- La République démocratique du Congo ambitionne de tripler sa production de cacao d’ici à 2030.
- Grâce à ses terres fertiles de la partie orientale, le pays a joui d’une fierté de production « bio ». Mais il pourrait perdre ce statut auprès des agences de certifications européennes.
- L’UE (Union européenne) durcit sa réglementation contre la déforestation. Mais les agriculteurs et commerçants l’accusent de sanctionner injustement des populations meurtries par les violences.
Les agences de certification de produits agricoles équitables et biologiques Fairtrade, assurée par la société allemande Flocert et Africert, basé à Nairobi au Kenya, n’ont pas pu vérifier la conformité des plantations, en application du Règlement Zéro déforestation de l’Union européenne (UE). Puisque les groupes armés sont plus actifs dans la région orientale de la République démocratique du Congo (RDC), où sont produits cacao et cafés.
L’annonce fin 2024 de l’exclusion du marché de l’UE de ces 2 produits a inquiété les agriculteurs. La RDC est le 2ème producteur africain des fèves biologiques après la Sierra Leone.
Conformément à la règlementation Zéro déforestation qui interdit l’entrée sur son territoire des produits issus des terres ayant connu la déforestation, l’UE n’a pas obtenu les garanties de la durabilité du cacao et du café congolais. Elle ambitionne même de tripler sa production d’ici à 2030.
D’après le ministre du Commerce extérieur, Julien Paluku, cette région compte 240 000 agriculteurs. Si l’UE refusait d’acheter ses produits, les conséquences en seraient importantes. « Imaginez-vous si tous les 240 000 agriculteurs sont exclus, cela fait autour de 100 000 tonnes de cacao qu’ils produisent. Eh bien, ce sera la catastrophe dans le panier de la ménagère. Voilà pourquoi nous devons arrondir les angles avec l’Union européenne pour que ses experts comprennent qu’il n’y a pas de déforestation que nous pratiquons en RDC, que ce sont plutôt les terres arables », a déclaré Paluku sur RFI.
« La décision ne va pas réduire la violence. Il y aura un impact négatif si on ne trouve pas un partenariat de taille pour absorber tous nos produits », analyse Sibenda Joash, commerçant œuvrant dans la filière du cacao à Beni, territoire situé au nord de Goma.

Risque d’aggraver la contrebande et les violences
Le patronat congolais, la Fédération des entreprises du Congo (FEC), pour qui la décision de l’UE est injuste, a alerté en décembre le gouvernement, afin de négocier avec l’UE pour éviter « les conséquences » dans la région. Il s’agit de l’augmentation de la fraude et de la contrebande qui pourrait « sensiblement baisser la quantité exportée par la RDC », explique le journaliste Hervé Mukulu, dans un article publié sur le site web Green Afia, à propos de cette décision.
Mukulu indique en outre que cette fraude pourrait profiter aux pays étrangers en nourrissant l’instabilité dans la région. En août 2023, une déclaration de Mike Ntambwe, un membre de la FEC, signale l’ampleur de ce phénomène croissant dans la région : des pertes minimales de cacao dans la contrebande de 400 tonnes la semaine, soit une valeur de 60 millions USD l’an, au prix de 3200 USD la tonne.

Certains médias, à l’instar du français Le Monde, montrent que la flambée des prix de la tonne du cacao, jusqu’à 8 000 USD au cours des trois dernières années, nourrit les violences autour des plantations et ménages détenant des fèves. Des sources locales rapportent aussi des vols récurrents de fèves, même fraiches, vendues en Ouganda voisin, un pays actuellement aux côtés de la RDC dans sa lutte contre les groupes armés.
Refuser d’acheter ces produits congolais nuirait à l’économie des ménages et encouragerait la violence dans la région, pense Jean-Pierre Mugaruka, porte-parole de la société civile du Nord-Kivu.
« Bon nombre de la population vit de la culture du cacao qui est vendu en Ouganda. Ce n’est pas comme les minerais [qui alimentent les violences, Ndlr] tel qu’on est en train de le vivre dans le territoire de Masisi et de Walikale. On devait encourager ces agriculteurs en améliorant leurs services d’achat et de vente, pour promouvoir la vie socio-économique de la population et lutter contre la pauvreté. L’UE doit revoir sa décision pour favoriser la paix et les échanges commerciaux », explique Mugaruka, contacté par Mongabay.

Selon le ministre Paluku, la décision de l’UE a été repoussée à 2025, la dernière certification ayant été effectuée en août 2024. Sans en indiquer la date, il a annoncé aussi qu’une réunion tripartite aura lieu entre l’UE, la mission de l’ONU en RDC et le gouvernement congolais pour « lever les zones d’ombre et pour que tout le monde comprenne que la RDC ne s’adonne pas à la déforestation, et donc ne serait pas concernée par la réglementation de l’Union européenne ».
Paluku appelle l’UE à éviter de tomber dans le piège de la manipulation visant à sanctionner un pays qui est en guerre et qui souffre. Autrement, selon lui, ce serait « une guerre économique que subirait la RDC ».
Image de bannière : Les autorités congolaises appellent l’UE à revoir sa position pour ne pas aggraver la souffrance des producteurs de cacao qui sont déjà victimes du conflit à l’Est du pays. Image de Jean Van Jean via Wikimédia Commons (CC BY 3.0).
Règlement de l’UE sur la déforestation : les producteurs de cacao entre craintes et espoirs
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