2011 a été désignée “Année des Forêts” par les Nations Unies. Si d’un coté les programmes intergouvernementaux de protection des forêts ont enregistré de faibles progrès, beaucoup de choses se sont passés ailleurs. Ci-dessous sont passés en revue quelques uns des faits marquants de l’actualité des forêts tropicales au cours de l’année 2011.
À mongabay, nous reconnaissons d’emblée qu’il y a eu de nombreux faits importants concernant les forêts tempérées et boréales à l’instar de la décision du gouvernement britannique de ne pas privatiser ses forêts et la terrible sécheresse au Texas. Néanmoins, cet article portera uniquement sur l’actualité des forêts tropicales.
Brésil
Le Brésil a annoncé que la perte des forêts au cours de l’année de déforestation 2010-2011 a atteint son niveau le plus bas depuis le début de la tenue de registres annuels en 1988, le prolongement d’une tendance enregistrée depuis 3 ans. Mais l’enthousiasme suscité par la nouvelle a été vite tempéré par d’autres faits qui pourraient augmenter les risques en Amazonie. En décembre, le Sénat a voté la révision du Code Forestier en vigueur au pays depuis de nombreuses années, une décision qui, d’après les défenseurs de l’environnement, pourrait inciter à la déforestation. Le Code Forestier actuel, très dysfonctionnel car appliqué de manière incohérente, exige des propriétaires terriens qu’ils maintiennent 80 pourcents de couverture forestière sur leurs terres. Le nouveau code, qui fera l’objet d’un vote final en février ou mars avant d’être soumis à l’approbation de la présidente Dilma Rousseff, devrait maintenir le chiffre global de 80 pourcents en Amazonie. Cependant, il accordera également une amnistie pour les actes de déforestation illégale perpétrés jusqu’en juillet 2008 sur des propriétés couvrant jusqu’à 400 hectares (1000 acres) (certains activistes écologistes craignent que ce délai ne soit prolongé dans l’avenir). Le nouveau Code devrait également suspendre les amendes—qui financent les opérations d’application de la loi—et assouplir les restrictions relatives au défrichage des forêts le long des rivières et sommets des montagnes. En se basant sur un sondage effectué, les groupes écologistes déclarent que le code proposé est impopulaire.
Déforestation en Amazonie Brésilienne, 1988-2011. Photos de Rhett A. Butler.
Un autre fait marquant de l’année 2011 a été la décision de poursuivre la construction du barrage de Belo Monte, un projet qui devrait bloquer la majeure partie de la puissante rivière Xingu, causer l’inondation de plus de 40.000 hectares de forêt tropicale humide et le déplacement de milliers d’autochtones. L’inconvénient majeur du projet de Belo Monte est qu’il crée un précédent, ouvrant la voie à d’autres projets de construction d’infrastructures à grande échelle en Amazonie. Par exemple, un juge fédéral a décidé en novembre que les communautés affectées n’ont pas le droit de donner leur consentement libre, préalable et éclairé au projet. Pendant ce temps, les entreprises brésiliennes continuent d’investir dans des projets qui conduiront à une déforestation massive dans d’autres pays traversés par l’Amazonie : construction de barrages, exploration de l’énergie, activités de développement industriel agricole, construction des routes. Tout cela laisse penser que même si la déforestation a baissé ces dernières années au Brésil, il peut y avoir des fuites vers les pays voisins.
Les nouvelles relatives à des investissements et au développement d’infrastructures sont parvenues au même moment qu’une série d’assassinats d’envergure de militants dénonçant l’abattage illégal du bois en Amazonie par des grands éleveurs et des bûcherons.
On a enregistré de bonnes nouvelles au sujet de l’écosystème forestier le plus menacé du Brésil. L’Institut National pour la Recherche Spatiale (INPE) et la Fundação SOS Mata Atlântica ont annoncé que le taux de déforestation dans la Mata Atlântica (Forêt Atlantique) a considérablement baissé entre 2008 et 2010, pour le compte de la période 2005-2008.
Et enfin, il y a eu des signes indiquant que des acteurs du secteur privé continuaient d’être influencés par le stigmate de la déforestation dans le choix de leurs chaines d’approvisionnement. En effet, JBS-Friboi, la plus grande société de transformation de viande du monde, a annoncé qu’elle arrêterait d’acheter de la viande de bœuf provenant de ranchs impliqués dans le travail d’esclave et l’exploitation forestière illégale en Amazonie brésilienne. Par ailleurs, plusieurs banques ont été traduites en justice pour défaut de conformité aux mesures de protection des prêts établies pour empêcher l’utilisation des fonds publics pour le financement de la déforestation.
