- Une étude révèle que les politiques de résilience côtière en Afrique de l'Ouest anglophone montrent des niveaux de développement variés, avec le Ghana en tête, grâce à des politiques plus complètes et intégrées, tandis que la Guinée est au bas de l’échelle.
- Des aspects importants comme les savoirs autochtones et les moyens de subsistance alternatifs sont largement négligés, malgré leur importance reconnue dans la littérature scientifique, pour renforcer la résilience des communautés.
- Les chercheurs recommandent une approche plus inclusive et fondée sur des données climatiques fiables, avec l’implication des populations locales et une coordination régionale renforcée, pour faire face efficacement aux menaces climatiques sur les littoraux.
Une étude, menée par des chercheurs au Royaume-Uni, indique que les politiques de résilience côtière en Afrique de l’Ouest anglophone sont inégalement développées et souvent incomplètes face aux impacts croissants du changement climatique.
Publiée en février 2025, dans la revue Marine Policy, l’étude montre que les politiques de résilience côtière sont vitales pour protéger les communautés côtières vulnérables et soutenir leur économie, tout en conservant des écosystèmes essentiels comme les mangroves et les zones humides.
L’analyse de documents de politiques de résilience côtière de la Gambie, du Ghana, de la Guinée, du Libéria, du Nigeria et de la Sierra Leone révèle des disparités importantes. Le Ghana adopte une approche relativement complète et intégrée, tandis que d’autres pays comme la Guinée ou le Nigeria présentent des lacunes marquées, notamment en ce qui concerne les moyens de subsistance alternatifs et la prise en compte des savoirs autochtones.
Le Ghana en modèle, la Guinée à la traîne
Concrètement, le Ghana se distingue nettement avec 11 documents politiques analysés, couvrant les six grands thèmes identifiés dans l’étude : moyens de subsistance alternatifs, données climatiques, résilience climatique, gestion institutionnelle, conservation des écosystèmes et savoirs autochtones. Le pays adopte stratégie de résilience côtière à long terme, intégrée dans ses plans de développement nationaux, ce qui en fait un exemple régional.
À l’opposé, la Guinée ne dispose que d’un seul document accessible en anglais, avec un contenu très limité sur la résilience côtière. Les thèmes comme les savoirs autochtones et les alternatives économiques à la pêche y sont pratiquement absents, ce qui place le pays au bas du classement établi par les auteurs.
« Le Ghana est en tête de classement grâce à son approche coordonnée qui intègre la durabilité et la résilience des zones côtières dans un large éventail de politiques plus générales. Quant à la Guinée qui se trouve au bas du classement, cela est dû à un manque d’accès aux politiques. Il est important de souligner que même si une politique est en place, le manque d’accès en limite l’utilisation », explique dans un courriel à Mongabay, Sian Davies-Vollum, professeure à l’université de Northampton et co-auteur de l’étude.

Le Nigeria, malgré un nombre important de documents disponibles, néglige totalement le thème des moyens de subsistance alternatifs et accorde peu d’attention aux savoirs autochtones. Cela traduit une approche sectorielle, où les différentes politiques ne sont pas toujours coordonnées entre elles.
La Sierra Leone, avec ses ressources limitées, montre une bonne volonté politique avec une politique nationale pour l’environnement côtier et des efforts vers une gestion intégrée des zones côtières. Elle aborde la plupart des thèmes, y compris les données climatiques et les écosystèmes, même si certains restent peu développés.
En Gambie, les politiques se concentrent surtout sur la pêche et le changement climatique, mais manquent d’une vision d’ensemble cohérente pour la résilience côtière. Le pays traite partiellement les enjeux climatiques, mais laisse de côté les questions de diversification économique et de savoirs locaux.
Enfin, le Libéria, bien qu’il dispose de plusieurs documents abordant la résilience côtière, notamment sur la pêche et le changement climatique, présente des politiques peu intégrées. Le pays reconnaît certains risques liés au climat, mais sans stratégie globale pour les zones côtières.
« Les connaissances indigènes comprennent la compréhension traditionnelle des systèmes côtiers et les pratiques culturelles qui ont été utilisées localement pour gérer ces systèmes, ainsi que l’expérience vécue par les communautés côtières. La recherche indique que les approches transdisciplinaires, qui utilisent une variété de sources de connaissances et d’interprétations, sont à la base de la gouvernance côtière la plus efficace dans les pays du Sud », dit Davies-Vollum pour expliquer quels types de connaissances auraient pu être mises en évidence.
Mongabay a constaté que les chercheurs ont choisi d’analyser les documents de politiques plutôt que des actions ou des projets concrets. Davies-Vollum explique cette orientation : « Les politiques sous-tendent les actions au niveau national qui sont mises en œuvre aux niveaux régional et local. Sans une politique forte, il est impossible de mettre en place les approches coordonnées nécessaires pour assurer la durabilité du littoral dans la région ».
Vers une résilience partagée
L’étude recommande l’adoption d’approches intégrées, à l’image du Ghana, en inscrivant ces politiques dans les plans de développement nationaux à long terme. Cette intégration permettrait une action plus cohérente et coordonnée. Il est également essentiel de renforcer la coordination intersectorielle, souvent défaillante comme au Nigeria, afin d’éviter des approches fragmentées, c’est-à-dire des interventions dispersées, menées séparément par différents secteurs sans vision commune ni synergie.

