- En avril dernier, une espèce de caméléon en danger critique de disparition est réapparue sur le littoral sud-ouest de Madagascar.
- Pour la première fois, la science s’intéresse à ce vertébré terrestre endémique de l’île dans les années 1970.
- Sa population réduite et confinée à une petite portion d’espace, attenant d’un grand projet minier américain controversé, est sujette à plusieurs menaces potentielles.
- La reproduction ex situ est parmi les mesures de conservation envisagées pour assurer la survie de l’espèce.
ANTANANARIVO, Madagascar — Fin avril dernier, l’espèce de caméléon en danger critique d’extinction Furcifer belalandaensis, est réapparue au grand bonheur des chercheurs et des étudiants de l’université de Mahajanga, au Nord-Ouest de Madagascar, et des organisations œuvrant pour la préservation de la nature dans le monde.
Une équipe de chercheurs et d’étudiants est tombée sur deux mâles et une femelle sur le littoral sud-ouest de l’île, et ce, après six mois de recherche intense sur le terrain. Ces trois spécimens sont des perles rares.
« Je travaille sur les caméléons du Sud-Ouest du pays pour ma thèse qui porte sur deux espèces : la F.belalandaesis et la Furcifer tuzetea. La première a été décrite, pour la première fois, en 1972, tandis qu’il n’y a pas de données disponibles sur la seconde », a dit au téléphone à Mongabay Hajaniaina Rasoloarison, doctorant en biologie de la conservation animale à l’université de Mahajanga, en cotutelle avec l’université de Bourgogne, en France.
Depuis novembre, il est sur le terrain avec des étudiants préparant leur master en biologie qu’il encadre. Son travail est appuyé par le Conservation Leadership Programme, un consortium associant Fauna & Flora, BirdLife International et Wildlife Conservation Society.
Endémique de Madagascar, la F.belalandaesis est confinée uniquement à une petite portion d’espace d’environ 4 km², ou vraisemblablement de moins de 100 km², sur le littoral sud-ouest de l’île, à une altitude de 18-20 mètres, d’après un rapport d’évaluation.
Sa population, déjà réduite, a encore été sujette à une collecte illégale, et 185 individus de ce vertébré terrestre, ont été exportés avant la suspension de son commerce en 1994.
Le reptile est connu sous le nom de caméléon de Belalanda, une petite commune rurale située au nord de la ville de Toliara et à proximité du projet minier à intérêt américain controversé Base Toliara, vu comme une opportunité et une menace pour la zone à l’avenir.
Jusque-là, la F.belalandaesis a été repérée à Belalanda et aux environs d’un petit village appelé Sakabera. Pourtant, la récente découverte a été rapportée à un endroit situé à 5 kilomètres à vol d’oiseau de là, au bord du fleuve de Fierenana et à l’intérieur de l’aire protégée de Ranobe PK32.
« Nous avons trouvé les trois individus dans un écosystème relativement dégradé. Il n’y en a pas dans la forêt intacte. Il y aura des explications écologiques à fournir dans des publications ultérieures à ce propos », a affirmé Rasoloarison.
La perte d’habitat naturel, principalement causée par les feux et le défrichement systématique, constitue la plus grande menace sur la survie de l’espèce. « Le changement climatique aussi la menace possiblement. L’espèce ne vit plus aux endroits habituels. Selon les prédictions, le réchauffement planétaire pousse les espèces à se réfugier dans des niches qui leur conviennent », a expliqué le jeune chercheur.

En outre, la collecte aurait notablement réduit la population du reptile. Un autre caméléon vulnérable du nom scientifique de Furcifer antimena, dont la commercialisation est autorisée sous réserve de respecter le quota annuel, lui ressemble du point de vue morphologique. « Il se pourrait que les gens confondent les deux espèces », a dit le chercheur.
Au même titre que l’iguane bleu (Cyclura lewisi), en danger critique de disparition de l’île Grand Cayman, aux Caraïbes, la F.belalandaesis a dû faire l’objet d’une stratégie de conservation de cinq ans à partir de 2012, après une évaluation réalisée, un an plus tôt, par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Des discussions sur l’élevage en captivité ont alors eu lieu. « Il est extrêmement rare de rencontrer le caméléon de Belalanda dans la nature », a dit au téléphone à Mongabay Christian Randrianantoandro, un herpétologiste qui a participé à l’évaluation.
Insuffler des mesures de conservation
À présent, la recherche sur le terrain, avec l’aide de la communauté, se poursuit. « La découverte des trois individus est déjà un bon signe indiquant que l’espèce existe toujours. Il nous reste à déterminer la taille de sa population, afin d’insuffler des mesures de conservation temporaires », a dit Rasoloarison.
L’effectivité d’une reproduction ex situ est dorénavant la finalité de sa démarche. Un long chemin se dresse devant lui avant d’y parvenir. La délimitation de l’aire de distribution de l’espèce s’impose, outre le suivi écologique.
Heureusement pour le chercheur, il s’occupe en même temps de la mise à jour du plan d’aménagement de l’aire protégée de Ranobe PK32, qui sera, d’une manière ou d’une autre, affectée par le projet minier Base Toliara. La société prévoit d’y construire une route pour le besoin de son activité extractive.

La redécouverte de la F.belalandaesis doit susciter la redynamisation de l’écotourisme au niveau local au profit de la communauté. « D’après nos enquêtes, ce vertébré figure parmi les espèces tant prisées par les nombreux visiteurs internationaux qui viennent dans la région », a affirmé le doctorant.
« Nous envisageons d’ores et déjà de mettre en œuvre un projet de conservation », a dit à Mongabay Pr Nirhy Rabibisoa, herpétologiste à l’université de Mahajanga et directeur de recherche de Rasoloarison, contacté sur WhatsApp.
Partant, le lieu de découverte du reptile menacé de disparition doit être reclassé noyau dur du site de conservation de Ranobe PK32.
La redécouverte du caméléon de Belalanda, est une illustration parfaite que la destruction de la nature, est une menace pour les espèces vivantes non encore découverte à travers le monde.
Le monde compte 234 espèces de caméléons dont 98 sont endémiques de Madagascar. Près de la moitié de celles-ci est menacée, selon l’ONG Caméléon Madagascar.
Cette dernière a lancé un message éducatif en faveur de ces vertébrés terrestres, diffusé par Natiora Defenders, à l’occasion de la Journée mondiale du caméléon, le 9 mai.
Du 13 au 15 juin prochain, elle organisera à Amboasary Atsimo, dans le Sud de l’île, le premier festival dédié à ces animaux sauvages.
Image de bannière : Le monde compte 234 espèces de caméléons dont 98 sont endémiques de Madagascar. Image de Hajaniaina Rasoloarison fournie par Rivonala Razafison.
Citation :
Jenkins, R.K.B., Andreone, F., Andriamazava, A., Andriantsimanarilafy, R.A., Anjeriniaina, M., Brady, L., Glaw, F., Griffiths, R.A., Rabibisoa, N., Rakotomalala, D., Randrianantoandro, J.C., Randrianiriana, J., Randrianizahana , H., Ratsoavina, F., Raxworthy, C.J. & Robsomanitrandrasana, E. 2020. Furcifer belalandaensis (amended version of 2011 assessment). The IUCN Red List of Threatened Species 2020: e.T172740A176384736. https://dx.doi.org/10.2305/IUCN.UK.2020-3.RLTS.T172740A176384736.en
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