Indonésie
En Indonésie, les associations de défense de l’environnement ont posé leurs vues sur le secteur de la pâte et du papier, qui, au cours des vingt dernières années, est devenu l’une des principales causes de déforestation sur l’île de Sumatra. Asia Pulp & Paper (APP) et Asia Pacific Resources International Limited (APRIL), les deux plus grands fournisseurs de fibre, ont été les principales cibles. Greenpeace a utilisé la fibre contenue dans l’emballage des jouets et les toilettes comme cheval de bataille de leur campagne qui s’appuie énormément sur les média sociaux. C’est ainsi que l’association a produit une vidéo prétendant que la déforestation était la cause de la rupture entre Ken et Barbie, deux célèbres poupées de Mattel. Entre temps, des rapports de Eyes on the Forest, une coalition d’association de protection de l’environnement indonésiennes, WWF Asie, et Greenomics ont mis en doute certaines affirmations d’APP selon lesquelles elle mènerait des actions de conservation. Pendant ce temps, une filiale australienne de l’entreprise s’est retrouvée au cœur d’un scandale lorsqu’on a découvert qu’elle menait une campagne fictive dans le but de faire croire que l’entreprise bénéficiait d’un large soutien du public alors qu’en réalité elle en a très peu. La controverse, associée aux plaintes de longue date sur le bilan environnemental d’APP, a poussé Lego, Mattel, Kroger et bien d’autres à annuler leur contrat de fourniture avec elle. La société APRIL a été durement touchée par une enquête-reportage d’ABC News (Australie) qui a soulevé des interrogations au sujet des pratiques de gestion des forêts du pays et d’une enquête sur l’exploitation forestière illégale qui piétine.
Mais l’industrie forestière a réagi. Les groupes militants en faveur d’APP basés aux Etats-Unis ont lancé une série de campagnes visant Greenpeace, WWF, Rainforest Network, ainsi que des entreprises qui ont arrêté d’acheter les produits d’APP. L’un de ces groupes a même lancé un site web anti-Greenpeace et posté des commentaires sur sa page Facebook appelant à la violence contre les membres du groupe écologiste. En Indonésie, la pression a été plus directe. En effet, la filiale de Greenpeace en Indonésie et l’Indonesia Corruption Watch ont fait l’objet d’agressions d’un niveau inhabituel.
De manière globale, l’Indonésie a finalement adopté le moratoire tant attendu relatif aux nouvelles conditions d’exploitation forestière et de création de concessions de plantations sur les tourbières et les zones de forêt primaire. Mais ce moratoire s’est avéré plus faible que prévu, reflétant ainsi l’influence habituelle des intérêts que représente le secteur forestier sur le gouvernement indonésien. Ce moratoire comporte d’énormes lacunes: elle exclut notamment l’agriculture industrielle et l’exploitation minière. Toutefois, l’adoption de ce moratoire illustre en elle-même la ferme volonté affichée par le Président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono, de réduire la déforestation. Le président a vanté son initiative 7/26 dont l’objectif est d’atteindre une croissance économique annuelle de 7 pourcents et une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 26 pourcents d’ici à 2020 afin de maintenir le statu quo. La réduction de la déforestation et de la dégradation des tourbières est au centre de ses efforts de développement à faible émission de carbone. L’Indonésie a signé un Accord de Partenariat Volontaire (APV) avec l’Europe afin d’interdire la vente du bois indonésien coupé illégalement sur les marches de l’Union Européenne.
Pendant ce temps, l’un des principaux producteurs d’huile de palme est sorti des rangs et a fait un énorme pas en avant: Golden Agri Resources (GAR), qui a été la cible d’une intense campagne de Greenpeace, a annoncé l’adoption d’une des politiques forestières les plus avancées du secteur de l’huile de palme en s’engageant à ne pas exploiter des terres à l’aide de stocks de carbone de plus de 35 tonnes par hectare et en faisant la promesse de recourir au « consentement libre, préalable, et éclairé » des communautés. Les défenseurs de l’environnement espèrent que d’autres entreprises forestières suivront l’exemple du GAR (une autre a cédé des terres revendiquées par les communautés locales au Kalimantan dans le cadre de ses engagements de production durable). Par ailleurs, le gouvernement indonésien a déclaré qu’il “reconnaitrait, respecterait, et protégerait” les droits des utilisateurs traditionnels des forêts, notamment les peuples indigènes, un geste considéré par la société civile comme un facteur essentiel à la réduction de la déforestation.
Papouasie Nouvelle-Guinée
En Papouasie Nouvelle Guinée, la moitié de l’ile indépendante de Nouvelle-Guinée a enregistré de nombreux faits marquants en rapport avec le secteur forestier.
