- La décision, prise par Donald Trump, tout juste investi 47e président des États-Unis, est fermement dénoncée par l’Afrique, plus vulnérable aux effets du changement climatique mondial.
- Les États-Unis font pourtant partie des plus gros pollueurs de la planète avec la Chine.
- Les politiques, les ONG et les experts du continent africain examinent les contours de cette décision aux conséquences désastreuses pour la planète, engagée dans une lutte déterminée pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique.
L’Afrique n’est pas restée insensible à la décision prise par Donald Trump de retirer son pays de l’Accord de Paris sur le climat, adopté en 2015, lors de la COP21, par les 196 Parties de la Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques, aussitôt après son installation comme 47e président des États-Unis, lundi 20 janvier 2025. Cette décision qui n’est pas nouvelle de la part de Trump, qui l’avait déjà expérimentée, lors de son premier mandat à la Maison Blanche (2017-2021), suscite de vives critiques dans le monde, particulièrement en Afrique, le continent le plus vulnérable aux effets du changement climatique.
Le directeur exécutif de l’Alliance Panafricaine pour la Justice Climatique (PACJA sigle en anglais), une coalition continentale d’organisations de la société civile africaine pour la justice environnementale et climatique, représentée dans plus de 45 pays en Afrique, Dr Mithika Mwenda, juge la décision de Trump à la fois « imprudente et préjudiciable » pour la planète.
Il l’a fait savoir dans une déclaration, rendue publique par son organisation, le 21 janvier 2025. « Elle envoie un message dangereux au reste du monde, notamment aux communautés les plus vulnérables d’Afrique et du Sud (global), que certaines des nations les plus riches ne s’engagent pas à respecter les engagements mondiaux. En tant que continent, l’Afrique subit déjà les effets dévastateurs du changement climatique, et cette décision ne fait qu’accentuer les inégalités qui existent dans le cadre de la crise climatique », dit-il.

L’Afrique est l’une des principales victimes collatérales des gros pollueurs de la planète, en tête desquels figurent les États-Unis et la Chine. Ces deux pays sont respectivement responsables de 11 % et de 30 % des émissions totales de gaz à effet de serre de la planète, selon les statistiques de la base de données indépendante EDGAR (Emissions Database for Global Atmospheric Research) de l’UE, publiées en 2023. L’Inde et l’Union européenne les talonnent, avec respectivement 8 % et 6 %.
En clair, ils ont une grosse part de responsabilité dans le réchauffement de la planète. Le continent africain subit de plein fouet les conséquences de leurs actions, et est régulièrement confronté aux vagues de chaleur intense, aux inondations, à la dégradation de ses sols, entrainant des pertes inestimables de ressources naturelles, qui exacerbent l’insécurité alimentaire et occasionnent des conflits et des migrations.
L’Afrique est engagée dans la transformation d’une planète plus verte et œuvre pour la préservation de ses écosystèmes naturels, ses forêts luxuriantes, ses tourbières, ses mangroves, ses mers et océans, sa biodiversité, pour offrir au monde une planète plus viable.
En retour, elle doit recevoir des compensations financières de la part des pays industrialisés, réputés grands pollueurs, pour continuer à maintenir ses actions climatiques en faveur de la planète.
Dans un contexte où la mobilisation des financements devient de plus en plus complexe pour faire face au défi climatique, le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, pourrait induire une rareté de financements américains. C’est du moins ce que pense l’expert en Finance climatique, Blondel Silenou.
« L’une des conséquences que je vois venir à l’horizon, c’est une rareté de financements américains sur la problématique de la lutte contre le changement climatique. Ce qui risque d’être assez complexe pour l’Afrique et les pays du bassin du Congo en particulier, quand on sait que, pour la mise en œuvre d’activités, les partenaires américains constituent, pour bon nombre, des partenaires clés dans la lutte contre les changements climatiques », a-t-il dit à Mongabay, au téléphone.
Le républicain Donald Trump soutient l’idée qu’il ne sacrifiera pas l’émergence des industries américaines, engagée dans la production des énergies fossiles, un levier important, selon lui, pour la croissance économique de son pays, contre la lutte universelle pour le sauvetage de la planète, en proie à une crise climatique sans précédent. Il a aussi appelé les agences fédérales à rejeter les engagements internationaux pris en faveur du climat.

