- Le 21 avril 2025, le Parc national des Virunga, situé en République démocratique du Congo et considéré comme le premier parc naturel d'Afrique, a célébré son 100e anniversaire.
- Classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, le parc abrite des espèces rares et menacées telles que les gorilles de montagne, les chimpanzés et les okapis.
- Cependant, le parc, ayant un passé conflictuel, est menacé d'une part par la présence de groupes armés et d'autre part par la volonté du gouvernement congolais d'exploiter son pétrole.
« Pour moi, le 100e anniversaire du Parc national des Virunga est le fruit d’une résistance. Une résistance pacifique menée par des militants locaux et des défenseurs de l’environnement », déclare François Kamaté, militant écologiste et fondateur de la branche locale du mouvement Extinction Rebellion située à Rutshuru, aux abords du parc, en Afrique centrale.
Appelé à l’origine Parc national Albert, le Parc national des Virunga (PNVi), a été créé le 21 avril 1925, dans l’actuelle République démocratique du Congo (RDC), par décret royal de la Belgique, ancien pays colonisateur. Il s’agit du premier parc national d’Afrique. Il a été créé à l’origine pour protéger la faune et l’environnement de l’homme.
« À l’époque, l’idée était de garder la nature sous contrôle et d’éviter toute forme d’intervention humaine. En d’autres termes, pas de feu, pas d’exploitation forestière, pas d’intervention sur les animaux : nous laissions la nature évoluer », explique Jean-Pierre d’Huart, ancien conservateur scientifique du Parc national des Virunga et coéditeur d’un livre consacré au centenaire du parc.
En temps de paix, le parc est devenu bien plus qu’un simple lieu de recherche. Il constituait une attraction touristique majeure dans la région, notamment grâce à sa population de gorilles de montagne (Gorilla beringei beringei). Situé dans la zone du rift Albertin, à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda, le Parc national des Virunga est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979. Couvrant une superficie de 790 000 hectares, il est réputé pour la richesse de sa faune. Outre les gorilles de montagne, il abrite des animaux sauvages menacés tels que les chimpanzés (Pan troglodytes) et les okapis (Okapia johnstoni), une espèce extrêmement rare. Il abrite également la plus grande population d’hippopotames d’Afrique. Les montagnes des Virunga comprennent le mont Nyiragongo et le mont Nyamuragira, les deux volcans les plus actifs d’Afrique.

À ses débuts, le parc excluait la population locale, dont beaucoup dépendaient de ses ressources. La plupart des habitants ont été déplacés.
« Le temps a montré que cela ne suffisait pas. Les gestionnaires du parc ne peuvent pas dire : écoutez, notre rôle est de préserver ces habitats et ces espèces. Vos problèmes de développement, de pauvreté et de densité de population, qui dépassent nos limites, ne nous regardent pas ». Cela ne marche évidemment pas du tout comme ça, et depuis plusieurs décennies, le parc est devenu un véritable outil de développement qui apporte des moyens d’amélioration aux communautés voisines, grâce aux ressources qui s’y trouvent », explique d’Huart.
Outre le tourisme, la Fondation Virunga, chargée de la gestion du parc, a construit trois centrales hydroélectriques en 2018, générant 20 000 emplois et favorisant l’émergence d’autres entreprises autour du parc.
Cependant, l’histoire pèse sur le parc.
« Il s’agit d’un projet colonial. Il conserve une certaine dynamique coloniale, comme le fait que le responsable [du parc] est un prince belge [Emmanuel de Merode, directeur depuis 2008] », explique Bram Verelst, chercheur à l’Institut d’études de sécurité d’Afrique du Sud, spécialisé dans la dynamique des conflits et la consolidation de la paix dans la région des Grands Lacs, en Afrique de l’Est. « Le parc est parfois décrit comme une sorte d’État dans l’État, où la prise de décision et la manière dont il est géré ne sont que partiellement entre les mains du gouvernement et du peuple congolais. Une grande partie des décisions sont également prises dans les espaces européens ».

Bien que le parc soit sous autorité congolaise depuis l’indépendance du Congo en 1960, la Belgique continue d’y exercer une influence en envoyant des responsables et des scientifiques, comme Jean-Pierre D’Huart. En 2008, un partenariat public/privé a été signé avec la Fondation Virunga. La majorité des membres du conseil d’administration de la fondation sont européens, dont un ancien ministre belge de la Défense.
Le parc, tout comme la région, a connu un tournant après le génocide de 1994 au Rwanda, lorsque les miliciens hutus ont massacré 800 000 personnes, principalement des Tutsis, en cent jours. À la fin du génocide, près d’un million de personnes se sont réfugiées à Goma, en RDC. Bien qu’ils bénéficiaient d’une aide humanitaire, ces réfugiés dépendaient en partie des ressources du parc pour survivre. Peu après, le nouveau gouvernement tutsi du Rwanda s’est allié aux forces armées de l’Ouganda et du Burundi, ainsi qu’à des groupes armés congolais, pour envahir la RDC et renverser le régime de Mobutu Sese Seko, au pouvoir depuis 1965.
Certains des conflits armés qui sévissent actuellement dans l’Est de la RDC sont la continuation de la première et de la deuxième guerre du Congo (1996-1997 et 1998-2002). De nombreux groupes armés ont surgi de ce chaos. Parmi les plus connus, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et le Mouvement du 23 mars (M23), ont récemment pris le contrôle de la région. En effet, le M23 contrôle désormais plusieurs villes importantes autour du parc, comme Rutshuru, Rwindi, Sake et Masisi.

