- Les vautours charognards jouent un rôle important, mais parfois méconnu, pour la protection de l’environnement. Ils consomment d'énormes quantités de déchets des carcasses, et cela permet d'éviter l’accumulation des chairs en décomposition dans les écosystèmes. Leur absence rendrait la décomposition des carcasses trois fois plus longue.
- L’espèce est aujourd’hui en danger critique d’extinction à cause notamment des empoisonnements, du trafic pour le fétichisme et des fortes pressions humaines, qui ont aussi entraîné un changement de comportement chez ces oiseaux devenus de plus en plus méfiants envers l’homme.
- Irène Blondelle Kenfack, l’une des principales expertes des vautours au Cameroun et membre du groupe de spécialistes de l’UICN sur cette thématique, pose des traqueurs solaires sur ces oiseaux, afin d’identifier leurs sites de nidification et de repos, des informations essentielles pour leur conservation.
- Elle accompagne ce travail scientifique d’actions de sensibilisation sur le terrain, en informant les communautés vivant autour des abattoirs de l’importance des vautours et des menaces qu’ils subissent, ce qui commence à faire évoluer les perceptions et les comportements locaux.
Irène Blondelle Kenfack est une ornithologue camerounaise spécialisée dans l’étude et la conservation des vautours, particulièrement des vautours charognards. Elle est aujourd’hui l’une des principales expertes des vautours au Cameroun et la seule camerounaise membre du groupe de spécialistes de l’UICN sur cette thématique.
Doctorante à l’université de Dschang à l’ouest du Cameroun, elle consacre sa thèse sur le statut de ces espèces en danger critique d’extinction dans le pays. Son projet actuel consiste à poser des traqueurs solaires sur les vautours charognards, afin d’identifier leurs sites de nidification, de repos et d’alimentation, encore largement méconnus au Cameroun. L’objectif est de sécuriser ces zones sensibles et d’améliorer les connaissances nécessaires à leur protection. Kenfack combine collecte des données écologiques, sensibilisation communautaire et plaidoyer pour informer les populations sur l’importance écologique des vautours. Ces oiseaux, bien que familiers du paysage africain, remplissent un rôle écologique souvent méconnu dans les écosystèmes, en éliminant les carcasses et en limitant la propagation des maladies.
Dans cette interview accordée à Mongabay, l’experte parle de son enquête sur le trafic illégal et les pratiques de fétichisme contribuant au déclin des vautours charognards, des résultats de ses sensibilisations et du changement de comportement de ces oiseaux devenus de plus en plus méfiants envers l’homme, signe direct des pressions qu’ils subissent sur le terrain.

Mongabay : En quoi consiste le projet de poses de traqueurs sur les vautours ?
Irène Blondelle Kenfack : Le projet consiste à identifier les sites d’alimentation, de nidification et les sites de repos des vautours charognards, afin de dégager des stratégies de protection efficaces et de contribuer à leur conservation. On a très peu d’informations sur les lieux où on peut les retrouver, on se base plus sur les sites d’alimentation qui sont des abattoirs pour les repérer. Mais en dehors de ces lieux, on n’a pas beaucoup d’autres informations pour savoir où ils sont, où ils vont après. Donc, le but, c’est d’avoir une idée des points de repos et des sites de nidification de ces espèces, afin de sécuriser ces lieux.
Mongabay : Comment posez-vous les traqueurs ? Vous les immobilisez et vous posez une puce sur eux ? Expliquez-nous.
Irène Blondelle Kenfack : D’abord, il faut piéger les espèces, généralement, avec de la viande. C’est une activité qui requiert beaucoup de persévérance et de patience, car elle est loin d’être évidente. Lorsque l’espèce s’approche du piège placé pour se nourrir, il se fait prendre. On le saisit par la suite et on fixe le transmetteur sur le dos, on le libère. Il y a plusieurs types de transmetteurs. Ceux que nous avons choisis sont dans la catégorie « Technologie de suivi cellulaire » : ce sont de petits appareils fonctionnant avec l’énergie solaire. La méthode utilisée est celle recommandée par le groupe des spécialistes des vautours de l’IUCN.
Mongabay : Vous avez un nombre prévu pour cette tâche ?
Irène Blondelle Kenfack : On a un nombre de cinq, parce que le matériel est très coûteux et le financement se fait rare pour l’acquérir.
Mongabay : Comment faites-vous le suivi après la pose des traqueurs ?
