- Une récente étude menée dans le complexe d’aires protégées W-Arly-Pendjari-Oti-Mandouri-Keran (WAPOK), révèle que le changement climatique est susceptible d’affecter et d’occasionner la pénurie de la nourriture des éléphants, et de compromettre indirectement leur survie.
- Les scientifiques ont identifié 14 espèces végétales dans le complexe d’aires protégées W-Arly-Pendjari-Oti-Mandouri-Keran (WAPOK), qui constituent le régime alimentaire des éléphants, et qui sont sujettes aux menaces climatiques.
- Selon le chercheur béninois Hubert Olivier Dossou-Yovo, les variations du climat ont contribué à réduire d’environ 12 % la végétation au sein du parc, mettant ainsi en péril l’existence des animaux sauvages.
- Le complexe WAPOK constitue le plus grand écosystème de savanes d’Afrique de l’Ouest, et s’étend sur 35 000 km² entre le Bénin, le Niger, le Togo et le Burkina Faso.
Les éléphants sont des herbivores. Ils se nourrissent essentiellement des espèces végétales. Ils consomment les herbes, les feuilles, les racines et les écorces des arbres et des arbustes, les jeunes pousses et les fruits. Ces végétaux constituent leurs principales ressources alimentaires aussi bien pour les éléphants de forêt (Loxodonta cyclotis) que ceux de savane (Loxodonta africana). La disparition de ces ressources, du fait des effets du changement climatique, peut induire une modification de leur régime alimentaire et affecter indirectement leur survie.
C’est ce que révèle une étude publiée en avril 2025, dans la revue Global Ecology and Conservation, par un groupe de chercheurs africains, affiliés à des universités et centres de recherche au Bénin, au Burkina Faso et en Allemagne.
Ladite étude a été menée dans le complexe d’aires protégées W-Arly-Pendjari-Oti-Mandouri-Keran (WAPOK), le plus grand écosystème de savanes d’Afrique de l’Ouest, qui s’étend sur 35 000 km² entre le Bénin, le Niger, le Togo et le Burkina Faso. Dans cet espace, la végétation est caractérisée principalement par des savanes arbustives boisées et des forêts-galeries, qui sont bordées par endroits par des plaines inondables le long des principaux cours d’eau.
Le complexe abrite la plus grande population d’éléphants de savane d’Afrique de l’Ouest, estimée à environ 11 450 individus. On y retrouve également des espèces rares comme le topi (Damaliscus lunatus Burchell et Damaliscus korrigum Ogilby), le lion (Panthera leo Linnaeus), le léopard (Panthera pardus Linnaeus) et le guépard (Acinonyx jubatus Schreber).
Les chercheurs ont identifié au sein de cette forteresse naturelle 14 espèces végétales, qui font principalement partie du régime alimentaire des éléphants des savanes ouest-africaines. Il s’agit de : Vachellia sieberiana DC, Adansonia digitata L., Annona senegalensis Pers, Terminalia leiocarpa Bail, Balanites aegyptiaca (L.) Delile, Borassus aethiopum Mart, Detarium microcarpum Guill. & Perr, Khaya senegalensis A. Juss, Kigelia africana (Lam.) Benth., Parkia biglobosa Benth, Pterocarpus erinaceus Fern.-Vill., Vitellaria paradoxa C.F.Gaertn, Tamarindus indica L., et Vitex doniana Sweet.
Ils ont montré que le changement climatique, en réduisant la disponibilité de certaines de ces ressources, peut modifier le régime alimentaire des éléphants des savanes africaines.
L’Ingénieur agronome Kolawolé Valère Salako, chercheur à la Faculté des Sciences agronomiques de l’université d’Abomey-Calavi au Bénin et co–auteur de l’étude, explique dans un courriel à Mongabay que : « Pour 50 % des espèces étudiées, le changement climatique, par la modification des températures, de la pluviométrie, de l’amplitude de leur variation et des fréquences des évènements extrêmes, causera une réduction de 1.30 – 12.95 % des aires ou espaces favorables pour le développement de ces espèces sous le scénario optimiste, et de l’ordre de 1.89 à 17.21 % sous le scénario pessimiste », dit-il.
Le changement climatique est pour ainsi dire, susceptible d’entrainer une baisse de la végétation, essentielle pour l’alimentation des éléphants, dans le WAPOK.

Diminution de la végétation au sein des parcs W et Pendjari
Une autre étude, publiée également en avril, dans la revue internationale de Géomatique, révèle une diminution de 11,39 % de la végétation au sein des parcs nationaux du W et du Pendjari au nord du Bénin, entre 1985 et 2015. L’analyse des variations climatiques dans les parties béninoises du WAPOK, a révélé des fréquences de sécheresse.
