Le paresseux pygmée à trois doigts. Photo © Craig Turner/ZSL.
Le paresseux pygmée à trois doigts (Bradypus pygmaeus) est l’un des mammifères les plus en danger au monde selon une étude démographique détaillée qui a constaté que moins de 100 paresseux demeuraient encore sur leur île natale. Décrit seulement par les chercheurs en 2001, le paresseux pygmée vit sur une seule île inhabitée, au large de la côte du Panama. Mais les incidences humaines telles que la déforestation des mangroves de l’île pourrait conduire à l’extinction de cette espèce.
“Nous savons très peu de choses sur cette espèce,” explique David Curnick de la Société Zoologique de Londres (ZSl). “Nous avons pour la première fois collecté des données afin d’obtenir une image précise du nombre de paresseux pygmées restant dans le monde.”
Par le passé, les chercheurs avaient estimé qu’entre 300 à 500 paresseux subsistaient sur les 3,4 km2 de l’île mais Curnick a constaté avec son collègue chercheur de la Société Zoologique de Londres, Craig Turner, que ce chiffre était optimiste.
Un autre paresseux pygmée à trois doigts. Photo © Craig Turner/ZSL. |
Le paresseux pygmée à trois doigts est classé au 16ème rang sur 100 des mammifères les plus singuliers et les plus en danger au monde, une liste établie par le programme EDGE de la Société zoologique de Londres qui évalue les animaux non d’après leur attrait public mais d’après un résultat scientifique basé tant sur la situation de danger en laquelle ils se trouvent que sur leur unicité en terme d’évolution.
Les paresseux pygmées, en tant que plus petits paresseux au monde, sont inférieurs en taille de 60% à leurs parents du continent. Ce sont aussi les paresseux les plus lents du monde. Ayant été coupés de l’Amérique centrale et abandonnés sur la minuscule île d’Escudo pendant 9000 ans, les paresseux sont anormalement dociles et ne craignent aucunement les hommes. En tant que chercheur spécialiste des paresseux, Bryson Voirin, a déclaré à mongabay.com en 2010: “Lorsqu’ils me voient, ils ne savent pas vraiment quoi penser. Ils doivent juste penser que je suis un gros et très étrange paresseux qui vient leur dire bonjour.”
Les paresseux ne quittent pas les forêts de mangroves de l’île, montant et descendant les arbres en fonction de la température. Ils montent pour prendre le soleil les jours frais et descendent pour se reposer à l’ombre.
“Il est relativement difficile de pénétrer dans les forêts de mangroves et du point de vue d’un paresseux, celles-ci les protègent des prédateurs des airs. Nous avons remarqué que les mères qui portaient les petits restaient en bas des arbres, ce qui pourrait être un héritage de l’évolution pour échapper aux prédateurs,” a indiqué Turner. Parmi les prédateurs naturels visant les bébés paresseux, on peut inclure les serpents autochtones et les rapaces.
Après la conservation…
Un autre paresseux pygmée. Photo © Craig Turner/ZSL.
Maintenant que les chercheurs savent environ combien il reste de paresseux, la prochaine étape est d’élaborer un plan de conservation pour lequel la Société zoologique de Londres est actuellement en train de lever des fonds. Il n’y a pas de consensus quant à la raison pour laquelle les paresseux sont en déclin mais il est possible que le tourisme, la chasse, l’abattage des mangroves voire la combinaison de tout ceci ait un impact désastreux. A partir de 2009, toute l’île d’Escudo a été classée zone protégée mais c’est aussi une escale habituelle pour les pêcheurs locaux qui, parfois, y amènent leurs familles et leurs chiens.
En explorant l’île, Curnick et Turner ont constaté que des forêts de mangroves avaient été abattues – probablement par les pêcheurs locaux pour le charbon de bois.
“La reforestation est une option que nous espérons explorer en vue d’un possible développement d’un projet pilote de reforestation avec la communauté locale. Cependant, il existe des zones où des mangroves, après avoir été abattues, montrent déjà de petits signes de régénération, c’est pourquoi ce pourrait être l’occasion de les acheter pour qu’ils s’y installent un jour,” a déclaré Curnick à mongabay.com.
David Curnick effectuant un transect au travers des épaisses mangroves. Photo © Craig Turner/ZSL. |
En ce qui concerne les chasseurs de paresseux, Curnick dit que “nous n’avons pas de preuve concrète pour étayer cette affirmation” mais que “nous espérons évaluer l’ampleur de cette chasse dans le cadre d’une complète évaluation des menaces.”
L’un des éléments clés pour sauver les paresseux sera la création d’une association consacrée à la survie à long terme de cette espèce.
“J’aimerais que l’on s’engage davantage avec les communautés locales, les acteurs locaux et voir le développement d’un plan local de gestion environnementale. C’est un processus que nous avons déjà amorcé et nous espérons développer cet aspect du projet d’ici cette fin d’année. Nous recherchons aussi un financement pour soutenir une association locale panaméenne de protection de la Nature qui ferait avancer cela tout comme d’autres sujets via le Programme de recherche Edge,” explique Curnick.
Une option de dernière extrémité serait d’enlever quelques paresseux de l’île pour les élever en captivité. Mais Curnick prévient que cela pourrait s’avérer difficile et risqué.
“Les paresseux à trois doigts qui ont pour habitude de vivre en famille sont notoirement connus pour être difficiles à garder en captivité lorsqu’ils se retrouvent seuls et j’imagine que ce sera encore plus difficile pour les paresseux pygmées,” dit-il. “Il y a deux trois institutions intéressées à explorer cette piste mais, en l’état actuel des choses, nous en savons si peu sur leur écologie et biologie sous-jacentes que ce n’est pas une option à court terme.”
Le paresseux pygmée à trois doigts n’est pas la seule merveille biologique en danger de l’île d’Escudo. L’île abrite aussi ses propres espèces de chauve-souris et de salamandre: la chauve-souris frugivore néotropicale (Artibeus incomitatus) et la batrachoseps marine (Oedipina maritima) qui se trouve au 74ème rang sur la liste des 100 premiers amphibiens du programme EDGE. A l’image du paresseux pygmée, ces deux espèces sont répertoriées comme étant en danger critique.
“Nous n’avions qu’une période limitée de temps sur l’île et devions nous concentrer sur les études concernant les paresseux et les mangroves. Nous avons eu le temps de mener un certain nombre d’études sur les chauve-souris mais, bien que nous ayons découvert quatre espèces, aucune de celles-ci ne se sont avérées être des espèces endémiques. Quant aux salamandres, nous n’avions pas cette fois-ci le temps de les étudier mais je dirais que cela équivaudrait à rechercher une aiguille dans une botte de foin car elles vivent dans les feuilles qui jonchent la jungle,” indique Curnick. “Nous sommes en train d’explorer des options avec des collaborateurs panaméens pour mener une plus large évaluation écologique de l’île qui incluerait cette espèce parmi d’autres.”
La batrachoseps marine (Oedipina maritima) occupe le 74ème rang sur la liste des 100 premiers amphibiens du programme EDGE. On ne connaît à cette espèce que huit individus.
David Curnick avec le paresseux le plus petit du monde. Photo © Craig Turner/ZSL.
Un paresseux pygmée. Photo © Craig Turner/ZSL.