- Madagascar se tourne vers la France pour solliciter son appui, afin d’accéder aux mécanismes internationaux de financement climatique, en particulier, au Fonds vert pour le climat.
- En même temps, la Commission de l’océan Indien, dont la Grande île et l’ancienne puissance coloniale font partie intégrante, est accréditée en tant qu’entité de mise en œuvre auprès dudit Fonds.
- Sur la période 2022-2030, les coûts de la mise en œuvre de la deuxième Contribution déterminée au niveau national de la République de Madagascar, au titre de l’Accord de Paris, sont estimés à 24,406 milliards USD.
- Les experts critiquent l’esprit d’épicier dans le mode de gouvernance malgache, qui doit s’en tenir à l’esprit d’entreprise. L’île souffre aussi du flagrant déficit de données et de preuves pour éradiquer l’extrême pauvreté dans le pays.
ANTANANARIVO, Madagascar — « Dans le domaine de l’environnement, Madagascar est éligible au Fonds vert pour le climat (FVC). Pourtant, malgré les promesses, aucun financement concret n’a été mobilisé à ce jour ».
Le président Andry Rajoelina s’est adressé en ces termes à son homologue français Emmanuel Macron au palais d’État d’Iavoloha, dans la banlieue sud d’Antananarivo, le 23 avril dernier.
Le président français a effectué une visite d’Etat à Madagascar ce jour-là, à l’invitation du chef de l’État malgache. Le locataire d’Elysée était aussi dans le pays pour participer au 5e Sommet de la Commission de l’océan Indien (COI), qui s’est tenu à Antananarivo, le 24 avril. Cette organisation regroupe les cinq États insulaires voisins, à savoir les Comores, la France (au titre de La Réunion), Madagascar, l’île Maurice et les Seychelles.
Au palais d’Iavoloha, le président Rajoelina, en a profité pour passer certains messages à Macron. Antananarivo a alors sollicité solennellement Paris, afin que la Grande île puisse accéder pleinement aux mécanismes internationaux de financement climatique, en particulier, au Fonds vert pour le climat (FVC). Celui-ci, selon le président malgache, représente un levier essentiel pour soutenir les efforts d’adaptation et de résilience de l’île face aux effets du changement climatique.
Basé en Corée du Sud, le Fonds est un mécanisme financier des Nations unies destiné à financer des projets visant à renforcer la résilience climatique, l’adaptation et l’atténuation. D’après les informations en ligne, il finance ou cofinance, à ce jour, 269 projets dans 129 pays, pour des engagements totaux de 14,8 milliards USD, attestant de son rôle crucial dans la lutte mondiale contre le changement climatique.

Madagascar figure parmi les pays les plus vulnérables aux effets néfastes du réchauffement planétaire. La mise en œuvre de sa deuxième Contribution déterminée au niveau national, au titre de l’Accord de Paris, a des coûts estimés à 24,406 milliards USD, pour la période 2022-2030.
Parallèlement, le gouvernement malgache engage la réforme des finances publiques, en intégrant les enjeux climatiques au cœur de sa gestion budgétaire, grâce à la facilité pour la résilience et la durabilité attribuée par le Fonds monétaire international (FMI). Pour l’année 2026, le tout premier budget vert du pays, actuellement en cours d’élaboration, sera annexé à la loi de Finances.
La réponse du président Macron à la requête qui lui a été adressée, est diluée dans la feuille de route d’un partenariat stratégique commun [entre Madagascar et la France]. Ce dernier va décliner l’ensemble des priorités et les financements qui les accompagnent.
Des signatures de convention dans ce sens ont eu lieu à Antananarivo. Elles ont porté sur les secteurs clés, tels que les énergies renouvelables, la transformation agricole, les infrastructures, l’économie, la santé, l’enseignement supérieur, la recherche scientifique et l’industrie.
« Nous souhaitons aussi être un partenaire de confiance avec le FMI, la Banque mondiale et tous les bailleurs actuels de votre pays, pour pouvoir optimiser au mieux les financements actuels et aider à décliner ces grands projets, qui ont un impact pour la population », a dit le chef de l’État français.