« Le parc devient en quelque sorte un espace d’insécurité, car il permet aux groupes armés de survivre et d’échapper aux opérations militaires », explique Verelst. « Cela a été le cas pour les FDLR, qui se trouvaient dans le parc, à Rutshuru, depuis des années. Aujourd’hui, elles ont été repoussées par le M23, mais aussi par les Forces démocratiques alliées (les rebelles ADF) ».
Verelst affirme que le parc a autorisé l’ADF, un groupe rebelle ougandais, à utiliser les immenses étendues sauvages « pour se cacher » et « subvenir à leurs besoins ». Dans ce contexte d’insécurité, le parc contribue à faire de certaines zones des « enclaves », davantage intégrées aux pays voisins (notamment l’Ouganda). C’est très clairement le cas de Watalinga (l’enclave la plus au nord), où l’insécurité des ADF dans le parc a isolé les populations des villes voisines (Beni, Butembo), favorisant l’utilisation du parc comme zone de contrebande internationale.
« Le parc est traversé par des routes commerciales qui permettent la contrebande. Il est facile de traverser la frontière entre la RDC et l’Ouganda et/ou entre la RDC et le Rwanda avec de l’or en poche, c’est très courant », explique Verelst. « Il peut aussi s’agir de corruption, en laissant passer des camions sans payer de taxes ».
La province du Nord-Kivu, où se trouve le Parc national des Virunga, regorge de ressources, qu’il s’agisse de charbon de bois, de terres arables ou d’animaux, ainsi que de ressources minérales essentielles comme l’or, le coltan, l’étain, ainsi que le tantale.
« En réponse à l’augmentation de la violence, les autorités du parc ont formé et armé des gardes. Situé dans une région touchée par un conflit armé, ce parc est occupé par des groupes qui le pillent, volent, kidnappent, violent et braconnent également. Les gardes ne peuvent plus être laissés comme avant, avec des arcs, des flèches et des lances », déclare d’Huart. Selon lui, il ne s’agit pas d’une « militarisation » de la conservation, mais d’un « professionnalisme ».
« Étant donné que les gardes sont bien encadrés, bien équipés et bien payés, ils protègent, non seulement le parc, mais également la population locale », ajoute d’Huart.

Pour Verelst, l’occupation du M23 pourrait toutefois marquer une nouvelle étape dans la gestion du parc.
« Cela soulève des questions intéressantes sur la gouvernance de la conservation », explique-t-il. « Que fera le M23, qui a bénéficié de certaines ressources ? Ils se sont présentés comme étant une alternative à l’État congolais et ont affirmé que les FDLR étaient responsables de la majeure partie du commerce du charbon de bois [dans le parc] ».
Selon Verelst, le M23 prétend que la conservation s’améliorera sous sa tutelle, même si, en général, « la rébellion armée est la pire chose qui puisse arriver pour la conservation ».
Il s’agit d’un constat partagé par les autorités du parc. Depuis la chute de Goma aux mains du M23, le braconnage s’est intensifié dans les zones que le groupe occupe. En plus des gardes armés, les autorités du parc ont mis en place un réseau de 110 pisteurs communautaires, afin d’assurer la protection de la faune, notamment des gorilles de montagne. Cependant, la menace qui pèse sur cette espèce persiste.
Outre les groupes armés, le parc est confronté à une autre forme de prédation : le pétrole présent sous ses forêts. En 2010, le gouvernement congolais a accordé à la compagnie pétrolière britannique Soco International les droits d’exploration d’un bloc pétrolier dans le parc. Suite à une mobilisation internationale, le projet a été abandonné en 2014.
Cependant, l’idée d’exploiter des hydrocarbures dans la région est toujours d’actualité.

En juillet 2022, le gouvernement de la RDC a annoncé qu’il mettait aux enchères des blocs d’exploration pétrolière et gazière, dont certains chevauchent le parc national. Ces ventes aux enchères sont également contestées par des défenseurs de l’environnement tels que François Kamate.
« Ce que Perenco fait dans la province du Kongo central, dans la ville côtière de Muanda, en est un exemple. Il est évident que cela ne bénéficie pas aux habitants de la région », explique Kamate. « Par contre, cela rend leur vie de plus en plus difficile, parce qu’il y a déjà des problèmes liés à la dégradation de l’environnement ».
Les permis n’ont pas trouvé preneurs. Cependant, en 2024, le ministre des hydrocarbures, Aimé Sakombi Molendo, a indiqué dans un communiqué de presse, qu’il mettrait en place le mécanisme pour relancer immédiatement la procédure. Par ailleurs, l’Ouganda, pays voisin, construit actuellement deux plateformes pétrolières, Tilenga et Kingfisher, sur les rives du lac Albert dont la moitié est située en RDC, dans le parc national des Virunga. En cas de marée noire, c’est toute la région qui pourrait être touchée.
Malgré les enjeux actuels et futurs, d’Huart reste optimiste quant à l’avenir du parc.
« Mon souhait le plus cher est que la paix et le bien-être reviennent parmi les habitants de la région du Parc national des Virunga », déclare-t-il. « Aujourd’hui, le parc envisage son avenir à travers l’Alliance Virunga, une approche de gestion qui s’inscrit dans un contexte de développement régional, où le parc est partenaire de tout ce qui se passe sur les plans humain et économique. En résumé, cette approche stipule : « Nous partageons cette même partie du territoire national. Travaillons ensemble ».
Image de bannière : Des militants défilent dans les rues de Goma, en République démocratique du Congo, pour réclamer la justice climatique et l’arrêt de l’exploration pétrolière dans le Parc national des Virunga. Image de 350.org via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).
Déforester le parc des Virunga en RDC : une question de survie pour les déplacés
Cet article a été publié initialement ici en anglais le 21 mars, 2025.