L’un des éléments centraux de l’étude est la notion de cohérence des politiques ou policy coherence, c’est-à-dire la capacité des différents secteurs (environnement, développement, pêche, agriculture, etc.) à coordonner leurs actions autour d’objectifs communs de résilience côtière. Cette cohérence est jugée essentielle pour éviter que les politiques soient développées séparément, sans coordination entre elles, sans synergies entre ministères ou programmes.
Les politiques côtières du Ghana favorisent la cohérence et l’allocation efficace des ressources.
À l’inverse, celles du Nigeria handicapent la mise en œuvre effective d’une stratégie cohérente de résilience côtière.
L’étude recommande explicitement de renforcer cette cohérence intersectorielle, notamment par des mécanismes de gouvernance transversaux et participatifs.
Emmanuel Diagbouga est expert en évaluation environnementale au Burkina Faso. Il pense que ces recommandations constituent une base stratégique solide pour améliorer la résilience des zones côtières et répondre de manière durable aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques de la région. « Elles proposent une approche cohérente face aux défis croissants du changement climatique. Intégrer la résilience dans les stratégies nationales de développement, plutôt que de la traiter comme une priorité isolée, permet d’assurer une action coordonnée et durable », dit-il au téléphone à Mongabay.
L’étude souligne en outre l’importance d’impliquer activement les communautés locales dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques, pour favoriser leur efficacité et leur appropriation par les populations concernées.
Par ailleurs, elle insiste sur la nécessité de valoriser les savoirs autochtones et de promouvoir des moyens de subsistance alternatifs, encore peu pris en compte dans des pays comme la Guinée et le Nigeria.
Une telle inclusion permettrait d’adapter les politiques aux réalités locales tout en diversifiant les ressources économiques. Les pays comme la Guinée et le Libéria sont également appelés à élaborer des politiques plus complètes, couvrant l’ensemble des enjeux de la résilience côtière.
Enfin, l’amélioration de la collecte et de l’utilisation des données climatiques est jugée indispensable pour servir de boussole aux stratégies de gestion des zones côtières.
« L’implication active des communautés locales, ainsi que la valorisation des savoirs autochtones, représentent des leviers essentiels pour garantir des politiques contextualisées, socialement acceptées et efficaces. Le renforcement des moyens de subsistance alternatifs est également crucial pour améliorer l’autonomie économique des populations côtières et réduire leur vulnérabilité. Par ailleurs, l’usage accru des données climatiques fiables et actualisées peut grandement contribuer à la planification et à la prise de décisions éclairées », dit Diagbouga.

Alex Sinandja est ingénieur agrométéorologue en service au Haut conseil pour la mer, une institution gouvernementale togolaise qui participe à la définition des orientations de la politique maritime du Togo. Il pense que les recommandations de cette étude englobent beaucoup d’aspects très intéressants. « Je trouve les recommandations très pertinentes et je pense que tout y est, surtout l’amélioration de la coordination des politiques entre différents secteurs. Au niveau côtier, il y a plusieurs secteurs qui se retrouvent : l’environnement, l’eau et même l’agriculture. Il est très important que des actions concertées entre ces secteurs puissent être bien organisées, afin de capitaliser le maximum possible sur ces actions pour éviter surtout les doublons, éviter de dupliquer les mêmes actions auprès des communautés », dit Sinandja au téléphone à Mongabay.
Sinandja explique qu’il y a déjà des actions concertées qui sont mises en œuvre au niveau sous-régional. « Mon pays, le Togo, qui est voisin du Ghana, subit fortement diverses formes de pression sur ses côtes. C’est pour ça que nous nous sommes intégrés dans la mise en œuvre du programme Waka. C’est un programme de gestion du littoral ouest-africain qui inclut beaucoup de pays, notamment le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, la Gambie, la Mauritanie, le Sénégal, etc. C’est un vaste programme qui nous permet, par le biais de certaines réalisations le long des côtes ouest-africaines, de venir à bout de l’avancée de la mer due à l’élévation du niveau de la mer », dit Sinandja.
Le but du programme Waka, selon lui, est d’éviter que les pays concernés essayent de mettre en oeuvre des initiatives individuelles.
À l’en croire, le Togo fait partie des pays qui subissent de fortes érosions côtières actuellement en Afrique de l’Ouest, avec un indice de vulnérabilité côtière très élevé. « Le programme permet aussi d’essayer de limiter certains dégâts liés aux catastrophes naturelles en zone côtière. Voilà un exemple de ce qui est mis en place actuellement au niveau sous-régional », dit-il.
Les chercheurs proposent d’étendre l’analyse aux pays francophones, pour une vision régionale plus complète. Ils expriment également le vœu de voir une amélioration dans la formulation des politiques. « J’espère que les politiques adopteront une approche de plus en plus intégrée, rassemblant les aspects de l’utilisation des ressources, du changement climatique, des déchets, de l’assainissement et de la pollution, de la gestion et de la conservation des habitats, de l’urbanisation, des infrastructures côtières et de l’économie bleue », conclut Davies-Vollum.
Image de bannière : Vue d’une zone côtière au large de la ville de Cape Coast au Ghana. Image de Erik Kristensen via Wikimédia Commons (CC BY 2.0).
Citation :
Backler, S., Davies-Vollum, S. K. & Raha, D. (2025). An evaluation of coastal resilience policies in Anglophone West Africa through a regional comparative analysis. Marine Policy, Volume 176. https://doi.org/10.1016/j.marpol.2025.106648.
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