Irène Blondelle Kenfack : La compagnie qui a vendu les appareils à une plateforme web de suivi en ligne et octroie un compte et un mot de passe pour le suivi des espèces sur sa plateforme. Il y a surtout une application qu’on installe sur le téléphone pour le suivi cellulaire. Donc, on observe les mouvements en ligne, on a la position de l’espèce. Ils nous fournissent les informations sur l’environnement de l’espèce. On a pris un abonnement d’un an renouvelable, on a accès aux informations sur la période que dure l’abonnement ; après cela, on renouvelle pour les années suivantes. La compagnie qui fabrique les appareils donne accès à ces données et nous faisons le suivi en ligne.
Mongabay : Qu’est-ce que vous cherchez à savoir exactement ? Là où ils vont ?
Irène Blondelle Kenfack : Oui, on aimerait savoir où ils vont, parce qu’au Cameroun, on n’a pas assez d’informations sur les sites d’alimentation, de nidification et les sites de repos des charognards, ce qui est nécessaire pour une meilleure protection de ces espèces en voie de disparition. On a des informations pour ce qui concerne les vautours africains, puisque j’ai eu à travailler dessus en 2021 autour des parcs de la Bénoué et de Bouba Njida, dans les zones de chasse. On a identifié quelques sites de repos et des sites de nidification. On n’a pas assez d’informations pour ce qui est des vautours charognards, qui sont le groupe ayant subi le déclin le plus marqué, parce qu’ils viennent un peu trop près des humains et qu’ils sont donc plus à risque que ceux qui restent dans les brousses.
Mongabay : Pour ce projet, vous travaillez sur les vautours charognards : sont-ils différents des charognards ?
Irène Blondelle Kenfack : Je travaille sur les vautours en général avec un accent particulier sur les vautours charognards. On dit vautours charognards et non charognards, puisque le groupe de vautours a plusieurs espèces. Au niveau de l’Afrique, on a jusqu’à 11 espèces. Au Cameroun, on peut en trouver huit. Mais il y a six qui sont résidents, et sur les six, il y a quatre classées en danger critique d’extinction.
Mongabay : Lesquels ?
Irène Blondelle Kenfack : On a le vautour africain, le vautour charognard, le vautour de Rüppell et le vautour à tête blanche.
Mongabay : En quoi consiste votre mission générale de protection des vautours ?
Irène Blondelle Kenfack : Le travail de fixation des traqueurs concerne uniquement les vautours charognards. Mais dans mon travail en général, il y a une partie « sensibilisation » et cette partie inclut tout le groupe de vautours. Quand on effectue nos campagnes de sensibilisation, qui sont d’abord éducatives, on essaye d’échanger avec les locaux sur les différentes espèces qui existent, le rôle, l’importance de les protéger, les menaces qu’ils encourent actuellement et les solutions pour stopper le déclin. La partie sensibilisation couvre donc toutes les espèces, parce que la menace se pose de façon générale sur tout le groupe de vautours.
Je fais ce travail dans le cadre de ma thèse de doctorat en ornithologie, option écologie appliquée et gestion de la faune au département de biologie animale de l’université de Dschang. Et comme dans une thèse il faut être spécifique dans les travaux, je me suis axée sur le vautour charognard. Mais, dans les travaux précédents, j’avais travaillé sur les vautours africains qui sont un peu plus volumineux que les vautours charognards.

Mongabay : Avez-vous une idée du nombre de vautours actuellement présents au Cameroun ?
Irène Blondelle Kenfack : Pour les vautours africains, on a des centaines. Pour ce qui est des vautours charognards, c’est difficile à préciser. Suite à l’enquête que j’ai menée pour déterminer l’attitude et la perception des populations locales vis-à-vis de ce groupe d’espèces, beaucoup ont constaté une disparition dans les abattoirs à l’ordre de 100 pour 100. Il y a des endroits où ils ne sont plus du tout visibles, on ne les observe même plus. Dans les localités où on les observe, on peut voir 3 à 5 individus seulement. J’ai rencontré un seul site l’année dernière où j’ai pu identifier plus de 10 individus. C’était le maximum que j’avais pu observer.
Mongabay : C’était quel site ?
Irène Blondelle Kenfack : C’était dans la Bénoué. Depuis là, je suis en contact avec des personnes du site. Elles m’ont fait comprendre que l’effectif de l’année dernière a également réduit. Ces jours-ci, je vais descendre également sur le terrain pour confirmer ces propos et les comparer avec les anciens chiffres.
Mongabay : Vous avez parlé de sensibilisation, quel rôle les vautours charognards jouent-ils dans la conservation ou la biodiversité ?