En mai, le gouvernement a suspendu le très controversé Programme Spécial d’Octroi de Baux Agriculturaux et Commerciaux (SABLs) qui avait permis aux entreprises étrangères, essentiellement, d’obtenir des concessions couvrant 5,2 millions d’hectares de terres forestières communautaires pour l’abattage du bois et l’exploitation des plantations. Les SABLs étaient vigoureusement dénoncés par les groupes de défenses des droits communautaires et les agents de conservation des ressources naturelles.
En juin, un tribunal a condamné Concord Pacific, une entreprise malaisienne de production de bois d’œuvre à une amende de presque 100 millions de dollars (225, 5 millions de Kina) pour coupe illégal massif de bois. La société s’est vue ordonnée de payer des dommages à quatre tribus forestières. Il s’agit là d’une décision inédite en son genre en Papouasie Nouvelle-Guinée.
Sir Michael Somare a démissionné de son poste de Premier Ministre, suscitant un peu plus d’incertitude autour du programme hésitant de REDD mené dans le pays. Les communautés de PNG subissent un flux de « cowboys du carbone », des personnes peu scrupuleuses chargées de développer des projets de forêt de carbone et qui ont parfois dépouillé les populations locales de leurs terres et économies.
Afrique
La République du Congo a annoncé qu’elle rechercherait un financement international pour un plan de conversion d’un million d’hectares (2,47 millions d’acres) de terres “forestières dégradées” en plantations industrielles. Tandis que le gouvernement déclarait que l’objectif de ce programme était de séquestrer du carbone et libérer les forêts naturelles de toute pression, les défenseurs de l’environnement ont quant à eux immédiatement exprimé leur crainte que cette proposition ne conduise à la destruction des forêts naturelles au détriment de la biodiversité et des stocks de carbone.
Le Libéria a signé un Accord de Partenariat Volontaire (APV) afin de faciliter les exportations de bois d’œuvre vers l’Europe en s’assurant qu’aucun bois n’était coupé illégalement.
Un groupe de pays africains ont réintroduit un plan, vieux d’un siècle, d’établissement d’un “Grand Mur Vert” pour enrayer l’extension du désert du Sahara. L’initiative à grande échelle de plantation des arbres devrait être financée par des fonds de donateurs.
Un projet controversé de création d’une plantation d’huile de palme au Cameroun a été suspendu après que des inquiétudes quant à son impact sur l’environnement et la société aient été soulevées.
L’Ouganda a sorti des tiroirs un plan de rétrocession de plus d’un quart de la Réserve Forestière de Mabira à une entreprise de fabrication de canne à sucre. Le projet avait été classé en 2007 suite à des protestations publiques.
Inde
Dans le cadre de son Plan National d’Action sur le Changement Climatique, le gouvernement indien a annoncé en février une initiative qui “étendra” et “améliorera la qualité” de ses forêts. Le plan de reforestation, associé à la Mission Nationale pour une Inde Verte, (NMGI) permettra d’étendre les forêts de 5 millions d’hectares (plus de 12 millions d’acres) tout en améliorant la qualité des forêts sur cinq autres millions d’hectares pour 10 milliards de dollars (460 milliards de roupies). Il n’a pas été précisé si les nouvelles “forêts” seraient des plantations naturelles ou exotiques.
Suite à la publication de photos révélant la présence de sept espèces de chats sauvages, les autorités en charge de la conservation poursuivront la “protection” permanente de la forêt de plaine de Jeypore-Dehing à Assam. La forêt est actuellement menacée par la coupe illégale du bois, le braconnage, l’exploitation pétrolière et de charbon, et des projets hydroélectriques.
Les efforts visibles de protection des tigres handicaperont la protection des lions en Inde. En effet, la sous-espèce de lion asiatique (Panthera leo persica) du Parc National et Sanctuaire Faunique du Gir dans l’état de Gujarat situé au nord-ouest du pays est entrain de perdre le financement du plan fédéral de conservation au profit des programmes de protection des tigres.
Un bourbier au Sarawak, Malaisie
Les peuples autochtones des forêts du Sarawak continuent leur bataille contre les entreprises forestières soutenues par le gouvernement. Les populations Penan qui vivent dans la forêt ont dressé plusieurs barrages routiers contre les entreprises exploitant le bois et les plantations mais malgré cela, le gouvernement continue d’ignorer les décisions judiciaires prises en leur faveur. En juin, Survival International a révélé qu’un millier de Penan avaient été déplacés de force de leurs habitations dans la forêt tropicale vers des plantations d’huile de palme pour faire de place au barrage de Murum.
