- Restaurer plus de 900 000 hectares de forêts classées, en combinant reboisement, agroforesterie et protection des ressources naturelles.
- Les communautés rurales sont au cœur du projet : elles participent aux activités (reboisement, surveillance, sensibilisation) et bénéficient directement des retombées économiques (emplois, produits forestiers).
- À travers des actions comme la création de pare-feux, la lutte contre les feux de brousse, et la promotion d’alternatives économiques (miel, karité, cultures durables).
Joyau de la biodiversité, la forêt classée de l’Alibori Supérieur, située au nord du Bénin, est l’une des plus vastes du pays, couvrant environ 256 000 hectares soit environ 358 543 terrains de football. Elle s’étend sur plusieurs communes, à savoir Gogounou, Kandi, Banikoara, Péhunco, Kérou et Sinendé. Malheureusement, elle subit de nombreuses pressions qui menacent son écosystème et sa biodiversité.
Comme cette étendue forestière, la plupart des forêts du Bénin sont dans la même situation. C’est ce qui a justifié l’initiative du Projet Forêts Classées (PFC), qui permet de reboiser plusieurs forêts classées, pour protéger la biodiversité, renforcer la résilience climatique et aussi favoriser la cohabitation avec les hommes, en limitant les pressions liées à l’augmentation de la population et aux activités humaines destructrices.
Initié par le Bénin, appuyé par des partenaires comme la Banque mondiale, le projet vise également à apprendre aux communautés locales à préserver elles-mêmes, la biodiversité et l’intégrité des forêts.
« Le Projet Forêts Classées (PFC) est bien plus qu’une simple initiative : c’est une réponse essentielle à la dégradation avancée de nos forêts classées », a dit Marcel Agbangla, ingénieur agronome spécialisé dans la gestion des ressources naturelles, interrogé par Mongabay.
Selon cet expert, « par le passé, la gestion centralisée de ces domaines classés a montré ses limites, entraînant leur dégradation progressive. Conscientes de cette situation, les autorités ont progressivement adopté une approche participative, intégrant activement les communautés riveraines dans la gestion de ces forêts. Cette transition a permis une meilleure implication des populations locales, reconnues comme des actrices clés de la préservation des ressources forestières ».
« Cependant, bien que ce changement de stratégie ait marqué une avancée significative, il n’a pas suffi à enrayer la progression déjà avancée des forêts classées », dit Agbangla, soulignant que « c’est précisément pour combler cette lacune que le PFC a été initié ».

Une biodiversité ressuscitée
Même si la régénération complète d’une biodiversité forestière prend plusieurs années, le projet permet en ce moment de redonner vie aux écosystèmes. « Il a permis de reboiser entre 2020 et 2023 environ 18 700 hectares de plantations de bois énergie et environ 5800 hectares de bois d’œuvre. Ce qui constitue une importante source alternative de bois d’œuvre et d’énergie pour les exploitants », dit Frédéric Hounga, Chargé de programme au sein de l’ONG « Benin Environment and Education Society (BEES) », basée à Porto-Novo, la capitale du Bénin.
En effet, selon les données de la Banque mondiale, le projet est financé en 2019, à hauteur de 75 millions USD. Au total, il prévoit restaurer 22,000 hectares de forêts classées menacées. Mais une partie du financement (15 millions USD) a été injectée dans la lutte anti-Covid en 2020. Cette restructuration a affecté la mise en œuvre du projet. Néanmoins, l’implication active des communautés rurales a facilité le reboisement de près de 18,000 ha de forêts.
Pour Hounga, « cette installation forestière va permettre de réduire la pression sur les plantations naturelles et donc la biodiversité au sein de ces massifs forestiers ».
Il estime que le projet est important, « parce que les communautés locales sont activement impliquées dans le reboisement ». « Cette importante couverture forestière va constituer l’habitat d’une diversité d’espèces de faune et de flore et donc de la biodiversité. Ces superficies forestières fourniront sans doute des biens et services écosystémiques pour les populations locales, notamment la séquestration du carbone et la régulation du climat, l’approvisionnement en Produits forestiers non ligneux (PFNLs) et autres ».

Une aubaine pour les communautés locales
Le projet n’est pas seulement un projet environnemental : c’est aussi un véritable levier de développement local pour les communautés rurales du Bénin. Il a permis aux communautés de recevoir des formations dans la protection de la forêt et dans l’adoption de mesures de coexistence. « Nous avons été formés sur les différentes étapes du reboisement, depuis la production de plants en pépinière avec les semences jusqu’au gardiennage, en passant par les techniques de mise en terre, de piquetage, de réalisation et d’entretien des pares-feux. De prédateurs de la forêt, nous sommes devenus experts et artisans du reboisement », a indiqué Apollinaire Atinzovè, président du Conseil de coordination des unités d’aménagement forestier de Dan, une localité du département du Zou, à environ 130 km de Cotonou, cité dans un article de la Banque Mondiale.
« Le PFC a été très avantageux pour les communautés. Ce projet a permis la prise de conscience des communautés sur la synergie entre agriculture et arbres ; la fabrication des biopesticides par les agriculteurs avec les matières premières localement ; la fabrication de composte par les agriculteurs ; la prise de conscience par les agriculteurs sur le respect des lignes de semis perpendiculairement à la pente dans les exploitations en situation de pente pour maximisation de matière organique », a dit, par téléphone, Albéric Assogba, Directeur Exécutif de l’Institution non gouvernementale Union pour le développement et pour l’environnement (INUDE), une ONG spécialisée dans l’agroforesterie.
Hounga explique aussi que « le projet a généré pour les communautés près de 32 000 emplois et environ 18 000 USD de revenus. Ce qui constitue une importante source de revenus pour convertir les responsables d’activités de dégradation de la biodiversité en des conservateurs de la biodiversité ».

Des limites et difficultés
La mise en œuvre du projet forêts classées ne se fait pas sans quelques défis de taille à relever. Outre les premiers gros défis d’implication des communautés locales et de la lutte contre la pandémie de la Covid-19, le projet a été confronté à certaines difficultés comme les défrichements agricoles illégaux et la coupe de bois et charbonnage sauvage.
Malgré les sensibilisations, beaucoup de paysans continuent d’empiéter sur les forêts classées pour cultiver. Aussi, la forte demande en bois énergie reste un problème difficile à contrôler. Entre autres difficultés, les conflits d’usage, le fait que les populations locales dépendent historiquement des forêts pour leurs ressources (chasse, cueillette, pâturage).
Parfois, les mesures de protection du projet ont été perçues comme des restrictions injustes, créant des tensions. À cela, s’ajoutent les conditions climatiques difficiles telles que la sécheresse prolongée, les feux de brousse incontrôlés et les précipitations imprévisibles ayant compromis de temps en temps les efforts de reboisement.
Mais, le projet doit continuellement négocier entre conservation et besoins socio-économiques des populations, tout en adaptant ses méthodes aux réalités locales.
Image de bannière : La forêt classée de l’Alibori Supérieur, située au nord du Bénin, subit de nombreuses pressions qui menacent son écosystème et sa biodiversité. Image fournie par Modeste Dossou.
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