Irène Blondelle Kenfack : Ils limitent la propagation des maladies entre les animaux et celle des animaux aux humains. Ils ont la capacité de détruire les agents pathogènes et les bactéries pathogènes présentes sur les restes qui, autrement, présenteraient des risques pour la santé humaine et celle des animaux. Les vautours consomment d’énormes quantités de charogne, des déchets des carcasses, et cela permet d’éviter l’accumulation des chairs en décomposition dans les écosystèmes. Ils participent donc au nettoyage de l’environnement. L’absence des vautours rendrait la décomposition des carcasses trois fois plus longue. J’avais demandé à la population si les vautours charognards sont utiles pour eux. Certains ont dit que ce n’était pas utile. D’autres ont dit que c’était utile. Comme ils n’ont pas de façon d’épurer les déchets après l’abattage des bœufs ou du petit bétail, ce sont les vautours qui s’occupent de nettoyer de tout ça.
Les vautours font partie intégrante des écosystèmes sains, et leur absence pourrait avoir un effet d’entraînement sur d’autres espèces qui en dépendent, sans compter également que leur disparition créerait un déséquilibre écologique. Avec la perte des vautours, il y aura une perte de recyclage des nutriments, un effondrement des écosystèmes, un déséquilibre écologique et une perturbation du processus naturel qui pourraient avoir des impacts sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes. Protéger les vautours, c’est assurer la santé des écosystèmes.
Mongabay : Est-ce que les gens mangent des vautours ? Qu’est-ce qui explique leur déclin ?
Irène Blondelle Kenfack : Ils disparaissent pour plusieurs raisons. Une grande partie de la population que j’ai enquêtée ne mange pas les vautours, elle trouve que c’est un oiseau mystique. D’autres les utilisent dans la médecine traditionnelle, dans le fétichisme. Les vautours sont chassés pour des croyances traditionnelles.
Il y a beaucoup de fétichisme qui explique le déclin de cette espèce, mais il y a quand même un petit groupe qui en consomme. Il y a également des cas d’empoisonnements involontaires et volontaires. Dans les zones où j’ai eu à travailler, les chasseurs m’ont fait comprendre qu’à l’époque, il y avait beaucoup de vautours. Lorsqu’on dépeçait une carcasse ou qu’un bœuf mourait dans le parc ou dans les zones de chasse, les bergers craignaient de se faire repérer à cause des vautours. C’est-à-dire que quand on verrait des vautours, on saurait qu’il y a des bergers dans les environs. Et comme ces bergers pâturent souvent dans les zones interdites, ils préfèrent effacer leurs traces en empoisonnant la carcasse pour tuer les vautours qui viendront les consommer.
Mongabay : Selon vos enquêtes, le déclin des vautours au Cameroun date de quelle année ?
Irène Blondelle Kenfack : Le résultat qu’on a actuellement est un processus qui date d’environ 40 ans, avec toute une chaîne d’événements ayant eu lieu et ayant conduit à la situation critique actuelle.
Mongabay : Savez-vous, par exemple, d’à peu près combien d’individus on est passé à combien aujourd’hui ?
Irène Blondelle Kenfack : Il n’y a pas beaucoup de chiffres du passé dans la mesure où il n’y a pas d’études faites dans les années 1980 et autres. C’est vrai qu’il y a certains chercheurs et étudiants, qui ont travaillé dans des sites autres que les miens à l’Extrême-Nord du pays. Je me suis limitée dans la zone du nord, et je me suis beaucoup référée aux éléments d’enquête que j’ai effectuée auprès de la communauté locale, avec des questionnaires. De cela, dans les années 1980, il y avait beaucoup de vautours. Vers les années 1990, 1992, ils en observaient encore un peu. C’est vers les années 2000 qu’ils ont commencé à remarquer une chute drastique du nombre. Actuellement, on observe juste quelques individus. Dans le passé, la première cause de leur déclin était les empoisonnements ; ensuite, il y a eu le fétichisme.

Mongabay : Comment se passent vos observations en général ?
Irène Blondelle Kenfack : Pour observer les vautours charognards, il faut sortir tôt. Les abattages se font très tôt le matin, vers 6 heures, 7 heures. Une fois à l’abattoir, on observe les activités et on scrute le ciel et on observe. Une journée peut passer, tu n’observes rien du tout. Certains enquêtés ont signalé que ces vautours viennent parfois dans l’après-midi lorsque les gens sont déjà partis. C’est à ce moment que les vautours se sentent en sécurité pour s’approcher des carcasses. On prend la peine de patienter jusqu’à ce que la foule se réduise au strict minimum. Et jusque-là, on n’observe parfois rien. Par exemple, ici, à l’abattoir de Garoua où j’ai fait les observations, je n’ai rien observé, pourtant il y avait plein de vautours il y a des années. Ma dernière observation ici date de 2021 et j’avais vu juste deux individus. Depuis, je ne les ai plus vus ici, pourtant c’est l’abattoir où il y a le plus grand nombre d’abattages dans la région du Nord et, en principe, les vautours aussi vont vers les sites où il y a plus de disponibilité alimentaire. C’est juste la preuve que le site est de plus en plus dangereux pour ces espèces.
