- Les agricultrices observent une amélioration des rendements lorsqu’elles associent le soja au maïs.
- Cette association culturale permet aussi de limiter les pertes dues aux parasites ou aux conditions climatiques extrêmes, d’où l’importance de la polyculture dans une agriculture plus durable et résiliente.
- Les chercheurs soulignent que la réussite de cette polyculture dépend de l’adaptation de la variété de soja à la zone agroécologique et la définition claire de l’objectif de la culture associée, qu’il s’agisse de favoriser une symbiose entre les plantes ou de tester leur capacité de résistance.
Depuis quatre ans, Leslie Djomana cultive le soja à Demba 1, une localité située à l’Est du Cameroun. Elle, qui avait l’habitude de cultiver le manioc, le maïs et le macabo en monoculture, depuis 16 ans, ne tarit pas d’éloges sur cette légumineuse. « Avant, on entendait parler du soja, mais on ne savait pas ce que c’était, jusqu’à ce qu’une ONG vienne nous montrer comment l’associer à d’autres plantes. J’ai un peu hésité au début, mais depuis que je l’ai essayé, je suis très contente de l’avoir fait », confie-t-elle à Mongabay.
Depuis qu’elle associe le maïs au soja, elle observe des résultats nettement meilleurs. « D’abord, le soja se récolte deux fois par an, alors que d’autres cultures comme le manioc ne se récoltent qu’une fois l’an. J’ai remarqué que lorsque je mélange le maïs avec le soja, les épis de maïs sont plus gros que lorsqu’on le cultive seul. On nous a dit que c’est parce que le soja fertilise le sol », explique-t-elle.
« Nous avons aussi constaté que le soja résiste mieux que, par exemple, le haricot, qui est très sensible à l’excès de pluie ou à la sécheresse. Le soja, lui, résiste à tout cela. Le maïs, en revanche, ne supporte pas aussi bien la sécheresse. Donc, sur une saison, si les conditions climatiques sont bonnes, je récolte du soja et beaucoup de maïs. Si les conditions sont mauvaises, je ne perds pas tout, j’aurais au moins le soja qui résiste bien », ajoute Djomana.
Djomana et les autres femmes de Demba 1 ont été initiées à la culture du soja par le Service d’Appui aux Initiatives Locales de Développement (SAILD), une ONG suisse présente au Cameroun. Bouba Loumnala, chef d’antenne SAILD dans l’Extrême-Nord du pays, se souvient des débuts.
Il confie à Mongabay : « On a choisi le soja parce que c’est une légumineuse qui enrichit le sol. On voulait promouvoir la diversification des cultures et l’amélioration de la fertilité des terres, et nous sommes satisfaits des résultats. Lorsqu’on pratique la monoculture, les pertes sont importantes en cas de parasites ou d’aléas climatiques. Il faut donc associer, par exemple, le maïs au soja ou le sorgho au soja, pour tenter d’interrompre la chaîne de contamination ».

Loumnala affirme que la vulgarisation du soja a commencé en 2015, dans 10 villages de l’Extrême-Nord, au nombre desquels Maroua rural et Mindif. Ce dernier explique que le travail de terrain a permis d’atteindre de nombreuses zones rurales, dans l’Extrême-Nord et à l’Est du pays. « Nous changions de village tous les trois ans. En dix ans, nous avons couvert un grand nombre de localités », dit-il.
Les résultats ont rapidement convaincu les communautés. Si au départ le projet s’adressait à tous les producteurs, la dynamique a rapidement pris une tournure inattendue. Loumnala dit : « Nous allions dans les villages pour accompagner les gens, mais, à un moment, nous avons constaté que ce sont surtout les femmes qui s’intéressaient au soja. Cela nous a un peu surpris. Ce sont elles qui sèment, récoltent, transforment et vendent ».
Loumnala souligne qu’il est difficile de donner un chiffre exact, mais il estime qu’environ 60 % des producteurs impliqués dans chaque village sont des femmes. Dans certaines localités, le soja a tellement bien pris racine que l’on parle aujourd’hui de « villages soja ». « Il y en a deux, proches de Maroua. Ce sont les présidents des groupements eux-mêmes qui continuent à cultiver, même après notre départ », précise-t-il.
Dans les champs, l’expérience des cultures associées devient un véritable levier de résilience. Djomana en est témoin : « Quand on cultive le maïs seul, on a plus de pertes. Mais quand on le mélange avec le soja, on voit une vraie différence. Il y a moins de pertes et plus de production. Parfois, on cultive séparément, mais on remarque que l’association donne de meilleurs rendements ».
Si le soja s’est bien adapté aux sols locaux, tout n’a pas été simple au départ. Loumnala se souvient d’une variété peu adaptée. « Les gousses s’ouvraient toutes seules à maturité et les graines tombaient », dit-il.
Il a fallu chercher une variété plus appropriée : finalement elle a été trouvée du côté de la ville de Mokolo. Depuis lors, le soja résiste mieux aux caprices du climat et reste en champ jusqu’à la récolte.
« La pluviométrie est irrégulière, mais jusqu’ici, le soja nous donne satisfaction. Il reste compatible avec nos objectifs », dit Loumnala.

Entre symbiose et compétition
David Amedep, chercheur à l’Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD) à Maroua, confirme à Mongabay que le soja contribue à renforcer la résilience climatique. Mais il insiste sur l’importance de bien choisir une variété adaptée à la zone agroécologique, par exemple la zone soudano-sahélienne ou la zone soudano-guinéenne, pour éviter que les graines ne tombent avant la récolte.
Il précise également qu’il faut clarifier, dès le départ, l’objectif de la culture : soit rechercher la symbiose, soit la compétition. « La symbiose désigne une relation bénéfique entre les plantes, où elles s’entraident pour améliorer la qualité du sol et augmenter les rendements. Par exemple, le soja, en fixant l’azote dans le sol, peut enrichir la terre pour le maïs », explique Amedep.
Il ajoute : « La compétition, quant à elle, implique que les plantes se disputent les ressources, comme l’eau et les nutriments. Cela peut être utile si l’on cherche à sélectionner les plantes les plus résistantes et les mieux adaptées aux conditions locales. Dans ce cas, lorsque l’on associe les cultures en mode compétitif, c’est aussi pour tester la résilience du soja face aux maladies et aux effets du changement climatique ».
« Le soja nous a vraiment aidé à faire face aux bouleversements du calendrier agricole dus aux changements climatiques. Je suis contente d’avoir connu cette plante », conclut Djomana.
Image de bannière : Rotation maïs-soja-arachide promue par Africa RISING dans le district de Ntcheu au Malawi. Les agriculteurs bénéficient de nombreux avantages écologiques, comme une meilleure fertilité des sols, grâce à la rotation maïs-légumineuses. Image de IITA/Jonathan Odhong’ via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).
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