Remobilisation collective pour l’action climatique
Une position que ne partage pas le Président du groupe africain des négociations sur le climat à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, le Kenyan Ali Mohamed. « Le leadership des États-Unis est essentiel pour mobiliser le financement de la lutte contre le changement climatique, faire progresser les transitions vers des énergies propres et garantir la mise en œuvre équitable des objectifs climatiques mondiaux », a-t-il dit, à Mongabay, dans un courriel. « Il est tout aussi important de promouvoir le multilatéralisme comme fondement de la lutte contre le changement climatique et d’autres défis mondiaux », a-t-il précisé.
Amos Burudi Wemanya, Responsive Campaign Lead à Greenpeace Afrique, a une grille de lecture plutôt différente. Il pense que cette sortie des États-Unis offre plus que jamais l’occasion à l’Afrique de prendre le leadership de la transition énergétique mondiale, forte de son immense potentiel en énergies renouvelables.
« L’Afrique est riche en potentiel solaire, éolien et géothermique (…). Grâce à ses abondantes ressources en énergies renouvelables et à ses innovations croissantes, elle a une occasion unique, non seulement de faire progresser son propre avenir énergétique, mais aussi de donner l’exemple au niveau mondial en matière de justice climatique et de développement durable », dit Wemanya dans un commentaire partagé à Mongabay.
Il soutient que la résilience et le potentiel de l’Afrique à jouer un rôle de premier plan dans l’avenir de la planète doivent être amplifiés. Il en appelle à la collaboration, à la solidarité et à une vision collective en faveur de l’action climatique.
Silenou pense que les autres Parties signataires de l’Accord de Paris doivent relativiser ce revers des États-Unis et ne pas se détourner des objectifs mondiaux de lutte contre le changement climatique, ce d’autant plus que Trump n’est pas à son premier coup.
Pour l’expert camerounais, « il faudra que d’autres partenaires au développement puissent redoubler d’efforts pour que les cagnottes soient davantage fournies et qu’elles permettent au mieux de juguler l’absence américaine. On en a pour 4 ans, tout au plus 8 ans et je crois qu’on pourrait revenir à un autre gouvernement américain plus climato-sensible », dit-il.

Pour sa part, Dr Baomiavotse Vahinala Raharinirina, ancienne ministre de l’Environnement de Madagascar et ancienne négociatrice pour le continent africain et les États insulaires durant deux COPs Climat, pense que le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, symbole du « multilatéralisme par excellence », constitue un véritable recul pour la bataille engagée ensemble, entre les Nations, pour les générations futures.
« Mais il faut avancer, sans eux (États-Unis, Ndlr). Et espérer que les efforts des uns vont compenser ce recul », a dit l’experte internationale en développement durable, transition écologique et changement climatique, dans un entretien à Mongabay.
« L’espérance sera le remède. Continuer à avancer avec un gros handicap, tout en restant optimiste! Continuer à y croire à cet éveil des Nations », a indiqué Raharinirina, qui est aussi enseignante-chercheure à l’université de Fianarantsoa (Madagascar).
Il faut rappeler que l’Accord de Paris est un traité international, juridiquement contraignant sur les changements climatiques, signé par 196 États, lors de la COP21 à Paris, en France, en 2015, avec comme objectif de maintenir « l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels » et de poursuivre les efforts « pour limiter l’augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels ».
L’accord prévoit que les pays industrialisés s’engagent à apporter un soutien financier aux pays en développement, à travers des contributions volontaires, pour des réalisations en faveur de la lutte contre le changement climatique.
Image de bannière : Un village sous un arbre en Somalie. Image de Mulugeta Ayene /UNICEF via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
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