Pendant ce temps, des preuves s’accumulaient contre le Premier Ministre du Sarawak, Abdul Taib Mahmud, soupçonné de corruption massive. Quelques pays, y compris la Malaisie, ont déclaré mener des enquêtes sur les biens de Taib estimés à des millions de dollars bien que le ministre perçoive uniquement un salaire de simple agent public depuis 30 ans. La Bruno Manser Fund, qui mène une rude campagne contre Taib, déclare qu’une grande partie de la fortune du ministre proviendrait de ses relations étroites avec des acteurs secteur de l’exploitation forestière et des plantations. D’après des câbles diplomatiques révélés par Wikileaks, le Département d’Etat américain serait apparemment de connivence.
Taib continue de clamer son innocence et a même prétendu que les forêts du Sarawak sont “intactes à 70 pourcents”. Malheureusement, des images de Google Earth ont tôt fait de lui donner tort. Ces images révèlent un contraste frappant entre les forêts endommagées du Sarawak et celles des états voisins de Bornéo. Les affirmations de Taib ont été également remises en cause par un analyse d’une association de protection de l’environnement, Wetlands International, et d’un institut de télédétection, Sarvision, démontrant que plus d’un tiers (353.000 hectares soit 872.000 acres) des forêts marécageuses sur tourbières du Sarawak et 10 pourcents des forêts tropicales de l’état ont été défrichées entre 2005 et 2010. Environ 65 pourcents de la région ont été transformés en plantations d’huile de palme ; cette activité qui a remplacé l’abattage du bois vu que les stocks de bois d’œuvre ont été épuisés par des pratiques de récolte anarchique.
Activités forestières intergouvernementales
REDD+, un programme conçu pour réduire les émissions de gaz à effet de serre issus de la déforestation et de dégradation, a fait des progrès mitigés pendant les pourparlers de Durban sur le climat tenu en décembre dernier. Les experts forestiers ont déclaré que malgré la résolution de certains problèmes majeurs, d’autres questions importantes subsistent notamment en ce qui concerne le financement et les mesures de protection à prendre pour éviter les abus. REDD+ offre la possibilité de réduire les émissions, conserver la biodiversité, maintenir d’autres services écosystémiques, et faciliter l’éradication de la pauvreté et tout cela simultanément. Toutefois, des interrogations concernant d’éventuelles conséquences adverses ont handicapé le programme depuis sa conception.
Les Etats-Unis ont annoncé un échange dette contre nature d’une valeur de 28,5 millions de dollars pour financer les projets de conservation des forêts au Kalimantan. Ils ont également commencé à distribuer les premières subventions dans le cadre d’un programme similaire initié en 2009 à Sumatra. Le Département d’Etat américain a déclaré qu’il s’était engagé à un prêt de plus de 450 milliards de dollars pour l’atteinte d’« une croissance verte » en Indonésie.
La Californie a approuvé des réglementations de plafonnement et d’échange pour AB32, la loi californienne sur le climat votée en 2006. Ce geste, par lequel le premier système de conformité aux échanges d’émissions de carbone des Etats-Unis est établi, ouvre la voie à des compensations de carbone à niveaux de conformité générées par le biais des projets de conservation de forêts. La Californie a signé des accords de partenariats avec plusieurs états et provinces du Brésil, d’Indonésie, et du Mexique.
La Banque Mondiale a annoncé qu’elle reprendrait les prêts aux entreprises du secteur de l’huile de palme après un moratoire de 18 mois suite à des plaintes de conflit social entre les communautés locales et les entreprises productrices d’huile de palme en Indonésie. Les prêts seront régis par un cadre arrêté après des mois de consultations avec les parties prenantes y compris le secteur privé, les ONG, les fermiers, les communautés autochtones, les experts du développement, et les gouvernements. Un éminent groupe de lobbying en faveur des entreprises de production d’huile de palme ont dénoncé les dispositions relatives aux mesures de protection.
Des leçons du passé?
Au cours de la conférence de l’Union Américaine de Géophysique (AGU), des chercheurs ont présenté de nouvelles preuves que les Maya avaient finalement causé leur propre perte à travers la déforestation. Le climatologue Ben Cook, dans son rapport, a déclaré que le degré de défrichage des forêts vers la fin de la civilisation Maya aurait suffi à réduire les chutes de pluie au point de déclencher de terribles sécheresses.
