- La République du Congo prévoit de doubler sa production de pétrole sur les trois prochaines années, avec notamment des forages dans des zones protégées comme le Parc national de Conkouati-Douli, suscitant l'indignation des défenseurs de l'environnement et des organisations de la société civile.
- Cette expansion vient en contradiction directe des engagements pris par le pays pour le climat lors de la conférence des Nations unies pour le climat de 2023, et de ses objectifs affichés pour la protection de la biodiversité.
- Les principaux groupes pétroliers internationaux tels que TotalEnergies, Perenco et des groupes chinois, soutiennent ce virage en faveur des énergies fossiles, en dépit des scandales passés en matière de pollution et du manque d’évaluations de l’impact environnemental par l’État.
- Les critiques évoquent aussi la corruption systémique et la mauvaise gestion des ressources et se demandent si les recettes prévues profiteront au public, alors que les pénuries de carburant, et les effets des phénomènes climatiques extrêmes continuent de frapper le pays.
Les activistes dénoncent que la République du Congo a récemment annoncé son intention de doubler sa production de pétrole sur les trois prochaines années, en totale contradiction avec les objectifs qu’elle s’est fixés en matière de transition vers une énergie propre.
Le pays produit actuellement 270 000 barils de pétrole par jour, mais Bruno Jean Richard Itoua, ministre des Hydrocarbures, a déclaré lors d’un forum Énergie et Investissement, tenu à Brazzaville en mars, qu’il voulait voir la production passer à 500 000 barils par jour. Ce projet implique de forer sur un quart de la superficie du Parc national de Conkouati-Douli, suite à l’octroi par le gouvernement en février 2024, d’un permis d’exploration à un conglomérat composé de la compagnie pétrolière nationale et de China Oil Natural Gas Overseas Holding Limited.
Cette mesure a été fermement condamnée par des organisations de la société civile au niveau local et international.
« Sur le plan stratégique, le gouvernement s’efforce de protéger la biodiversité, mais sur le plan pratique, ils sont en totale contradiction avec cette stratégie dans leur manière de l’exploiter », a déclaré à Mongabay, Placide Kaya, activiste et expert de la mangrove, ajoutant que le gouvernement s’exprime avec « deux voix » différentes.
« Normalement, nous ne devrions pas toucher les zones protégées, car elles sont un refuge pour la biodiversité du pays », explique-t-il. « Si nous touchons à ces zones, le Congo risque de perdre plusieurs espèces ».
Et les projets de forages pétroliers ne semblent pas se limiter au Parc national de Conkouati-Douli, ajoute Placide Kaya : « Il y a le parc Conkouati-Douli, la réserve de Dimonika… Toutes les réserves naturelles du pays, particulièrement dans le sud, seront touchées ».
Il se demande également ce que les compagnies pétrolières feront pour atténuer l’impact de leurs activités d’exploration sur l’environnement. À ce jour, affirme-t-il, aucune étude d’impact environnemental ou social n’a été rendue publique.
Lors du sommet de la COP28 en 2023, la République du Congo a fait partie des signataires d’un accord signifiant le « début de la fin » de l’ère des énergies fossiles. À l’époque, le président Denis Sassou Nguesso avait déclaré : « En ce qui concerne le changement climatique, le diagnostic a été fait. Les problèmes sont connus. Les solutions ont été identifiées. Il s’agit d’un juste effort de solidarité et d’équité qui incombe à tous les pays appelés à travailler ensemble pour une planète plus sûre, à l’abri des menaces et autres effets néfastes du changement climatique ».
Les effets du changement climatique se font déjà ressentir en République du Congo : les pluies sont devenues plus irrégulières et extrêmes, causant des inondations de plus en plus fréquentes. Rien que l’an dernier, de graves inondations dues à des pluies diluviennes ont laissé plus de 336 000 personnes dans le besoin d’une aide humanitaire d’urgence.
Pourtant, depuis la COP28, le gouvernement s’est encore davantage tourné vers les combustibles fossiles.


En mars, lors du forum Énergie et Investissement, le ministre Itoua a déclaré que les industries du gaz et du pétrole étaient « le levier de la transformation et de la reprise économique » du pays. Lors du même événement, le géant pétrolier français TotalEnergies, a annoncé qu’il soutiendrait l’effort national de production de pétrole et de gaz, et qu’il intensifierait ses activités d’exploration et de forage. Le groupe anglo-français Perenco a annoncé lui aussi qu’il prévoyait de dépasser les 100 000 barils par jour, tandis que le Chinois Wing Wah entend augmenter sa production de pétrole de 50 % cette année.
Une récente enquête de Mongabay a démontré que le terminal pétrolier de TotalEnergies, en fonction depuis plus de 50 ans dans la ville côtière de Djeno, a constamment pollué l’environnement marin du site. Des documents internes de TotalEnergies fournis par l’ONG Climate Whistleblower, prouvent que le groupe français n’a pas mis en œuvre les mesures compensatoires adaptées pour la pollution générée.
Outre le pétrole, la République du Congo prévoit également de développer son exploitation du gaz naturel. Le gouvernement a l’intention de créer une compagnie du gaz naturel dans un proche avenir, ainsi qu’un règlement du gaz et une feuille de route pour attirer les investisseurs.
Les activistes ont dénoncé un autre problème né des nouveaux projets liés au pétrole et au gaz dans le pays : la corruption.
« Le problème est de savoir si ces ressources iront dans les caisses de l’État ou si des intermédiaires feront disparaître cet argent à travers divers processus de corruption, l’empêchant de profiter au pays », a déclaré à Mongabay Andra Ngombet, fondateur du mouvement anti-corruption Sassoufit. « Sassoufit » est un jeu de mots sur le nom du président Sassou et l’expression « ça suffit ».
Les scandales de corruption concernant les ressources du pays et impliquant les membres du clan présidentiel ont plusieurs fois fait les gros titres de l’actualité. Ainsi, en 2023, le média d’investigation français Disclose, a révélé que plusieurs membres de la famille Sassou Nguesso étaient impliqués dans un scandale financier lié à un champ pétrolier exploité par Perenco.
Et, bien que la République du Congo soit le troisième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne, le pays a connu une grave pénurie de carburant l’année dernière.
La République du Congo fait partie du bassin du Congo, la deuxième forêt pluviale tropicale et la plus grande tourbière tropicale de la planète. Le bassin du Congo abrite une faune et une flore extraordinaires, avec des milliers de variétés de plantes, des centaines d’espèces d’oiseaux et de mammifères et une myriade d’insectes, une biodiversité comme il n’en existe nulle part ailleurs.
Le ministère des Hydrocarbures n’a pas répondu à la demande d’interview de Mongabay au moment de la publication de cet article.
Image de bannière: Une mère et son bébé chimpanzé dans les mangroves du Parc national de Conkouati-Douli. Image de Discover Corps via Flickr (CC BY-ND 2.0).
Cet article a été publié initialement ici en anglais le 7 mai, 2025.