- De forts étiages et des lacs très asséchés au point d’y marcher : des saisons sèches de plus en plus rudes se succèdent dans le sud-est de la République démocratique du Congo.
- Si les experts hésitent entre les effets des perturbations climatiques en marche dans plusieurs régions à travers le monde, tous s’accordent sur une lourde empreinte des activités humaines.
- De la déforestation à l’industrie minière qui attire des milliers d’habitants dans la région riche en cuivre et en cobalt, à l’occupation des terres, les activités anthropiques semblent davantage peser sur l’eau.
Le paysage est terne, grisaille : une vaste étendue de terre marquée de fissures à perte de vue, à l’endroit où l’on a l’habitude de voir le lac Tshangalele. Mais, en ce mois d’octobre 2025, c’est une terre asséchée sur laquelle avancent aisément des habitants de Shinangwa, localité située près de Kapolowe, à 20 kilometres de Likasi, soit à quelques 150 km de Lubumbashi, dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC).
Sur une vidéo transmise à Mongabay par le responsable du site Tshangalele de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), Dieudonné Ngoy, des pirogues apparaissent à l’horizon, autour d’une crevasse portant ce qu’il reste des eaux du lac. C’est une sorte de mare, d’un à deux mètres de large.
« Nous sommes en train de marcher sur le lac Tshangalele. Les barquettes des pêcheurs ont été abandonnées ici. Il n’est plus possible de pêcher comme avant. La pêche est limitée. Pour le moment, nous vivons comme ça : nous restons sans rien faire à la maison », explique l’auteur de la vidéo, qui marche en filmant.
Les pieds dans la mare, sur ce qui reste du lac, à Shinangwa, à environ trois km de la terre ferme, des femmes et des jeunes filles capturent de menus poissons. « Voilà les poissons que les filles viennent chercher dans l’eau pour se nourrir. Ici, chez nous à Shinangwa, la situation est très grave, très mauvaise. Ça fait pitié. La vie est très précaire », dit un habitant dans une vidéo transmise par le responsable de l’ICCN à Kapolowe. « C’est presque la même chose chaque année. Mais, cette année, en tout cas, c’est un peu aggravé », explique Ngoy.

Selon ce dernier, vers le village Kapolowe mission, le lac Tshangalele conserve encore un peu d’eau de la rivière Lufira, affluent du fleuve Congo, où certains pêcheurs cherchent encore du poisson. Mais, l’eau y est « trop sale », selon la même personne, à cause des pollutions.
D’après un communiqué de l’association Ressources et communautés pour la Responsabilité sociétale des entreprises, basée à Paris en France, au moins 1 million de personnes dépendent des ressources du lac. Mais Mongabay n’a pas pu vérifier ces chiffres en date de 2016.
Appelé aussi lac Lufira ou réservoir Mwadingusha, le lac Tshangalele, d’une superficie d’environ 362,5 km² et d’une profondeur moyenne de 2,6 m, est né à la suite de construction en 1926, d’un barrage hydroélectrique sur la rivière Lufira près de Mwadingusha, dans le territoire de Kambove. Alimenté par la rivière Lufira, il alimente lui-même cette centrale de 78 MW après des rénovations en 2020.
À plus de 200 km du lac Tshangalele, sur la rive gauche du fleuve Congo, dans les environs de la capitale provinciale du Lualaba, Kolwezi, plus d’une dizaine de villages assistent, impuissants, eux aussi, à une forte sécheresse du lac Kando. Avec un accès au fleuve Congo, au sud du village Lualaba, ce lac de la cuvette centrale, fréquenté par des hippopotames, a longtemps attiré plusieurs pêcheurs.
Ils y ont établi des villages sur le rivage, au cœur de la réserve de chasse de la basse Kando, une aire protégée de l’ICCN, dont la principale menace est l’exploitation minière, marquée par des accusations de pollution minière, d’après une évaluation de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Des variations climatiques dans une région de la savane boisée
Depuis près d’une décennie, ce lac connaît des étiages très forts, privant de pêche les riverains pendant quatre à six mois l’an. « Il ne reste plus qu’une petite étendue d’eau au milieu du lac. Il est difficile de pêcher et d’aller au champ sur l’autre rive. Il est difficile pour les cultivateurs de se déplacer sans barquettes », explique Placide Kankenza, habitant du village Kapaso, sur la rive droite de Kando.
Le sud-est de la RDC, où se trouvent les lacs Tshangalele, dans la province du Haut-Katanga, et Kando, dans la province du Lualaba située au nord-ouest de Lubumbashi, est une région intertropicale. Cette zone connaît une vague de sécheresses depuis l’Afrique australe, avec une pluviométrie à tendance décroissante, située à 12 jours de moins sur la décade, avec un pic de trois mois de pluies atteint en 2013, indique Christian Muteb, Docteur en géographie et environnement à l’Institut supérieur pédagogique (ISP) de Lubumbashi.
Selon Muteb, des rivières, qui ne coulent pas au moment, où elles devraient couler, peuvent avoir subi une perturbation de leur système de captage et de constitution de réserves d’eau durant les précipitations ou une rareté des pluies. « Cette perturbation du cycle naturel de l’eau réduit le débit des rivières, provoquant l’asséchement des cours d’eau », souligne Muteb.
Plus au sud de cette région australe de la RDC, le Lesotho, le Malawi, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe ont déclaré des catastrophes naturelles à cause de la sécheresse et de mauvaises récoltes en 2024. Des conditions extrêmes attribuées à El Nino, phénomène climatique marqué par des hausses anormales de températures, en seraient l’origine. L’un des symboles de cette sécheresse, la rivière Lusitu située dans le sud de la Zambie, par exemple, a complètement tari.
La déforestation massive et l’artificialisation des sols altèrent l’infiltration de l’eau dans les nappes phréatiques, explique Christian Muteb. Selon ce dernier, elles peuvent, de ce fait, aggraver la situation : « il y a des exemples dans le territoire de Kapanga, où la destruction de la forêt galerie affecte les petits ruisseaux ».
Le Haut-Katanga et le Lualaba connaissent, en effet, une déforestation les plus élevées du sud-est de la RDC, à mesure qu’accroît leur démographie estimée entre 2,5 et 6 millions d’habitants à Lubumbashi, tirée par le boom minier depuis 2006, un événement ayant consacré le morcellement au profit de plusieurs petites sociétés privées, des gisements de la société publique de cuivre et de cobalt, Gécamines.
Or, seuls 24 % des ménages de Lubumbashi ont accès à l’électricité, d’après le rapport 2020 du Programme nations unies pour développement (PNUD) sur la consommation domestique de l’énergie. Il s’ensuit alors que la ville décime la forêt dans ses environs, comme l’indique ce rapport : « En considérant une population de 2,281 millions d’habitants, la consommation annuelle de la ville de Lubumbashi s’élève donc à 2,87 millions de tonnes d’équivalent bois », majoritairement sous forme de charbon de bois, indique le rapport du PNUD.

