi pour sa part, comme l’Ouganda d’ailleurs, soutient Kinshasa et redoute que l’activisme armé de son voisin rwandais ne déstabilise la région.
Depuis les guerres successives, comme cette fois encore, l’accès aux minerais compte parmi les causes des violences qui durent depuis 3 décennies. « Il y a une théorie connue depuis la guerre de l’AFDL [partie du Rwanda en 1996, Ndlr] qui dit que la guerre, en RDC, une fois commencée, elle s’autofinance. Elle s’auto-finance avec quoi ? C’est avec des minerais que l’on trouve sur terrain », dit Nissé Mughendi, expert de la géopolitique de la région des Grands-Lacs et directeur du Bureau-Centre d’Etudes pour la Paix et la Sécurité (BCEPS), interrogé en 2023, par le journaliste Hervé Mukulu, dans le cadre d’un projet du Pulitzer Center. « Jusqu’aujourd’hui, il n’y a aucun rapport qui a contredit cette thèse », c’est-à-dire, que les minerais financent les groupes armés en RDC, explique à Mongabay Emmanuel Umpula, responsable de l’ONG congolaise Afrewatch.
Le Rwanda est indexé comme l’une des voies de sortie de ces ressources. Les plus importantes sont les 3T : cassiterite (Tin), tungsten et tantale (coltan), très recherchées pour leur importance dans l’industrie électronique et les technologies nécessaires à la transition énergétique.

Rubaya, au cœur de la quête du coltan bon marché
La région de Rubaya, dans le territoire de Massi du Nord-Kivu, contient plus de 15 % de la production mondiale de tantale, d’après le média congolais Actualite.cd. Le M23 l’occupe depuis trois, à la suite de la chute de la cité de Bunagana dans des combats contre l’armée congolaise. Ce même média indique que depuis l’occupation de la région de Rubaya, le mouvement armé génère 300 000 USD, grâce aux taxes qu’il impose sur les productions artisanales, d’après la déclaration de la cheffe de la mission onusienne en RDC ( Monusco), Bintou Keita, en septembre 2024. Quant aux manques à gagner pour la province du Nord-Kivu, il est estimé à 7 millions de dollars le mois, soit 100 tonnes de moins, selon les estimations.
Or, le M23 vient d’occuper également le territoire de Kalehe dans le Sud-Kivu, riche également en ressources 3T et d’autres types de minerais encore.
Utilisé dans la fabrication des téléphones et d’autres technologies de pointe, le tantale est extrait en RDC (au moins 40 % – et peut-être plus), au Rwanda, au Brésil et au Nigeria. Selon le rapport des experts de l’ONU, qui date du 7 décembre 2024, la coalition armée AFC-M23 a eu le contrôle des centres de négoce à Rubaya et à Mushaki, ainsi que celui « des routes de transport des minéraux de Rubaya au Rwanda, où ceux-ci étaient mélangés à la production rwandaise ».
Le même rapport constate ainsi « la contamination la plus importante jamais enregistrée des chaînes d’approvisionnement par des minéraux « 3T » (étain, tantale et tungstène), non certifiés, dans la région des Grands Lacs, ces dix dernières années ».

Des groupes armés et des mines
La gouvernance minière déficitaire, notamment du fait du faible contrôle des gisements miniers par les pouvoirs publics profite aux groupes armés. Ainsi, face à la difficulté d’assurer la traçabilité des minerais issus des zones incontrôlées, le ministère congolais des mines a déclaré « zones rouges », tous les sites miniers du territoire de Masisi, dans le secteur de Rubaya et du territoire de Kalehe, dans le secteur de Nyamibwe. Il espère ainsi alerter sur l’urgence d’un contrôle plus rigoureux des minerais issus des zones contrôlées par les groupes armés.
Quatre groupes majeurs attirent l’attention dans cette région de la RDC, selon la télévision française France 24 : le M23, les rebelles rwandais FDLR, les ougandais ADF et les congolais CODECO.
D’après l’« Analyse de conflit et cartographie des acteurs dans le Sud Kivu et l’Ituri », de The International Peace Information Service (IPIS), sur les 182 mines visitées, 144 produisaient de l’or (79 %), 36 de la cassitérite (20 %), et 15 du coltan (8 %). « Le total de mines est supérieur 182 (100 %), parce que 14 mines produisent 2 minerais, et une mine en produit 3 », indique le rapport.
Lire à ce propos sur Mongabay | RDC : Des doutes sur l’application de la demande de suspension de l’accord entre l’Union européenne et le Rwanda autour des minerais.
Les données d’IPIS collectées entre 2009 et 2023 nous ont permis d’élaborer la carte ci-dessus. Cette carte indique les sites miniers et les minerais qui y sont produits. Il suffit de poser le curseur sur un point ou de cliquer dessus pour voir les données correspondantes : lieu, minerais exploités et groupes armés présents.
Image de bannière : Une carrière minière de CHEMAF (Chemical of Africa). Mine de l’étoile, à Lubumbashi, en RDC. Image de Didier Makal pour Mongabay.
Le cobalt radioactif des mines de la RDC, une menace pour les populations
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