- Le plastique n’est pas un simple déchet inerte. Si l’on considère tout son cycle de vie, son rejet incontrôlé dans l’environnement aggrave les impacts de toutes les limites planétaires.
- Or, seul 9 % de la production de plastique est recyclée : « … le concept de recyclage lui-même est un peu comme un jeu de whack-a-mole [ou jeu de la taupe], une tentative pour résoudre un problème s'avérant futile, car d'autres défis émergent ailleurs ».
- Le Traité mondial pour la lutte contre la pollution plastique, dont les négociations sont actuellement en cours de finalisation, offre néanmoins un peu d’espoir pour la gestion du plastique tout au long de son cycle de vie.
Une étude révèle que, contrairement à ce qu’on pourrait penser, le plastique n’est pas un simple déchet inerte. Si l’on considère tout son cycle de vie, son rejet incontrôlé dans l’environnement aggrave les impacts de toutes les limites planétaires.
Depuis sa création et sa production à l’échelle industrielle, le plastique a considérablement facilité notre quotidien et a révolutionné de nombreux domaines. Ses utilisations vont par exemple du transport des marchandises et de nourriture aux matériels médicaux, en passant par l’eau potable en bouteille, les matériaux électroniques, etc.
Cependant, la démocratisation du plastique a un coût environnemental lourd. Pour satisfaire les besoins mondiaux, plus de 413,8 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année avec un total cumulé de plus de 11 000 millions de tonnes entre 1950 et 2022.
Or, seul 9 % de cette production est recyclée et la grande majorité est constituée des plastiques à usage unique qui finissent par être rejetés dans l’environnement.
En conséquence, les déchets plastiques s’accumulent quasiment partout. Alors que le continent de plastique flottant au large de l’océan Pacifique est désormais bien connu, les déchets plastiques s’infiltrent jusque dans les milieux les plus improbables, tels que le sommet de l’Everest et la fosse des Mariannes.
« Les sources de pollution plastique se situent principalement sur terre et, à partir de ses points d’entrée, elle se propage passivement avec les masses d’eau et d’air en mouvement, par lesquelles elle peut atteindre des zones reculées », explique dans un courriel à Mongabay, Annika Jahnke, chercheuse au Département des sciences de l’exposition du Centre Helmholtz pour la recherche environnementale, en Allemagne.
On considère généralement le plastique comme un simple déchet. Cependant, ils sont composés de milliers de produits chimiques différents qui exacerbent leurs impacts sur les écosystèmes et la santé humaine. La communauté scientifique étudie jusqu’à présent séparément les impacts de ces différents composés, sans nécessairement tenir compte de leurs effets combinés.
Une récente étude met en évidence la manière dont le plastique affecte les systèmes terrestres tout au long de son cycle de vie. « Les plastiques ont des incidences sur tous les autres impacts environnementaux considérés en tant que limites planétaires et exacerbent leurs impacts (qui ne sont actuellement pas pris en compte) », explique à Mongabay Patricia Villarrubia-Gómez, auteure principale de l’étude et doctorante au Centre pour la Résilience de l’université de Stockholm, en Suède.

Des impacts complexes et interconnectés
La pollution plastique constitue l’une des priorités de gouvernance environnementale mondiale, en raison de ses impacts allant, non seulement de la santé humaine, mais s’étendant également à celle des écosystèmes et de la plupart des systèmes terrestres.
Afin de comprendre les implications de l’étude de Villarrubia-Gómez et de ses collègues publiée, en décembre 2024, dans la revue One Earth, il faut considérer la composition du plastique. Il s’agit d’un matériau complexe incluant à la fois le polymère, qui le compose habituellement, et les autres adjuvants chimiques permettant d’améliorer ses propriétés. Certains de ces adjuvants sont toxiques pour les êtres vivants et exacerbent les impacts du plastique en lui-même.
En passant en revue la littérature scientifique concernant les impacts environnementaux des plastiques tout au long de leur cycle de vie (de l’extraction de la matière première nécessaire à leur fabrication à leur rejet, en passant par leur transformation), l’équipe de Villarrubia-Gómez a montré qu’ils altèrent des processus majeurs à l’échelle des systèmes terrestres.
Sa toxicité exacerbe par exemple la perte de biodiversité en affectant directement les animaux qui les ingèrent. Une recherche a également montré que le microplastique peut transporter des agents pathogènes, augmentant ainsi sa toxicité pour les organismes vivants.
Selon Marie-France Dignac, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour l’agriculture (INRAE), en France, « la pollution plastique a les mêmes effets sur les animaux terrestres (oiseaux, mammifères, reptiles…) que ceux largement décrits pour les milieux marins (de l’enchevêtrement à la toxicité des microplastiques et des produits chimiques plastiques toxiques) ». Dignac et Jahnke n’ont pas participé à l’étude de Villarrubia-Gómez et de ses collègues, mais ont effectué des recherches sur la pollution plastique.
L’étude montre en outre une interconnexion complexe entre les différents impacts. Par exemple, la pollution plastique aggrave les impacts du changement climatique en raison des émissions de gaz à effet de serre liées à sa production, de sa capacité à altérer le cycle naturel du carbone et à modifier l’albédo. Ces émissions de CO2 amplifient l’acidification des océans, qui, à son tour, affecte la biodiversité et aggrave le réchauffement climatique.
Il est aussi important de noter que l’industrie du plastique est particulièrement gourmande en ressources. Selon Water Footprint Network, une plateforme dédiée à l’utilisation juste et intelligente de l’eau, l’empreinte hydrique du plastique s’élève à 10 litres par kilogramme. L’étude souligne également les impacts des déchets plastiques sur les fonctions écologiques des écosystèmes terrestres. Leur accumulation modifie par exemple les propriétés physiques des sols, ce qui, à son tour, altère le microbiome essentiel à la fertilisation et à d’autres fonctions cruciales.
Par ailleurs, « les plus petites particules (nanoplastiques) peuvent être transférées dans la biomasse végétale, notamment dans les parties comestibles des plantes, et transférées dans la chaîne alimentaire », indique Dignac.

