- Les 94 îles du lac Kivu, qui ont été jusqu’ici cartographiées, constituent un patrimoine naturel d’une valeur inestimable.
- Cette réserve naturelle en cours de création serait le cinquième Parc national du Rwanda.
- Le lac Kivu, le plus vaste au Rwanda compte une dizaine d’îles habitables essentiellement par les communautés de pêcheurs.
- Les chercheurs considèrent que les îles dans l’ensemble représentent une source de grande préoccupation en matière de conservation.
La nécessité d’élargir ses aires protégées en vue de contribuer à la protection de la biodiversité, a conduit le Rwanda à entamer la transformation d’une centaine d’îles du lac Kivu (Ouest) en réserves naturelles.
Ces zones maritimes éloignées, dont une vaste partie est constituée d’îles désertes à la frontière avec la République démocratique du Congo (RDC), sont désignées par les acteurs de la conservation comme des refuges pour de nombreuses espèces menacées.
Les récentes estimations du ministère rwandais de l’Environnement de juin 2025, montrent que 94 îles du lac Kivu, qui ont été jusqu’ici cartographiées, constituent un patrimoine naturel d’une valeur inestimable, avec des espèces animales et végétales uniques, capables de booster l’écotourisme au profit de la conservation et de ces écosystèmes.
Alors qu’il existe des populations autochtones qui sont établies sur les 12 îles habitables dans la partie rwandaise du lac depuis des générations, le relogement et la démolition des habitations de fortunes appartenant à cette partie de la population, figurent parmi les priorités de cette campagne annoncée par le gouvernement en juin dernier.
« Nous nous sommes fixés un objectif de créer une zone protégée susceptible de devenir un parc national [au milieu du lac Kivu] d’ici à 2028 », affirme Juliana Kangeli Muganza, directrice générale adjointe du Conseil de développement du Rwanda (RDB, sigle), qui a annoncé cette décision, le 16 juin dernier, devant le Sénat.

Le schéma directeur, lancé en 2014, a jusqu’ici permis au Rwanda de générer 106 millions USD, en mettant un accent particulier sur la conservation des écosystèmes marines et le bien-être des populations locales.
« Les zones lacustres sont des lieux à fort potentiel, en termes de conservation de la biodiversité, et représentent des endroits stratégiques d’attraction pour les touristes », a ainsi affirmé Muganza, lors d’une audience le 16 juin dernier, devant la Chambre haute du parlement rwandais.
Cette réserve naturelle en cours de création serait le cinquième Parc national du Rwanda. Ce pays d’Afrique centrale compte actuellement le Parc national des Volcans (Nord), le Parc national de Nyungwe (Sud-Ouest), le Parc national de l’Akagera (Est) et le Parc national de Gishwati-Mukura (Nord-Ouest).
Un rapport sur l’état des lieux des îles publié en 2024, par le ministère de l’Environnement, a recensé plus de 80 espèces d’oiseaux, 142 espèces de plantes, six espèces de mammifères, six espèces de reptiles et de nombreuses autres formes de vie, notamment dans le lac Kivu.
Certaines de ces espèces sont présentes uniquement au Rwanda et nécessitent des mesures de conservation urgentes. Il s’agit notamment de la mangouste des marais (Atilax paludinosus) et des espèces d’arbres rares comme le spurge « Euphorbia dawei », toutes deux nécessitant une protection exceptionnelle.
Des recherches menées depuis 2012, par le ministère de l’Environnement et l’Autorité de gestion de l’environnement du Rwanda (REMA), ont porté sur les écosystèmes lacustres avec un intérêt particulier sur le lac Kivu.

