- 11 milliards USD par an, c’est le montant estimé par une nouvelle étude pour permettre aux petits exploitants agricoles d’Afrique de l’Ouest de s’adapter efficacement aux effets du changement climatique.
- Moins de 2 % des fonds climatiques internationaux atteignent les agriculteurs familiaux, freinés par des conditions d’éligibilité complexes, une bureaucratie lourde et une faible présence bancaire en zones rurales.
- Le ROPPA et d’autres acteurs du monde agricole, plaident pour la création d’un Fonds pour la résilience et l’autonomisation des agriculteurs, et recommandent des mécanismes comme l’assurance indicielle et le financement des pratiques durable comme l’agroécologie pour renforcer la durabilité du secteur agricole.
Environ 11 milliards USD par an sont nécessaires pour couvrir les coûts d’adaptation des petits exploitants agricoles d’Afrique de l’Ouest, qui produisent environ 80 % de la nourriture consommée dans la région.
Ce sont les conclusions d’une nouvelle étude réalisée par Family Farmers for Climate Action, une alliance mondiale d’organisations paysannes représentant 95 millions de petits exploitants à travers le monde, dont le Réseau des organisations de paysans et de producteurs d’Afrique de l’Ouest (ROPPA).
Selon l’étude, les 11 milliards USD nécessaires comprennent 8,66 milliards pour encourager les pratiques durables et résilientes telles que l’agroécologie, 2,26 milliards pour les systèmes d’alerte précoce et les filets de sécurité adaptatifs tels que les systèmes d’assurance-récolte, et 0,19 milliard pour les services numériques tels que les prévisions météorologiques localisées.
Elle souligne par ailleurs qu’en dépit du fait que les petits producteurs contribuent à près de 50 % de la production des calories alimentaires mondiales, assurent la subsistance de 2,5 milliards de personnes et jouent un rôle central dans les chaînes d’approvisionnement mondiales de produits de base tels que le riz, le blé, le cacao et le café, ils sont fortement impactés par les changements climatiques.
« (…) Aujourd’hui, les petits producteurs nourrissent la planète, mais sont fortement exposés au changement climatique. Notre message clé, c’est que les petits producteurs contribuent énormément à l’alimentation mondiale, mais reçoivent moins de 1 % du financement climatique mondial », a dit Mahamadou Ouédraogo, chargé de programmes au sein du ROPPA.

Des obstacles à l’accès aux financements
L’étude a identifié divers obstacles empêchant les organisations d’agriculteurs familiaux d’accéder aux financements. « Les petits producteurs ou les organisations paysannes ont un accès limité aux fonds climatiques internationaux, tels que le Fonds vert pour le climat ou le Fonds pour le climat et le développement. Les conditions d’éligibilité à ces mécanismes sont souvent complexes et marquées par une forte bureaucratie, ce qui freine l’accès des petits producteurs à ces ressources financières ».
À cela s’ajoute, selon Ouédraogo, la faible présence des institutions bancaires en milieu rural, limitant considérablement les possibilités de financement local. « De plus, les produits financiers existants sont souvent inadaptés aux réalités des petits producteurs, rendant leur accès aux crédits et subventions encore plus difficile. En conséquence, de nombreux agriculteurs sont contraints de recourir à des sources de financement propres, souvent insuffisantes pour répondre à leurs besoins et soutenir leurs efforts d’adaptation et de développement d’une agriculture durable », a expliqué Ouédraogo à Mongabay.
À titre d’exemple, l’analyse de 40 projets du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et du Fonds vert pour le climat (FVC), visant à soutenir les petits producteurs, effectuée dans le cadre de la présente étude, a montré qu’aucun financement n’était directement octroyé aux agriculteurs familiaux ou à leurs organisations. De plus, seuls sept projets incluaient explicitement les agriculteurs au sein de leurs entités décisionnelles, limitant ainsi leur participation à l’identification des priorités, à la conception et à la mise en œuvre des projets.

Centrer les financements sur l’adaptation des petits producteurs
Pour répondre au besoin estimé à 11 milliards USD par an pour l’adaptation, les organisations paysannes appellent à une réorientation des financements vers les petits producteurs.
Dans cette perspective, l’étude recommande aux acteurs du secteur agricole, ainsi qu’aux partenaires techniques et financiers de soutenir le développement d’un Fonds pour la résilience et l’autonomisation des agriculteurs, en tant que source première de financements directs.
« Le vrai problème n’est pas un manque de financement, mais un manque de financements qui vont réellement vers les vrais besoins des petits producteurs. La plupart des grands dispositifs financiers internationaux ne sont pas conçus pour répondre aux petits besoins des agriculteurs familiaux. Ces structures sont souvent incapables de fournir un simple crédit pour l’achat de quelques sacs d’engrais. Il faut un fonds dans lequel les producteurs sont impliqués dans les instances de décision, afin d’assurer une meilleure adéquation entre les fonds mobilisés et les besoins réels des exploitations agricoles », a dit Ibrahima Coulibaly, agriculteur malien et président du ROPPA.
En plus d’un fonds destiné à l’adaptation, l’adoption de l’assurance indicielle se révèle aussi comme une approche pouvant soutenir les producteurs agricoles en leur facilitant, entre autres, l’accès aux crédits.
« L’assurance constitue un mécanisme clé de transfert des risques, permettant à un exploitant agricole de protéger son activité contre les aléas climatiques, tels que la sécheresse ou les inondations, qui peuvent compromettre à la fois la production et les relations avec les partenaires financiers. L’assurance indicielle offre une sécurité aux institutions financières, qui savent qu’en cas de mauvaise saison, les crédits octroyés aux exploitants agricoles seront partiellement ou totalement couverts. Recourir à l’assurance indicielle reste donc une option rassurante pour les petits producteurs », a expliqué David Akwei, directeur général de Lorica Assurances, lors de la 12ᵉ édition du Salon international de l’agriculture et de l’agroalimentaire (SIALO 2025), à Lomé, au Togo.
Il a précisé que dans ce pays l’assurance proposé aux agriculteurs est fortement appréciée par les souscripteurs et les institutions financières partenaires.
Au-delà, le ROPPA, sur la base des résultats de l’étude, appelle à impliquer directement les petits producteurs dans la planification et la gouvernance des politiques climatiques liées à l’agriculture.
Jean Charles Sossou, agroécologiste et directeur exécutif de l’Association Eco-Impact basée au Togo, appelle aussi à soutenir les systèmes durables de production, notamment l’agroécologie, afin de rendre les systèmes agricoles moins vulnérables aux aléas climatiques et de garantir une alimentation saine aux communautés.
« Il faut que la transition agroécologique déjà amorcée à petite échelle dans certains pays soit accélérée avec des financements et des soutiens de l’État », a-t-il indiqué, au téléphone à Mongabay.
Image de bannière : Un champ de maïs complanté de palmier à huile dans la région des Plateaux au Togo. Image fournie par Charles Kolou.
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