- Une étude récente révèle que, les partenariats entre les gouvernements et les organisations de défense de la nature, de type public-privé, apparaissent comme une solution pour diminuer la perte du couvert végétal dans les zones protégées sur le continent africain.
- Les chercheurs ont découvert que ce modèle de gestion, prôné depuis les années 2000, favorise une diminution annuelle de la perte de couverture arborée d’environ 55% dans les aires protégées gérées sur la base de ces partenariats, en comparaison à celles qui ne le sont pas.
- Le Rwanda figure parmi les pays africains ayant opté pour ce type de partenariats, et soutient qu’au cours des 30 dernières années, grâce à la gestion concertée, il a mieux sauvegardé l’intégrité de ses aires protégées.
- L’expert forestier camerounais, Ghislain Fomou, pense que l’efficacité de ces partenariats et leurs impacts sur la biodiversité résident dans la définition des responsabilités qui incombent aux différentes parties impliquées dans la gestion des zones protégées.
L’Éthiopie a officialisé, début décembre 2024, la signature d’un accord de partenariat avec le célèbre réseau de gestion d’aires protégées en Afrique, African Parks, pour la gestion à long terme du Parc national de Gambella, situé à l’Ouest du pays.
Ce partenariat va permettre une gestion collaborative de cette aire protégée de 4 575 km² de densité, entre African Parks, l’Ethiopian wildlife conservation authority (EWCA), l’État de Gambella et les communautés, dans le but d’élaborer une stratégie globale de conservation de la biodiversité du parc.
Ce modèle de gestion des aires protégées, mettant en scène les États, à travers leurs agences nationales en charge de la faune et de la flore, et des organisations non gouvernementales de défense de la nature, a pignon sur rue en Afrique au cours des deux dernières décennies.
Une récente étude publiée en décembre 2024 dans la revue scientifique de la National Academy of Sciences (NAS) des États-Unis, explore d’ailleurs l’efficacité des partenariats de gestion concertée des aires protégées en Afrique entre les gouvernements et les organisations de conservation à but non lucratif. Elle révèle que ces partenariats ont fortement contribué à la réduction de la déforestation dans les zones protégées les plus menacées d’Afrique, depuis les années 2000.
Pour arriver à cette conclusion, les auteurs de l’étude, affiliés à des universités et des centres de recherches en France, aux États-Unis et en Afrique, ont identifié, en 2023, 127 partenariats de gestion concertée dans 16 pays africains, parmi lesquels Madagascar, l’Angola, la République Démocratique du Congo (RDC), le Mozambique, le Rwanda ou encore la Tanzanie.
Ils ont analysé les images de satellite sur une période de 23 ans, de 2000 à 2023, et déduisent qu’au cours de cet intervalle de temps, la perte de couverture arborée a été en moyenne 55 %, plus faible dans les aires protégées gérées grâce aux partenariats public-privé, que dans les aires protégées similaires sans ces partenariats.