Parlant de sécheresse, de nouveaux rapports d’études des sécheresses dans les forêts tropicales amazoniennes entre 2005 et 2010 révèlent des signes inquiétants de ce côté. L’un de ces rapports conclut que presque 2,6 millions de km² de forêt ont été affectés par la sécheresse de l’année dernière rendant la situation pire que lors de la sécheresse de 2005, considérée jusque là comme la plus terrible. Entre temps, une projection ultérieure de l’Institut National Brésilien pour la Recherche Spatiale (INPE) et le Met Office Hadley Centre du Royaume-Uni a conclu que le changement climatique et la déforestation pourraient décimer une grande partie de l’Amazonie en réduisant la résistance de l’écosystème des forêts tropicales aux agents d’agression naturels et d’origine humaine tout en accentuant la fréquence des chutes de pluie et de sécheresses extrêmes. La disparition rapide de l’Amazonie pourrait avoir de graves conséquences sur l’économie sud-américaine : environ 70 pourcents du PIB du sous-continent sont produits dans l’ombre pluviométrique de la forêt amazonienne.
Le prix élevé de l’or et d’autres produits de base
La flambée des prix de l’or a conduit à l’extension des activités minières dans les forêts tropicales à travers le monde. L’impact a été particulièrement accentué au Pérou, où de gigantesques mines de surface se sont multipliées le long de la partie de la forêt amazonienne la plus riche en biodiversité.
Les plantations d’huile de palme, de bois à pâte industriel et de bois d’œuvre continuent de s’étendre le long des tropiques, faisant l’objet de violentes critiques de la part des écologistes et mouvements pour la justice sociale.les prix élevés de l’huile de palme, du bois d’œuvre, du bois à pâte et d’autres produits font du défrichage et de la transformation des forêts une activité encore plus profitable.
Des plans de construction de nouveaux barrages et d’exploration d’énergie ont été lances dans les forêts tropicales à travers le monde. Au Pérou, des conflits entre des entreprises de production d’huile et les tribus autochtones couvent tandis qu’en Equateur la proposition de laisser l’huile dans la terre dans le Parc National de Yasuni n’a pas pu être concrétisée car la communauté ne désirait pas, semble-t-il, débourser les fonds pour le projet. Toujours en Equateur, l’entreprise Chevron s’est vu ordonnée de payer plus de 8 milliards de dollars pour les dommages prétendument causés par Texaco, une entreprise qu’elle a acquise en 2001.Chevron a fait appel dans cette affaire qui traine depuis presque 20 ans.
Des campagnes à succès ailleurs
Au Sri Lanka, l’entreprise de production et de distribution de fruits, Dole, a abandonné son projet controversé de création d’une plantation de bananes à l’intérieur du Parc National de Somawathiva suite à des protestations de groupes écologistes locaux.
Après une campagne de longue haleine et embarrassante au terme de laquelle ses propres membres ont été sanctionnés et son droit à faire des commentaires sur sa page Facebook lui a été retiré, Girl Scouts USA a annoncé qu’elle changera sa politique d’approvisionnement en huile de palme. Dorénavant, le groupe utilisera unique de l’huile de palme certifiée RSPO, produite suivant des critères plus strictes que l’huile de palme habituelle.
En Bolivie, des manifestations intenses d’autochtones ont force le président Evo Morales à renoncer à ses plans de construction d’une route à travers Tipnis, une réserve indigène.
Au Myanmar, des protestations ont, étonnement, poussé le gouvernement à annuler la construction d’un important barrage chinois.
Au Cambodge, des militants locaux ont mis avec succès la pression sur le gouvernement afin qu’il annule le projet d’exploitation à ciel ouvert de la mine de titane.
À Sabah, en Malaisie, des activistes locaux ont félicité le gouvernement pour avoir pris la décision d’annuler le projet controversé de construction d’une centrale au charbon en bordure du Triangle de Corail. Le projet, annoncé au préalable par le gouvernement comme « une affaire réglée » aurait encouragé les plans d’exploitation à ciel ouvert de mines dans les forêts tropicales malaisiennes et indonésiennes de Bornéo pour leur charbon. Cette annulation est survenue après une longue campagne menée par un groupe d’associations écologistes et de défense des droits de l’homme baptisé Green SURF (Sabah Unite to Re-power the Future) qui a transformé le problème de construction de la centrale en une affaire politique.
Une importante entreprise de construction brésilienne a annulé un projet de construction d’un barrage au Pérou en novembre, avançant comme raison l’opposition des communautés autochtones.
Certification
Les tables rondes sur les produits de base —organismes à intérêts multiples dont l’objectif est de créer des normes de production des produits de base—continuent de se réunir pour débattre des critères de certification et des moyens de créer des mesures incitatives afin d’améliorer leur performance environnementale et sociale. Ces tables rondes restent néanmoins critiquées d’une part par les ONG qui n’ent sont pas membres et qui s’inquiètent de ces normes et de la surveillance, et d’autre part par des producteurs non-membres qui s’inquiètent eux de la compétition. De manière générale, ces tables rondes ont connu du succès lorsque McDonald a lance une politique d’approvisionnement—le Sustainable Land Management Commitment (Engagement à une Gestion Durable de la Terre)—de l’huile de palme, le papier, la viande de bœuf, le café, le soja et d’autres produits de base utilisés par l’entreprise.
