Les reptiles ont longtemps été considérés dénués d’intelligence, mais une nouvelle étude publiée dans la revue Biology Letters révèle que l’anole portoricain, une espèce de lézard, a un niveau d’intelligence similaire à celui des oiseaux. En utilisant des tests cognitifs qui avaient été préalablement réalisés sur des oiseaux, les chercheurs de l’université de Duke en Caroline du Nord ont découvert que ces lézards étaient capables de résoudre un problème qu’ils n’avaient jamais rencontré auparavant, de se souvenir de la solution dans les essais ultérieurs, et même de changer de techniques quand on leur présente de nouveaux défis. En fait, les petits anoles ont résolu le test après moins de tentatives que les oiseaux. Etant donné la réputation d’être longs à la détente qu’ont les reptiles, l’auteur de cette publication, Manuel Leal, a déclaré que les résultats étaient « totalement inattendus ».
Les anoles portoricains, Anolis evermanni, ont été testés à l’aide d’un dispositif de recherche de nourriture généralement utilisé sur les oiseaux. Les lézards ont montré qu’ils pouvaient résoudre un problème inédit, se souvenir des solutions et “désapprendre” les stratégies incorrectes. Photographie de Manuel Leal, Université de Duke |
Pour le test, les anoles portoricains (Anolis evermanni) ont été placés sur une structure comprenant deux orifices, l’un contenant un ver appétissant mais recouvert d’une capsule, tandis que l’autre était vide. Pour atteindre la récompense – le ver – les anoles devaient pousser ou mordre la capsule afin de la déplacer. En moyenne, les lézards ont résolu ce problème après trois tentatives de moins que les oiseaux.
« Ils ont glissé leur museau sous le morceau de plastique et l’ont rapidement déplacé, » a déclaré M. Leal lors d’une conférence de presse. « Ils ne font pas ça dans la nature. »
On a donné une seule chance par jour aux lézards, alors qu’on en avait donné plusieurs par jour aux oiseaux. Si le lézard ne réussissait pas, il devait attendre 24 heures avant d’avoir une nouvelle opportunité de trouver la nourriture.
Les chercheurs ont ensuite posé deux capsules – une brillante et une terne – sur les orifices, et les lézards ont rapidement appris à associer la capsule brillante au ver, et ignoré la capsule terne. Suite à cela, les chercheurs ont essayé de piéger les lézards : ils ont déplacé le ver, et l’ont caché sous la capsule terne. Cela s’est révélé plus difficile. Mais après plusieurs essais, deux des quatre lézards ont commencé à déplacer capsule terne au lieu de la brillante.
“ Nous les avons appelés Platon et Socrate”, a indiqué M. Leal.
Une espèce apparentée d’anole, mais différente de celle utilisée pour la recherche. |
Alors que l’étude révèle des capacités cognitives inattendues chez ces lézards, un spécialiste de l’intelligence des oiseaux, Louis Lefebvre de l’Université québécoise McGill, précise que cette étude de signifie pas nécessairement que les lézards sont plus intelligents que les oiseaux, puisque les oiseaux possèdent un ratio corps-cerveau plus élevé que les reptiles. Cela signifierait plutôt que les anoles font partie des reptiles les plus intelligents.
« Nous savons que les oiseaux et les mammifères ont de plus gros cerveaux, et que parmi les espèces d’oiseaux et de mammifères, plus le cerveau est gros, plus leur chance d’adaptation à un nouvel environnement est importante » a déclaré M. Lefebvre lors d’une conférence de presse. « Il se pourrait que ce soit ces-mêmes espèces dotées d’un plus gros cerveau qui s’adaptent le mieux, si l’on transpose la situation aux lézards.»
Il a été démontré que les anoles réussissent particulièrement bien à survivre dans de nouveaux milieux naturels. Il existe plus de 400 espèces d’anoles, ce qui fait d’eux le plus genre le plus étendu au sein de la classe des reptiles.
Pour sa part, M. Leal envisage cette année d’effectuer des tests sur d’autres lézards et de comparer la taille de leur cerveau par rapport à celle de leur corps.
Depuis plusieurs décennies, les chercheurs ont découvert que les animaux sont bien plus intelligents que ce que la société ne veut bien leur concéder. Comme les grands chimpanzés, les corbeaux et les pieuvres ont montré qu’ils étaient capables d’utiliser des outils. Les abeilles peuvent compter. Les poules éprouvent de l’empathie pour leurs poussins. Les guêpes à papier peuvent reconnaître d’autres types de guêpes. Plus nous en apprenons sur l’intelligence animale, moins nous nous en distinguons.