Les oiseaux rares
L’étude reconnaît certes les récents efforts consentis en 2025, qui ont abouti ainsi au lancement d’une cartographie numérique à partir des données satellitaires, permettant pour la première fois, de mieux identifier les îles les plus petites et qui étaient auparavant négligées dans la partie rwandaise de ce lac à cheval entre la République démocratique du Congo et le Rwanda.
Cette étude a recensé plus de 60 espèces d’oiseaux, dont le souimanga à poitrine rouge (Nectarinia senegalensis), le pic cardinal (Dendropicos fuscescens) et l’ouette d’Égypte (Alopochen aegyptiacus).
Les résultats de cette recherche ont montré que les zones marécageuses au milieu du lac Kivu abritent des espèces d’oiseaux telles que le martin-pêcheur pygmée (Ispidina picta) et l’œdicnème vermiculé (Burhinus vermiculatus).
Les îles abritent également des roussettes, des reptiles comme le cobra des forêts (Naja melanoleuca) et une flore abondante, dont certaines sont rares ou menacées.
Les principales espèces végétales comprennent Psydrax parviflora, Phoenix reclinata (palmier dattier du Sénégal) et Capparis tomentosa, connu pour ses vertus médicinales. La flore indigène comprend également les flamboyants d’Abyssinie (Erythrina abyssinica), Carissa spinarum et Vachellia sieberiana.
Une étude, publiée en octobre 2024, dans la revue scientifique Nature, indique que les représentent une source de grande préoccupation en matière de conservation, compte tenu des nombreux animaux endémiques actuellement menacés de disparition.
Parmi ces espèces endémiques, 51 % sont menacées, et 55 % de toutes les extinctions mondiales documentées se trouvent sur des îles dont celles du lac Kivu en Afrique centrale.

Préserver les écosystèmes insulaires fragiles
Dr Julian Schrader, enseignant à l’École des sciences naturelles de l’université Macquarie, à Sydney, en Australie et co-auteur de cette étude affirme que des mesures urgentes, notamment la restauration de l’habitat, l’élimination des espèces envahissantes et des programmes ex situ – avec la réintroduction en nature si l’espèce a disparu – sont nécessaires pour protéger la faune et la flore insulaire.
« Le caractère unique de la vie insulaire pour chaque région souligne le besoin urgent de prendre des mesures pour la préservation de ces zones lacustres », affirme-t-il à Mongabay.
Toutefois, les acteurs de la conservation au Rwanda déplorent que jusqu’à ce jour les communautés locales continuent de s’installer illégalement sur certaines îles désertes du Lac, ce qui rend difficile la tâche de les déloger en vue de préserver ces écosystèmes insulaires fragiles.
Un décret ministériel sur les conditions de l’exploitation des îles du Lac Kivu pour booster l’écotourisme, a été préparé et sera soumis en Conseil des ministres en juillet.
En vue d’accélérer la mise en œuvre de cette nouvelle décision, la commission du Senat rwandais, chargée des affaires sociales et des droits de l’homme, a effectué des descentes sur terrain, en vue d’évaluer le potentiel en matière de tourisme durable et de conservation sur les îles reculées du lac.

Dr Jean Pierre Dusingizemungu, membre du Senat estime que la plupart des îles [du lac Kivu] possèdent un riche patrimoine représentant un atout pour maximiser des revenus touristiques dans le pays.
« La plupart de ces insulaires sont installées dans des zones à haut risque, ce qui augmente leur exposition à d’éventuelles catastrophes naturelles, d’où la nécessite de leur relogement », dit-il à Mongabay.
Professeure Beth Kaplin, chercheuse principale au Centre d’excellence en biodiversité et gestion des ressources naturelles à l’université du Rwanda depuis 2017, estime que le lac Kivu, malgré le gaz méthane dans ses eaux profondes, reste l’un des lieux appréciés et propices à de nombreuses activités économiques.
« Si ces activités ne sont pas pratiquées dans le respect de la nature, elles peuvent perturber la faune et la flore notamment pour les insulaires ».
Image de bannière : Les petites îles de la partie rwandaise du lac Kivu, comme Bugarura ont une riche biodiversité composée d’espèces végétales, d’oiseaux, d’invertébrés, de mammifères, de reptiles, d’amphibiens et de poissons. Image du ministère de l’Environnement du Rwanda fournie par Aimable Twahirwa.
Citation :
Schrader, J., Weigelt, P., Cai, L. et al. (2024). Islands are key for protecting the world’s plant endemism. Nature, 634, 868–874 https://doi.org/10.1038/s41586-024-08036-1
Le Rwanda s’engage à prévenir les risques écologiques liés au gaz méthane dans le lac Kivu
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