Le Forest Stewardship Council (FSC) a tenu son assemblée générale au cours de laquelle plusieurs modifications de l’organisation ont été effectuées. Parmi ces changements il faut noter le vote d’une motion controversée qui permettra aux entreprises impliquées dans des destructions récentes de forêts pour créer des plantations de pâte et de papier d’obtenir des certifications de production durable. Le FSC a fait face à des questions concernant le violent conflit qui a éclaté dans une concession certifiée en République Démocratique du Congo (RDC), sa poursuite () de crédits de carbone pour l’exploitation forestière, et sa certification d’une plantation où de nombreux primates avaient été tués. Le Conseil a été soutenu par la décision du géant danois du transport maritime, Maersk, d’utiliser dorénavant des conteneurs fabriqués avec du bois d’œuvre certifié FSC.
La Table Ronde pour un Huile de Palme Durable (RSPO) a annoncé des records de vente d’huile de palme certifiée et a vu d’importants acheteurs s’engager à s’approvisionner uniquement en huile de palme certifiée d’ici à 2015, une décision qui s’inscrit dans le prolongement d’une tendance. La RSPO obtenu d’autres soutiens. En effet, un groupe industriel néerlandais a annoncé qu’elle demanderait une exemption de taxes à l’importation pour son huile de pale certifiée RSPO. Par ailleurs, l’Australie et l’UE ont adopté une nouvelle loi qui exige que l’huile de palme soit mentionnée comme ingrédient sur les emballages des produits qui en contiennent. Toutefois, certains membres se sont risqués à ne pas s’y conformer. La RSPO a suspendu l’IOI, un géant malaisien, pour son rôle dans le différend sur l’utilisation des sols qui l’a opposé à un peuple forestier de Bornéo. Un autre membre éminent de la RSPO, Wimar Corp, a été accusé de tromper l’opinion publique au sujet d’un conflit entre les communautés locales et l’une des filiales à Sumatra. En définitive, le gouvernement malaisien a annoncé l’adoption de sa propre norme de certification basé sur la conformité aux lois malaisiennes. Bien évidemment, cette norme est obligatoire pour les producteurs d’huile de palme de Malaisie. L’Indonésie a proposé une norme similaire—l’ISPO—en 2010.
Une nouvelle évaluation par l’Organisation Internationale des Bois Tropicaux (OIBT) a conclu que plus de 90 pourcents des forêts tropicales étaient soit mal gérées soit pas gérées du tout.
Droits communautaires
On a senti se créer un élan pour une gestion communautaire accrue des terres forestières. Dans un article publié dans Science en mars, il est révélé que l’implication des communautés locales dans la gestion des ressources forestières stimule le rendement économique et la biodiversité comparé aux régions où les populations locales participent peu. Par ailleurs, une étude publiée en juillet par Rights and Resources Initiative (RRI) a conclu qu’en donnant le contrôle des ressources forestières aux communautés locales, cela pourrait aider à réduire voir même renverser le phénomène de déforestation. Peu de temps après, le gouvernement indonésien a déclaré qu’il redoublerait d’efforts pour renforcer et protéger les droits des utilisateurs traditionnels des forêts, après le faux départ pris dans le cadre du moratoire adopté par le pays. Une étude ultérieure de la Banque Mondiale publiée dans la revue à libre accès PLoS ONE a conclu que les aires protégées dans les forêts tropicales sont plus efficaces à freiner la déforestation si elles sont « utilisées de manière durable » par les populations locales. En étudiant le cas de chaque aire protégée officielle dans les tropiques entre 2000 et 2008, des chercheurs ont constaté que dans les réserves à usages multiples d’Amérique Latine et d’Asie les taux de déforestation avaient chuté d’environ 2 pourcents comparé aux aires protégées classiques.
Dans la partie malaisienne de Bornéo, une communauté indigène a pris en main la question des droits fonciers en saisissant une plantation d’huile de palme appartenant au groupe IOI après que ce géant de l’industrie de l’huile de palme n’ait pas respecté les termes d’un jugement du tribunal qui reconnaissait que ladite plantation était établie sur une territoire autochtone coutumier.
En septembre, le nouveau président élu du Pérou, Ollanta Humala, a promulgué une loi qui impose le consentement préalable des groupes autochtones pour tout projet d’exploitation minière, forestière, pétrolière ou de gaz sur leurs terres. S’il est appliqué comme il se doit, cette nouvelle loi donnera aux peuples indigènes le droit au consentement libre, préalable, et éclairé (CLPE) sur de tels projets industriels. Même si la nouvelle loi ne va pas jusqu’à accorder aux communautés locales un droit de véto, elle permet au Pérou de se conformer à la Convention relative aux Peuples Autochtones et Tribaux de 1989 ratifiée par ce pays d’Amérique du Sud presque deux décennies auparavant.
