- Il suffit qu’une mine soit installée dans une zone pour que la déforestation y soit augmentée de 47,5 %.
- C’est ce qu’indique une étude sur la déforestation autour des mines, un type de perte de couvert forestier, qui n’attire pas toujours les attentions, et qui semble moins bien maîtrisé, selon l’étude.
- Après l’ouverture d’une mine, le taux de déforestation est multiplié par 2,6, selon la même étude sur l’Afrique subsaharienne.
En matière de déforestation causée par les mines (bauxite, diamant, or, fer, cuivre et calcaire, entre autres), l’attention repose souvent sur les zones d’exploitation. Une étude publiée dans la revue Biological Conservation, en avril 2025, focalise son attention hors des gisements miniers en répondant à cette question : « Quelle est l’ampleur de la déforestation en Afrique subsaharienne causée par l’exploitation minière ? ».
L’étude, menée par des chercheurs de l’université de Sheffield et de l’université de Cambridge, au Royaume-Uni, se base sur 196 mines sur 225 préalablement identifiées. Elles ont toutes été créées après 2000 dans plus de 20 pays de la région, dont la République démocratique du Congo (RDC), la Zambie, la République Centrafricaine, le Gabon, le Nigéria, le Libéria, le Rwanda ou encore l’Afrique du Sud. L’ensemble de ces zones géographiques possède une diversité d’écosystèmes : forêts tropicales humides, forêts sèches, savanes, zones arbustives.
Pour conduire cette étude, les chercheurs ont établi un périmètre de 12 kilomètres autour des mines pour en étudier l’ampleur de déforestation. Ces zones ont été ensuite comparées à d’autres sans mines en guise de contrôle (comme zones témoins). Les chercheurs se sont basés sur les mines industrielles, à ciel ouvert, ce qui prive l’étude de l’exploitation artisanale, une réalité courante sur le continent.

Lorsqu’une mine s’installe, 47,5 % du couvert forestier sont menacés
Les résultats montrent une déforestation cumulée, entre 2001 et 2020, de l’ordre de 1,17 million d’hectares, soit 1,63 millions de terrains de football. Cela représente 17,7 % autour des mines, contre 12 % dans les zones de contrôle (témoin), sur un total de couvert arboré des zones étudiées de 6 633 876 hectares (soit environ la superficie du Togo et de l’Irlande), en 2000.
C’est « soit 47,5 % de plus que les grilles de contrôle appariées », précisent les chercheurs. Bien plus, « les taux de déforestation ont augmenté de 11 200 hectares par an pour les mines établies entre 2009 et 2011 (les années médianes), par rapport à la période précédant la création des mines. Avant la création des mines, le taux de déforestation annuel moyen était de 1 665 hectares, et il a été multiplié par 2,6 (4 314 hectares par an) après la création des mines ».
Avant la création des mines, les taux de déforestation étaient de 1 665 ha/an. Ils sont passés à 4 314 ha/an après, soit une augmentation 2,6 fois supérieure. Pour les mines créées entre 2009-2011, ce taux atteint +3 400 ha/an après leur ouverture.
« Les résultats de notre étude sur le Katanga sont convergents, mais plus alarmants que ceux de l’étude comparative en Afrique subsaharienne. Alors que cette dernière relève une perte de 17,7 % de couverture arborée près des mines sur 20 ans, nos données montrent une perte de 60 à 88 % de couverture naturelle en 41 ans autour des agglomérations minières, avec des pics annuels atteignant -2,2 % à Lubumbashi », explique à Mongabay, Yannick Useni Sikuzani, professeur d’agronomie à l’université de Lubumbashi, qui n’a pas participé à l’étude.

Dans le Katanga, en RDC, explique Useni Sikuzani, cette différence résulte des effets cumulés des activités minières artisanales et industrielles. Il note aussi une forte démographie, qui a explosé dans la région du sud-est de la RDC, après 2002 et la forte dépendance des charbons de bois, qui assure 90 % des besoins énergétiques dans cette région congolaise, contre une moyenne plus faible en Afrique.
D’après le média britannique the Guardian, une étude de l’université de Porto Rico, ayant quantifié la déforestation liée à l’exploitation de l’or, entre 2001 et 2013, a démontré, en outre, une perte de 1 680 km2, durant cette période au cours de laquelle les prix de l’or ont triplé.
15 % de forêts perdus dans la région
Les auteurs de l’étude en concluent que l’impact indirect de l’exploitation minière sur les forêts, est majeur, mais souvent sous-estimé. Ils démontrent, en effet, que 15 ans après le fonctionnement des mines, l’Afrique subsaharienne a perdu 15 % de forêts sur une superficie de 1 à 3 km, 3 % de 3 à 6 km et moins de 1 %, au-delà de 6 km.
Les moteurs de cette perte de couvert forestier sont les infrastructures telles que les routes ou les pipe-lines, mais aussi l’urbanisation qui suit les zones minières. Il s’agit de la plus grande déforestation, que connaît la région alors que celle causée par les sites industriels eux-mêmes (défrichements et infrastructures minières) s’avèrent plus basses.
« Nos résultats soulignent l’urgence pour le secteur minier de prendre en compte les coûts environnementaux hors site dans leurs études d’impact, leur comptabilité carbone et les investissements associés dans la protection de la nature », écrivent Abdulkareem I. Ahmed, de l’université de Sheffield, au Royaume-Uni et ses collègues.

La dynamique varie cependant, lorsqu’on s’intéresse à certaines régions telles que celle comprise entre la ville de Kolwezi et la cité de Fungurume en RDC, par exemple. Les mines industrielles « entraînent une déforestation localisée mais intensive (–87,8 % de couverture naturelle), alignée avec les 11 200 ha/an post-création cités dans l’étude comparative », précise Useni Sikuzani, se référant à l’une de ses études.
En guise de solution, Useni Sikuzani recommande que les industriels endossent leurs responsabilités. Se référant à l’étude sur la déforestation au sud du Sahara, il propose que chaque entreprise industrielle procède par une reforestation des 17,7 % de surface déboisée. Cela devrait se faire avec des espèces végétales natives et un suivi par télédétection, insiste-t-il.
Les gouvernements peuvent également, en RDC par exemple, subventionner l’accès au solaire, en vue de réduire la pression sur les forêts.
Image de bannière : Une mine ouverte dans une forêt. Image de Elodie Toto pour Mongabay.
Citation :
Ahmed, A.I., Massam, M.R., Bryant, R.G. & al. (2025). How much deforestation in sub-Saharan Africa has been caused by mining? , in Biological Conservation, 304. https://doi.org/10.1016/j.biocon.2025.111040
Congo : Un programme REDD + grignoté par de nombreuses mines d’or
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