Mongabay : J’allais justement vous demander s’ils ont peur des hommes ou s’ils s’en rapprochent facilement ?
Irène Blondelle Kenfack : Ils ont peur des hommes. Mais, dans mes enquêtes, j’ai découvert que ça n’a pas toujours été comme ça : il y a eu un changement de comportement. Les anciens que j’ai interviewés m’ont fait comprendre que, dans les années 80, quand on marchait dans l’abattoir, ils étaient au sol comme des poulets. On devait même parfois les pousser pour se frayer le passage. Donc, à l’époque, ils étaient nombreux. Dans la cour de l’abattoir, on devait les chasser pour pouvoir travailler. Mais aujourd’hui, ils ne descendent plus quand il y a des humains, ils sont devenus très méfiants. Ils sont effectivement chassés. Nombreux sont piégés, il y a tout un tas de perturbations qu’ils ont subi.
Mongabay : Il y a tellement d’oiseaux, les colibris, les perroquets, etc. Pourquoi les vautours ? Qu’est-ce qui vous a attiré sur cette espèce ?
Irène Blondelle Kenfack : Je suis ornithologue junior, j’ai fait mes travaux de recherche sur les oiseaux, et les vautours entrent dans le groupe d’oiseaux. J’ai commencé par travailler sur les oiseaux des montagnes. Chemin faisant, suite aux échanges avec un camarade ami et d’autres collaborateurs, avec des conférences auxquelles j’ai participé, j’ai vu que la problématique des vautours s’est soulevée dans d’autres pays africains, et j’ai constaté qu’au Cameroun, on n’en sait pas beaucoup, qu’il n’y a pas assez de travaux dessus. Ayant vu le champ vide, je me suis lancée sur ce sujet, pour essayer de combler le déficit d’information qu’on avait sur ce groupe. Et ça tombait à point nommé pour me servir de sujet de thèse de doctorat.
Mongabay : Vous avez parlé des travaux précédents qui ont abouti à ce que vous faites maintenant. De quels travaux s’agit-il ?
Irène Blondelle Kenfack : Quand je parle des travaux précédents, je parle des autres projets que j’ai eu à mener, premièrement sur les données préliminaires d’évaluations de la population des vautours et l’engagement communautaire du Parc de la Bénoué et de Bouba Ndjida. J’ai mené l’enquête auprès des populations sur l’attitude et la perception des populations locales vis-à-vis des vautours, j’ai également fait une évaluation de la taille de la population avec la méthode des points de comptage et des trajets motorisés, qui consiste à rouler sur des pistes entre 20 et 30 km/h en observant les vautours de part et d’autre. C’est au cours de ce travail que l’alerte a été donnée sur le fort taux d’empoisonnement perpétré dans le passé. Après cela, j’ai voulu en savoir plus sur le circuit de trafic des vautours au Cameroun, puisqu’il y a tout un commerce qui se faisait autour. « Vautour en danger critique : commerce illégal et croyance traditionnelle », c’est le deuxième projet que j’ai eu à mener. J’ai essayé de ressortir le circuit de trafic de vautours au Cameroun. Le troisième projet sur lequel je suis maintenant vise à ressortir plus d’informations sur les sites clés qu’on doit identifier pour leur protection et également à sensibiliser, puisque les travaux précédents ont montré qu’il y a un gros manque de connaissances sur l’importance de ce groupe d’oiseaux. Beaucoup ne savent vraiment pas à quoi leur sert cette espèce, et ils ne s’en préoccupent pas. Il faut donner de l’importance à l’espèce, attirer l’attention des uns et des autres sur la situation critique de l’espèce, et ceci ne peut pas se faire sans le minimum qui est la sensibilisation, l’éducation. Le présent projet est un peu la continuité des autres et s’inscrit dans le sens des actions de conservation.
Mongabay : Avez-vous une cible particulière lorsque vous sensibilisez ?