En décembre, Rainforest Foundation UK a lancé une initiative afin d’aider les communautés vivant dans les forêts à obtenir la reconnaissance de leur utilisation traditionnelle des terres. Des efforts similaires de cartographie communautaire à grande échelle sont entrepris en Indonésie.
Etranges associations
Gibson Guitars a trouvé un allié dans le Tea Party lorsque son PDG a critiqué le gouvernement fédéral pour avoir effectué une descente dans ses locaux au cours d’une enquête sur un présumé approvisionnement illégal de bois. Une première descente avait été opérée en 2009 lorsque l’entreprise était soupçonnée d’importation d’ébène coupé illégalement dans les forêts tropicales de Madagascar. Des courriels de cette période révèlent que Gibson savait que le bois d’œuvre provenait du marché gris. Mais c’est une descente ultérieure au début de cette année qui a suscité des accusations d’acharnement de la part du gouvernement. Le ministère de la justice a été lent à intenter une action, mais Gibson semble avoir profité de ces accusations pour se faire de la publicité et est devenu désormais un célèbre exemple d’effort d’opposition à la Loi Lacey qui interdit les importations de produits industriels de source illégale. Cet effort est soutenu par les entreprises de fabrication de pâte et papier qui craignent d’être traduits en justice si leurs produits sont fabriqués à base d’espèces de bois protégées.
Des ONG du monde des affaires et de l’industrie sous pression
Deux grands groupes de conservation se sont retrouvés en mauvaise posture lorsqu’ils ont été liés à des partenaires controversés. Le Fonds Mondial pour la Nature (WWF) a fait l’objet d’un rapport de Global Witness qui révèle que le géant de la protection des forêts, Global Forest and Trade Network (GFTN), a été incapable d’améliorer les opérations de plusieurs entreprises d’exploitation forestière controversées y compris une qui met en péril la survie des orang-outans à Bornéo et une autre accusée de violations de droits de l’homme dans la forêt tropicale du Congo. WWF a annoncé qu’elle ordonnerait un examen indépendant du programme. Pendant ce temps, Conservation International a été critiquée après l’apparition d’une vidéo anonyme montrant un collecteur de fonds pour le groupe entrain de proposer des services d’écoblanchiment pour Lockheed Martin, une entreprise de fabrication d’armes. CI a déclaré que la vidéo avait été énormément modifiée et que les commentaires avaient été interprétés hors de leur contexte.
Surveillance de la déforestation et de la dégradation des forêts du fait de l’exploitation forestière
Des progrès ont été notés au niveau des efforts de surveillance des forêts, notamment en ce qui concerne la compréhension de l’impact de la sécheresse et de la coupe sélective du bois, le mesurage des flux d’eau à travers les écosystèmes forestiers, le suivi de la déforestation et de la dégradation des forêts et même sur le plan de l’évaluation de la biodiversité. L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) a annoncé les résultats de sa très attendue évaluation par satellite de la couverture forestière mondiale. Jusqu’à présent, la FAO avait basé ses évaluations biannuelles essentiellement sur les rapports effectués par les pays membres eux-mêmes. Le travail préliminaire indique que la couverture forestière mondiale, ainsi que le taux de perte des forêts, est inférieure aux prévisions antérieures. Mais l’étude révèle que la déforestation tropicale a considérablement augmenté entre les années 90 et la première moitié des années 2000. L’organisation avait auparavant déclaré que la déforestation avait chuté entre ces deux périodes.
Une évaluation détaillé des stocks de carbone dans le monde a permis de conclure que les forêts tropicales à travers l’Amérique Latine, l’Afrique, et l’Asie du Sud-est avaient stocké 247 giga tonnes de carbone—ce qui représente plus de 30 ans d’émissions actuelles issues de l’utilisation de combustibles fossiles—au début des années 2000. Les auteurs de l’étude, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (Comptes-rendus de l’Académie Nationale des Sciences) par une équipe internationale de scientifiques, ont utilisé des données issues de 4.079 sites de fouille à travers le monde et des mesures obtenues par satellite pour estimer que les forêts stockent 193 milliards de tonnes de carbone dans leur végétation et 54 milliards de tonnes dans leurs racines. De cette étude est également née une carte représentant la quantité de carbone pour 2,5 milliards d’hectares (6,2 milliards d’acres) de forêts.