Les auteurs de cette autre étude prévoient une expansion de 2 % des champs et des jachères, en lieu et place de la végétation naturelle d’ici à 2030. Ce qui ne sera pas sans conséquences sur l’alimentation des animaux, selon Hubert Olivier Dossou-Yovo, lui aussi chercheur à la Faculté des sciences agronomiques de l’université d’Abomey-Calavi, mais qui n’a participé à l’étude sur le régime alimentaire des éléphants.
« Les animaux sauvages dépendent majoritairement des végétaux et de l’eau pour leur survie, et même les prédateurs ont besoin de proies pour survivre. Et de nombreuses proies doivent s’alimenter dans ce milieu naturel qu’est l’aire protégée ». « La disponibilité du végétal a un impact immédiat sur la quantité de fourrages dont les animaux comme les éléphants et autres grands et petits mammifères ont besoin. Autrement dit, cela induit une pénurie de végétaux indispensables aux animaux. De nombreuses espèces verront leur préférendum écologique perturbé par une telle situation », a dit Dossou-Yovo, au téléphone à Mongabay.

En outre, il est également prouvé que les déplacements des éléphants au-delà des limites de la réserve, se nourrissant de ces espèces végétales dans les champs ou les systèmes agroforestiers traditionnels, peuvent également être des sources de conflits homme-éléphant.
Ce conflit pourrait être exacerbé à l’avenir en raison du changement climatique, si les ressources alimentaires des éléphants deviennent moins disponibles dans le WAPOK, ce qui obligerait les éléphants à se déplacer en dehors du complexe à la recherche de nourriture.
En effet, les ressources alimentaires des éléphants sont également très prisées par les populations locales autour du complexe WAPOK, pour leur apport à l’alimentation, leurs vertus médicinales et leur contribution comme essences à l’économie des pays.
La survie et la protection des éléphants dans le complexe WAPOK, nécessite la mise en place des stratégies de conservation des espèces nourricières des éléphants. Salako préconise de mettre en place un dispositif de suivi de la dynamique des populations de ces espèces d’arbres et arbustes. Ceci permettra d’avoir des informations précises sur leur évolution dans le temps et dans l’espace, et de décider des actions adaptées (régénérations naturelles assistées, enrichissement, conservation ex-situ suivi de réintroduction pour les espèces présentant une dynamique régressive importante, etc.) ; de faire le suivi du régime alimentaire des éléphants à court, moyen et long-terme, afin d’appréhender les changements temporels. Ces changements peuvent fournir des informations cruciales sur la capacité d’adaptation des éléphants.
Il propose aussi de limiter la pression de l’homme sur les aires protégées car, la pression foncière sur les parcs contribue à réduire l’espace vital, non seulement pour les éléphants, mais aussi pour leurs ressources alimentaires.
Salako suggère également de créer des pâturages en dehors du complexe WAPOK pour planter des espèces d’arbres indigènes, car la préservation de ces espèces dans les terres agraires, est importante pour réduire la compétition pour les ressources alimentaires entre les hommes et les éléphants.
Image de bannière : Parc national de la Pendjari au Bénin : éléphants, entre la Mare Canard et la Mare Sacrée, au nord du parc. Image de Ji-Elle via Wikimédia Commons (CC BY-SA 4.0).
Citations :
Agounde, G., Salako, V. K., Idohou, A.F. R., Akoeugnigan, I. S., Mensah, S. & al (2025). Climate change may shift diet of the African savanna elephant: Preliminary results for 14 food tree and shrub species in the WAPOK transboundary ecosystem, West-Africa, Global Ecology and Conservation, Volume 58, e03468, ISSN 2351-9894, https://doi.org/10.1016/j.gecco.2025.e03468
Osseni, A.A., Dossou-Yovo, H.O., Hegbe, A.D., Khan, M.N., Sinsin, B. (2025). Assessing and Modeling the Vegetation Cover in the W and Pendjari National Parks and Their Peripheries from 1985 to 2030, Using Landsat Imagery and Climatic Data in Benin, West Africa. Revue Internationale de Géomatique, 34(1), 209–234. https://doi.org/10.32604/rig.2025.061448
Au cœur de la vulnérabilité des parcs nationaux africains face aux décisions politiques
FEEDBACK : Utilisez ce formulaire pour envoyer un message à l’éditeur de cet article. Si vous souhaitez publier un commentaire public, vous pouvez le faire au bas de la page.