Recyclage du plastique : « un jeu de whack-a-mole »
L’un des principaux défis pour la gestion des déchets plastiques est la très faible propension des matériaux à être recyclés. « En effet, les plastiques ne sont pas conçus pour être recyclés et ne l’ont jamais été », explique à Mongabay, Bethanie Carney Almroth, professeur d’écotoxicologie et de sciences environnementales au Département des Sciences biologiques et environnementales de l’université de Göteborg (Suède), co-auteure de l’étude.
D’après l’experte, la complexité des matériaux complique chaque étape des programmes de recyclage, car il faudrait les trier ou les séparer, afin de pouvoir les traiter correctement et éviter le rejet de sous-produits toxiques. Or, la plupart des consommateurs ne disposent ni des connaissances, ni des possibilités d’effectuer des triages aussi minutieux, sans compter que de nombreuses régions dans le monde (en particulier les pays en voie de développement) ne disposent pas d’infrastructures de recyclage adaptées.
En conséquence, certains matériaux échappent aux systèmes de recyclage, tandis que d’autres ne sont tout simplement pas recyclables en raison de leurs structures en polymère très stables. D’un autre côté, il est généralement beaucoup moins cher de produire du nouveau plastique que d’en recycler, ce qui décourage les industriels à les recycler.
« Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles, à ce jour, seulement un faible pourcentage de plastiques est recyclé : la technologie de recyclage a encore besoin de meilleures méthodologies qui nécessitent moins d’énergie et produisent des matériaux de haute qualité, le manque d’incitations financières, car il est souvent moins cher d’utiliser des plastiques neufs que des matériaux recyclés, etc. », affirme Jahnke.
« Je pense que cela peut être attribué à diverses raisons, mais la ligne de fond est que le concept de recyclage lui-même est un peu comme un jeu de whack-a-mole [ou jeu de la taupe] ; une tentative à résoudre un problème s’avérant futile, car d’autres défis émergent ailleurs », estime Esther Maina, spécialiste en conservation marine et coordinatrice nationale du Kenyan Youth Biodiversity Network (une organisation dirigée par des jeunes avec un pilier d’action dédié à la conservation marine), qui n’a pas participé à l’étude de Villarrubia-Gómez.

Traiter le plastique tout au long de son cycle de vie : un défi insurmontable ?
Étant donné que la gestion des déchets plastique est confrontée à de nombreux défis, il semble irréaliste que les industriels puissent être incités à les traiter de manière responsable tout au long de leur cycle de vie. « La plupart des solutions actuelles abordent des points spécifiques du cycle de vie des plastiques, mais aucune n’adopte une approche systémique globale », affirme Almroth.
Néanmoins, « toute solution envisagée sera coûteuse, en termes d’innovation, de transfert de technologie et de renforcement des capacités, de mise en œuvre, de suivi et de reporting, [mais] les études montrent que le coût de l’inaction sera plus élevé que celui de l’action », indique-t-elle.
Afin d’établir une meilleure gestion globale des plastiques, Almorth propose d’améliorer la déclaration, la transparence et la traçabilité des produits chimiques qu’ils contiennent tout au long de leur cycle de vie. Il faut aussi simplifier les produits chimiques et adopter des approches groupées pour réglementer les composants nocifs. Les instances politiques pourraient instaurer des incitations économiques pour le suivi des déchets et soutenir les transitions justes priorisant l’humain.
Le Traité mondial pour la lutte contre la pollution plastique, dont les négociations sont actuellement en cours de finalisation, offre un peu d’espoir pour la réalisation de ces objectifs. « Il s’agit là d’une occasion unique de s’attaquer à la pollution plastique tout au long de son cycle de vie et de renforcer la gouvernance mondiale face à cette triple crise planétaire », explique Maina.
Cependant, selon l’experte, pour que le traité puisse amorcer des changements tangibles, il doit inclure des plafonds obligatoires pour la production de plastique vierge (qui n’a subi qu’une transformation primaire) à part les différentes résolutions établies. « Dans le cas contraire, il ne serait en rien différent de toutes les autres politiques qui n’ont pas réussi à réduire la pollution plastique », conclut-elle.
Image de bannière : Pollution plastique sur la plage d’Accra au Ghana. Image de Muntaka Chasant via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).
Citations :
Villarrubia-Gómez, Patricia et al. (2024). Plastics pollution exacerbates the impacts of all planetary boundaries. One Earth, Volume 7, Issue 12, 2119 – 2138. https://doi.org/10.1016/j.oneear.2024.10.017
Moresco, V., Charatzidou, A., Oliver, M. D., Weidmann, M. Matallana-Surget, S. & Quilliam, S. R. (2022). Binding, recovery, and infectiousness of enveloped and non-enveloped viruses associated with plastic pollution in surface water. Environmental Pollution, Volume 308, https://doi.org/10.1016/j.envpol.2022.119594
Cordier, M., Uehara, T., Jorgensen, B. & Baztan, J. (2024). Reducing plastic production: Economic loss or environmental gain? Cambridge Prisms: Plastics, 2:e2. doi:10.1017/plc.2024.3.
Quatre solutions clés pour réduire la pollution plastique à l’échelle mondiale d’ici à 2050
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