Irène Blondelle Kenfack : Bien évidemment, on a une cible, parce que les vautours ayant subi des trafics, ce sont des espèces qui se sont retrouvées dans un site particulier et qui ont été capturées. On ne les a pas capturées n’importe où : ceux qui les traquent cherchent leur site d’alimentation. Donc, c’est sur les sites d’alimentation qu’il faut aller sensibiliser pour être sûr que le message va porter ses fruits. On a ciblé les abattoirs, tout le personnel du ministère de l’Élevage, des pêches et industries animales, qui travaille dans les abattoirs, tous les aides-bouchers, les chefs bouchers, les populations environnantes, ainsi que les représentants des chefs traditionnels, parce qu’il faut toujours un élément de la chefferie pour que le message soit vraiment appuyé et que ça passe mieux. Donc, la cible, c’est tous ceux qui travaillent dans les abattoirs, de façon formelle ou informelle.

Mongabay : Depuis combien de temps que vous travaillez sur la question des vautours charognards et qu’est-ce qui vous a le plus rendue fière ?
Irène Blondelle Kenfack : J’ai commencé à travailler sur le sujet en janvier 2021. Ce qui m’a le plus rendue fière dans tous ces travaux, c’est surtout l’identification des sites de repos et de nidification que j’ai eu à faire, parce que ce sont des éléments importants qui aident dans la conservation et la protection des espèces. L’année dernière, par exemple, j’ai identifié un site où on avait retrouvé jusqu’à 21 individus. On n’avait plus retrouvé autant d’individus sur un même site depuis des lustres. C’était un soulagement de savoir qu’il y a encore de l’espoir pour ce groupe. Il faudrait maintenant se rassurer que ce site soit sécurisé et que les interdits soient respectés. Je pense que le meilleur reste à venir avec ce projet de suivi avec les traqueurs, qui est une première au niveau des activités sur les vautours au Cameroun. Jusqu’à présent, je suis le point focal du groupe des spécialistes du vautour de l’UICN au Cameroun, donc l’expert des vautours au Cameroun, bien qu’il y ait aussi d’autres jeunes qui aient travaillé sur les vautours au Cameroun. Si tout se passe comme prévu pour le projet en cours, ce sera quelque chose de formidable et nouveau au niveau local pour la recherche et pour la conservation de cette espèce en voie de disparition.
Mongabay : Quels sont les changements de comportement que vous observez à l’issue des sensibilisations ?
Irène Blondelle Kenfack : Beaucoup font des feedbacks. Parmi les gens que j’ai sensibilisés, il arrive que quelqu’un m’appelle pour me dire « j’ai vu ton oiseau là, à tel endroit ». Avant, il n’y avait pas ce genre d’action, mais maintenant, beaucoup s’y intéressent. Ils observent les oiseaux et certains arrivent même déjà à reconnaitre les différentes espèces de vautours. Les responsables d’abattoirs sensibilisent aussi leur personnel et leur disent qu’il est interdit de capturer les vautours charognards, tout comme certains chefs traditionnels et leurs représentants.
Mongabay : Comment financez-vous toutes ces recherches ?
Irène Blondelle Kenfack : La recherche que j’ai effectuée sur les données préliminaires d’évaluation de la population des vautours et l’engagement communautaire aux alentours des Parcs de la Bénoué et de Bouba Ndjida a été financée en 2020 par la Fondation Rufford. Le deuxième projet sur le circuit de trafic des vautours, « Vautour en danger critique : commerce illégal et croyance traditionnelle », a été financé par le CARN Aspire Grant Program. Celui en cours sur l’identification des points chauds de risque de persécution pour lutter contre le trafic des vautours charognards est la deuxième aide, dont j’ai bénéficié de la part de la Fondation Rufford. Je tiens à remercier ces deux organisations pour leur soutien. J’ai eu le second financement de la Fondation Rufford du projet sur les vautours, grâce au soutien de la plateforme Friday4birds qui est portée par l’institut ornithologique suisse. Je voudrais aussi remercier Dr Elizabeth Yohannes, chercheure et cheffe de projet à la Station ornithologique suisse, qui a donné beaucoup de son temps, pour réviser mon projet et m’a prodigué des recommandations pour bien le mettre en avant.
Le travail sur l’amélioration du statut de conservation des vautours au Cameroun reste un vaste champ, qui requiert énormément de soutien pour couvrir toute la zone de distribution de ce groupe, afin de capitaliser les efforts déjà fournis.
Image de bannière : Irène Blondelle Kenfack, ornithologue camerounaise, Doctorante à l’université de Dschang à l’ouest du Cameroun. Image d’Irène Blondelle Kenfack avec son aimable autorisation.
Cameroun : Une ornithologue sauve les vautours, agents d’entretien des écosystèmes
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