Sur le plan régional, la COI – dont la France est un contributeur important – a obtenu, en juillet 2024, son accréditation au FVC. Une enveloppe de 50 millions USD lui sera désormais accessible pour des projets dans la santé, la sécurité alimentaire, la gestion de l’eau, les énergies durables, les infrastructures résilientes, etc.
L’accréditation positionne la COI comme un leader dans l’accompagnement des États membres pour atteindre leurs objectifs climatiques, lit-on dans un communiqué de l’organisation. « Elle pourrait devenir l’entité de référence pour la Commission des États insulaires d’Afrique, apportant des solutions durables et innovantes aux problèmes environnementaux », indique la même source.
La nouvelle s’est invitée au dernier rendez-vous des chefs d’État et de gouvernement de la COI. Dans sa déclaration finale, l’organisation s’est félicitée de sa qualité d’« entité de mise en œuvre des financements du FVC et des opportunités ainsi offertes aux États membres de bénéficier des financements climatiques, en faveur de l’adaptation et de l’atténuation des effets du changement climatique ».
Paiement de la dette climatique et écologique envers les peuples de l’océan Indien
Le Mouvement des peuples de l’océan Indien (MPOI) demande à avoir droit au chapitre dans ce contexte d’euphorie. « Nous sommes des citoyens des îles de l’océan Indien occidental et nous en représentons la diversité : peuples autochtones, migrants, jeunes, paysans, femmes rurales, pêcheurs, travailleurs salariés, artisans, artistes et intellectuels », dit-il dans une publication mise en ligne le 24 avril.
Le 24 avril, le MPOI a tenu à Antananarivo sa quatrième conférence internationale, parallèlement aux retrouvailles de la COI. Dans sa déclaration, au chapitre des enjeux climatiques, le mouvement a exigé le paiement par les pays du Nord de la dette climatique et écologique envers les peuples de l’océan Indien.

La ministre des Affaires étrangères de Madagascar, Rafaravavitafika Rasata, a abondé dans le même sens, au cours d’une rencontre avec la presse dans la matinée du 28 avril. Selon la cheffe de la diplomatie malgache, l’attente de la volonté politique des grands pollueurs conditionne l’accès du pays au financement du FVC.
Répondant à une question de Mongabay, elle a dit : « Le président Rajoelina a toujours demandé aux pays développés l’effectivité de cette volonté politique au profit des pays comme le nôtre. Ils sont parmi les plus durement affectés en étant de petits pollueurs et même des sauveteurs de la planète au plan écologique ».
En attendant cette hypothétique volonté politique, l’éminent primatologue malgache Jonah Ratsimbazafy suggère à son pays de revoir son mode de gouvernance, en adoptant l’esprit d’entreprise et en se débarrassant de l’esprit d’épicier. D’après lui, l’esprit d’entreprise permet au Costa Rica d’engranger 4 milliards USD par an grâce au tourisme. « Pourtant, ce pays d’Amérique centrale est loin d’avoir la biodiversité de notre île », dit-il.
Le problème de l’île aussi réside dans le flagrant déficit de données et de preuves pour éradiquer la pauvreté extrême. Pour combler le vide, le Programme DEEP, visant les chercheurs et les acteurs du développement nationaux, en collaboration avec l’ONG Arake basée à Antananarivo, les invite à trouver des solutions pragmatiques. L’appui financier dans ce cadre varie de 13 360 à 66 797 USD pour chaque bénéficiaire.
Le changement climatique et la réduction des risques de catastrophes, figurent en tête de liste d’une dizaine de champs de recherche prioritaires dévoilée lors du lancement de l’initiative à Antananarivo le 29 avril. Le Bengladesh, l’Inde, le Mozambique, le Nigeria, l’Ethiopie, le Myanmar et la Tanzanie aussi sont dans le viseur.
Image de bannière : Le président français Emmanuel Macron et son homologue malgache Andry Rajoelina, au palais d’État d’Iavoloha, dans la banlieue sud d’Antananarivo, le 23 avril 2025. Image de Hervé Leziany fournie par Rivonala Razafison.
Citations :
Deuxième Contribution déterminée au niveau national de la République de Madagascar au titre de l’Accord de Paris. Novembre 2022 [version PDF disponible sur www.environnement.mg]
Ve Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Commission de l’océan Indien. Déclaration finale, 24 avril 2025 | Antananarivo, République de Madagascar [https://www.commissionoceanindien.org/wp-content/uploads/2025/04/250424_Declaration-finale-du-Ve-SOMMET-DE-LA-COI.pdf]
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