- La région Kenieba-Faléa est l’illustration parfaite de la destruction des forêts maliennes ces derniers jours.
- La région de Kéniéba-Faléa est actuellement mise en coupe réglée par les grands exploitants de bois, les compagnies minières industrielles, une multitude de petites sociétés minières chinoises associées à des dirigeants politiques et hommes d'affaires locaux, pour un coupage systématique, massif et dans l'illégalité totale des ressources forestières.
- En plus, cette destruction est aussi aggravée par l’exploitation artisanale de l’or qui demande beaucoup de bois pour soutenir les galeries ; ainsi, des milliers d’hectares de forêts sont anéantis annuellement.
En 2020, l’Union Européenne dans un rapport sur l’état des forêts au Mali, a estimait que 82% des superficies forestières ont été détruites depuis 1960 au Mali. En 2014, le pays ne possédait que 788.111 ha de forêts contre 4.475.000 ha en 1960. La superficie de forêt défrichée par an est estimée alors à plus de 500.000 ha, selon pas mal de rapports.
En ce qui est de la destruction des forets au Mali, les activistes pointent le doigt à certaines autorités, élus politiques, homme d’affaires et surtout certaines sociétés étrangères, notamment des sociétés d’origine chinoise.
Nouhoum Kéita est le directeur exécutif d’ASFA 21- Action Solidarité pour les 21 villages de Falea-. Il raconte qu’au niveau étatique, le Mali s’est doté en 2010, d’une nouvelle loi forestière visant à réorganiser l’exploitation forestière, le transport et le commerce de bois dans un cadre législatif nouveau, techniquement et socialement plus adéquat.
C’est une loi aux allures salvatrices mais restée lettre morte suite à son application devenue pratiquement impossible suite à la force et pression des cartels qui détruisent les forêts.
Ce Directeur qui intervient dans la protection de l’environnement dans les régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou et le District de Bamako raconte :
« L’administration forestière malienne est incapable d’appliquer la loi, ouvrant le boulevard aux multinationales privées semi-mécanisées qui agissent dans l’opacité la plus totale et au mépris des lois du pays ».
L’Etat du Mali a mis au point, avec l’appui des partenaires techniques et financiers, des programmes visant à freiner la destruction des forêts. Mais, ils ont lamentablement échoué, en tout cas pour plusieurs raisons, ajoute-il.
Un concours des bailleurs toujours sans effets
Les agences du système des Nations-Unies telles que la FAO et le PNUD d’un côté, et les Agences de Coopération bilatérale et multilatérale de l’autre côté, essaient d’apporter un soutien à l’Etat du Mali dans le but de protéger les forêts maliennes, mais malgré tous ces dispositifs de soutien et d’accompagnement, le désastre continue.
Profiter de l’insécurité galopante et permanente
Depuis une décennie, le Mali est confronté à une grave crise politique, institutionnelle, sécuritaire, territoriale, économique et sociale d’une extrême gravité qui menace son existence en tant que nation. Elle a entrainé l’effondrement de l’Etat et sa mise sous tutelle complète par la communauté Internationale qui l’encadre sur le plan institutionnel et même dans sa gestion administrative, n’arrange pas les choses car la priorité pour le moment semble être plutôt la stabilité.
C’est donc l’occasion rêvée pour les sociétés mal intentionnées de s’enrichir d’avantage face à un Etat dont l’existence est devenue difficile suite aux conflits.
En effet, agissant sans aucun contrôle sur le terrain, certaines sociétés intensifient le pillage des ressources par des opérations de coupage des arbres et de destruction de la faune et la flore tous azimuts, le saccage des forêts au mépris des normes techniques est le résultat de ce chaos.
Ces destructions des forêts ont provoqué une grande mobilisation sociale, générale et spontanée sans précédent dans le Cercle de Kenieba. Elle implique notamment la société civile (surtout des associations de femmes et de jeunes), des organisations professionnelles et des citoyens autochtones, et qui a un double objectif: mettre fin à la pollution du fleuve Falémé et de ses affluents par des petites entreprises minières privées chinoises ou d’autres exploitants illégaux, en même temps, arrêter le saccage des forêts par des exploitants industriels de bois étrangers.
Les sociétés chinoises et d’autres
Afin de calmer une telle colère sociale suivie d’une action collective aussi massive et plurielle, le Gouvernement de la troisième Transition politique du Mali a décidé d’entrer en jeu. Malheureusement, le Gouvernement a été incapable de mettre fin à la pollution systématique et massive du fleuve Falémé, de même que la coupe massive de bois. Une dizaine de camions-remorques chargés des troncs d’arbres coupés dans la forêt sillonnent toujours les Communes du Cercle.
Aucune action systématique, cohérente et bien coordonnée de l’Etat n’a jamais été menée en mobilisant les capacités institutionnelles, techniques et scientifiques au plan national et au niveau régional et local pour sauver les forêts maliennes comme le déplorent les membres des organisations de la société civile impliqués dans la protection de l’environnement.
Quand la communauté prend les choses en main
Les membres des communautés proches des forêts à risque s’organisent eux-mêmes pour la protection des écosystèmes forestiers. C’est ainsi que les populations dénoncent cette prédation des ressources à travers les réseaux sociaux, les radios de proximité, les meetings, les marches, conférences de presse et actions de pression des autorités locales, régionales et nationales. Parfois même, elles choisissent la confrontation directe en organisant l’immobilisation des camions de transport de bois, l’interdiction des coupes de bois dans leurs localités, avec souvent le soutien de certains élus encore conscients de leurs responsabilités et décidés à les assumer.
Très souvent, la résistance des communautés se heurte aux dirigeants et des cadres de l’Etat qui sont complètement à la solde de ces exploitants, déplore une source anonyme des organisations de la société civile. En plus de ces autorité, il y’a également les complicités locales qui ne facilitent pas un bouleversement du rapport de force.
Issoufa Ibrahim Chadou Maiga est un technicien Supérieur de laboratoire et l’environnement. Il raconte que c’est seulement une action de reboisement rapide et l’application rigoureuse des textes forestiers qui peut sauver l’environnement du Mali.
L’Adjudant-chef des Eaux et forêts Adouraza Konaré nous explique que le rôle du service des eaux et forêts est de sensibiliser la population sur les méfaits de leurs actions et le contrôle assidu de cette population, une action salvatrice mais dirigée contre le peuple qui semble plutôt avoir peu de force face aux autorités qui laissent les sociétés détruire les forêts.