Une étude distincte dirigée par Mark Broich de l’Université d’état de Dakota du Sud a révélé que le Kalimantan et Sumatra ont perdu 5,4 millions d’hectares, soit 9,2 pourcents de leur couvert forestier entre 2000/2001 et 2007/2008. Cette étude a également démontré que plus de 20 pourcents du défrichage des forêts est survenu dans les régions où la conservation était soit limitée soit interdite, soulignant que pendant cette période le gouvernement indonésien n’avait pas réussi à faire appliquer les lois forestières.
Le Département d’Ecologie Mondiale de l’Institut Carnegie a dévoilé une technologie de télédétection inédite qui permet aux scientifiques de cataloguer des espèces individuelles d’arbres au fur et à mesure qu’ils créent des cartes tridimensionnelles de forêts tropicales. La nouvelle version du Carnegie Airborne Observatory (CAO), vu que le système basé sur l’avion est connu, offrira de formidables aperçus de la composition et de la biologie des forêts tropicales.
Biodiversité
Une évaluation complète publiée dans la revue Nature a conclu qu’en ce qui concerne la protection de la faune sauvage, la préservation des vieilles forêts tropicales devrait être la principale priorité. Les chercheurs se sont penchés sur 138 études scientifiques menées dans 28 pays tropiques à travers le monde et ont constaté à chaque fois que le niveau de biodiversité était largement inférieur dans les forêts perturbées et sont arrivés à la conclusion que les forêts primaires sont « irremplaçables» pour le maintien de la biodiversité. Dans la même lancée, un article de Frontiers in Ecology and the Environment a révélé que les arbres anciens sont essentiels à la survie de plus de 1.000 espèces d’oiseaux et de mammifères.
Une recherche mondiale de “grenouilles perdues” organisée par Conservation International touchait à sa fin. Le projet, pour lequel 126 chercheurs ont été employés pour effectuer des fouilles dans 21 pays à la recherche de 100 espèces d’amphibiens, a fourni des preuves supplémentaires de la terrible situation des espèces d’amphibiens dont plus d’un tiers sont menacées d’extinction.
Des chercheurs ont sonné l’alarme, prévenant que les REDD pourraient créer un nouveau risque d’extinction pour la faune sauvage: les marchés financiers. En effet, l’éditorial, publié dans la revue Conservation Letters, soutient que les REDD pourraient lier le destin de certaines espèces aux caprices momentanées du marché du carbone. Et ce sont particulièrement les projets de conservation basés essentiellement sur les REDD qui courent le risque d’être handicapés par une chute des prix du carbone ou un changement des préférences des investisseurs.
En mars, des scientifiques se sont associés à l’un des plus grands producteurs d’huile de palme au monde pour évaluer l’impact de la transformation d’une forêt tropicale en plantation d’huile de palme.
Pour la première fois, une pléthore d’espèces ont été décrites par des scientifique en 2011 et ces études donnent à penser qu’il reste encore plusieurs autres espèces à découvrir. L’une des études souligne qu’en dépit de centaines d’années de recherche, les hommes ne connaissent encore que moins de 15 pourcents des espèces existants dans le monde. Une autre révèle que 3000 amphibiens et 160 mammifères terrestres restent encore à découvrir.
Même si de nouvelles découvertes suscitent de l’espoir, il est important de souligner que plus de 900 espèces ont été ajoutées sur la liste rouge de l’UICN. Deux espèces dominantes—toutes deux de rhinocéros—ont officiellement disparu. Elles ont toutes le deux été conduites à l’extinction principalement par la perte de leurs habitats et finalement par le commerce de la corne de rhinocéros. D’autres espèces au nombre indéterminé ont également connu leurs derniers jours sur terre en 2011 et nous ne saurons jamais combien se sont éteintes sans faire leurs adieux définitifs. Cependant, les scientifiques s’accordent sur le fait que le monde se trouve au cœur d’une crise d’extinction—un sondage mené auprès de 583 scientifiques experts en conservation révèle que 99,5 pourcents d’entre eux pensent qu’une grave perte de la biodiversité était soit « probable », « plus que probable », ou « presque certaine ». Mais un groupe au moins de scientifiques s’est montré confiant que la sixième extinction massive de la planète pourrait être évitée.
Malgré cet espoir, des nouvelles parvenues d’ailleurs n’ont pas été encourageantes. Dans un article paru dans Conservation Letters il a été comptabilisé, dans 27 pays, 89 cas de réduction (rétrécissement), rétrogradation (réduction des protections légales), et de déclassement (abolition) d’aires protégées depuis 1990. Un autre article souligne que le déclin général des principaux prédateurs et de la mégafaune reflète «la très forte influence de l’homme sur la nature ». Un autre article révèle également que la société doit absolument résoudre les problèmes sous-jacents de l