Faible résilience des agriculteurs
Il fait ainsi de plus en plus chaud dans la région, et les mois les plus chauds ont moins d’eau. Dans le Haut-Katanga, par exemple, la rivière Lubumbashi, qui traverse du nord au sud, a perdu davantage de son débit, perturbant les maraichers qui y opèrent.
Guy Ilunga, la trentaine révolue, doit régulièrement creuser des puits pour trouver de l’eau. « Jadis, l’eau était accessible à un mètre. Aujourd’hui, il faut aller jusqu’à 3 mètres pour trouver de l’eau. Il n’y a plus assez d’eau dans la rivière », dit-il.
Des puits comme les siens, Ilunga en compte une trentaine dans le lit de la rivière, au sud de Lubumbashi, pour s’assurer qu’il arrose toutes ses cultures. « Les plantes n’ont plus une bonne santé. Et, les insectes attaquent régulièrement les plantes à cause de la sècheresse », indique la même personne. « Il nous faut des pesticides pour lutter contre les insectes. Puisque, comme il fait chaud, les insectes se développent à l’intérieur des choux et les détruisent », explique Ngomba, qui n’accède pas aisément à ces produits.
« Il faut des motopompes pour aisément arroser », souligne pour sa part Kongo Mwamba, la cinquantaine, trouvé dans son champ. « En ce mois d’octobre, la chaleur est grande et les semences brûlent lorsque vous les jetez en terre. Il faut beaucoup d’eau pour le potager », dit Kongolo. Mais plutôt que de creuser, Kongolo opère des déviations de la rivière vers de petits puits creusés autour du champ qui servent de réservoir temporaire.
Les variations climatiques, combinées avec le faible accès aux intrants agricoles à même de renforcer l’adaptation aux perturbations, mais également aussi le difficile accès aux informations météorologiques, accentuent la vulnérabilité des agriculteurs. C’est ce qu’indique une étude sur la perception des variations climatiques menée en 2017, auprès des fermiers chefs de ménages, dans 106 fermes agricoles, le long des quatre axes d’approvisionnement de la ville de Lubumbashi, publiée dans la revue environnementale Vertigo l’université de Montréal.

Une affectation des terres sur fond de variations climatiques
La cause climatique, dans l’explication de la crise de sécheresse qui touche les lacs et cours d’eau au sud-est de la RDC, quoique qu’estimée plausible par des chercheurs comme Christian Muteb de Lubumbashi, reste discutable.
L’hydrologue Raphaël Tshimanga, professeur à l’université de Kinshasa, par exemple, a soutenu, dans un magazine dédié au sujet, en octobre 2018, sur le média onusien Radio Okapi, que l’assèchement des cours d’eau et lacs a pour causes majeures « les activités humaines, l’occupation anarchique des terres, l’urbanisation « que je peux appeler urbanisation sauvage ». Ce sont là les faits qui font qu’on puisse perturber le système naturel pour qu’il n’y ait plus d’infiltration et qu’il y ait seulement les ruissèlements de surface, qui ne persistent pas dans un cours d’eau. Il y a aussi empiètement des zones de rechange » des eaux, qui remplissent les aquifères, « qui sont des réservoirs des eaux », explique Tshimanga.
Pour André Muhema, chercheur en géographie à l’ISP Lubumbashi, « les lacs de retenue comme celui de Tshangalele, vont poser problème », face à ces activités anthropiques, si on considère en plus les effets des barrages hydroélectriques et de l’exploitation minière. « Et, quand vous parlez des exploitations minières, on a besoin de beaucoup de quantité d’eau avec des bassins de décantation », dit-il.
Situés dans la zone de l’arc cuprifère, la fameuse ceinture du cuivre (copperbelt) congolaise, qui va de Kolwezi, au nord-ouest de Lubumbashi, à Kasumbalesa, au sud-est de cette ville vers la Zambie, les lacs Tshangalele et Kando, en effet, sont à proximité de plusieurs sociétés minières telles que Mutanda mining, une filiale de l’anglo-suisse Glencore et Kisanfu mining appartenant au groupe chinois CMOC (China Molybdenum Company) proches de Kando, et Shituru mining, une filiale de la chinoise Pengxin Mining Holdings.
Image de bannière : Un jeune en provenance du champ sur le lac Kando au village Rianda près de Kolwezi (Lualaba, RDC). Image de Didier Makal pour Mongabay.
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