Le chercheur français Sébastien Desbureaux, spécialiste de l’économie de l’environnement à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) de France et auteur principal de l’étude, croit savoir que cette tendance à la réduction de la déforestation dans les zones protégées gérées de manière concertée, peut s’expliquer par deux types d’activités.
Il s’agit « des activités relatives au respect de la loi (travail de patrouilles de garde, suivi judiciaire de cas, etc.) et des activités visant à réduire la dépendance des populations riveraines à l’exploitation (certes illégales mais parfois ou souvent nécessaires) des ressources des parcs », a-t-il dit dans un courriel à Mongabay.
« Plusieurs parcs ont également mis en place des actions ambitieuses pour développer le tourisme et gérer eux-mêmes ces activités pour assurer des rentrées d’argent. Ces recettes peuvent être cruciales pour assurer une pérennité des actions – quand les projets financés par des bailleurs s’arrêtent ». Ces actions contribueraient donc à limiter les pressions anthropiques sur les ressources naturelles des aires protégées et favoriseraient ainsi une meilleure préservation de la faune et de la flore.
De l’efficacité des partenariats de gestion collaborative
Les zones protégées, considérées comme des zones clés de conservation et de séquestration de carbone, sont souvent confrontées à un manque structurel de financement, la faiblesse des institutions et de la gouvernance, avec des capacités de gestion limitées.
Le recours aux partenariats de gestion collaborative est donc une solution pour assurer le développement durable de ces zones clés de conservation. L’étude classifie la forme des partenariats en trois catégories, à savoir : l’appui financier et technique, la cogestion et la gestion déléguée.
Dans les accords financiers et techniques, les ONG fournissent un soutien financier et des conseils techniques sans jouer un rôle formel à long terme dans la gouvernance ou la prise de décision en matière de gestion.
Ce modèle est celui adopté par le Cameroun, où les ONG apportent une assistance technique à l’administration des forêts et de la faune.
Cependant, dans la cogestion ou la gestion déléguée –les plus répandues en Afrique–, les ONG et les agences nationales des gouvernements se partagent les responsabilités dans la gouvernance de l’aire protégée.
Le Rwanda, à travers la Rwanda Development Board (RDB), une institution gouvernementale chargée d’accélérer le développement économique du Rwanda en favorisant la croissance du secteur privé, collabore avec une vingtaine d’organisations nationales et internationales dans la gestion de ses aires protégées. Celles-ci interviennent dans divers aspects, notamment la recherche, le suivi de la flore et de la faune, l’appui aux communautés locales en équipements et fournitures, et le renforcement de capacités des personnels des parcs.

D’après Telesphore Ngoga, analyste principal en conservation à la RDB, « cette collaboration a fait qu’au cours des 30 dernières années, il n’y a pas eu de réduction de la superficie des aires protégées, et les incidences de braconnage ont connu une réduction sensible », explique-t-il dans un courriel à Mongabay.
La Banque mondiale soutient, dans un rapport publié en 2021, que les partenariats de gestion collaborative contribuent à améliorer l’efficacité de la gestion des aires protégées et à catalyser le développement vert. Elle souligne ensuite qu’ils sont particulièrement pertinents en Afrique, où 11,5 % des aires protégées reposent sur les modèles de cogestion ou de gestion déléguée.
Pour l’expert forestier Ghislain Fomou, Directeur du programme de gestion des ressources naturelles au sein de l’ONG Service d’appui aux initiatives locales de développement (SAILD), l’efficacité de ces partenariats collaboratifs et leurs impacts sur la biodiversité résident dans la définition des responsabilités qui incombent aux différentes parties impliquées dans la gestion des zones protégées. « Dans les partenariats de gestion, il faut toujours préciser la marge de manœuvre du partenaire et voir si les missions des partenaires sont les mêmes dans les différentes aires protégées ».
« Par exemple, on se rend compte au Cameroun qu’ils apportent une assistance technique, mais celui qui est au front, c’est l’État. Ils aident plutôt l’État à réaliser ses missions. Ils sont, par exemple, pour certains à l’instar de WWF, interdits d’organiser une patrouille de lutte anti-braconnage. Ce sont les services de Conservation qui sont compétents pour le faire », a-t-il dit à Mongabay au téléphone.

En Afrique, 48 organisations partenaires participent à des accords de co-gestion et de gestion déléguée avec les États, parmi lesquelles African Parks, World Wildlife Foundation (WWF), Frankfurt Zoological Society, Greg Carr Foundation, Wildlife Conservation Society (WCS), African Wildlife Foundation (AWF), etc.
Parmi elles, 46 sont des organisations à but non lucratif. L’ONG sud-africain, African Parks, détient le plus gros portefeuille de cogestion des aires protégées en Afrique, avec 23 aires protégées réparties dans 13 pays, soit une couverture de 200 000 km², plus grande que la superficie du Sénégal.
D’après Charles Wells, Directeur des opérations au sein de cette organisation, « les zones protégées qui sont restaurées et gérées de manière durable profitent directement à la faune et à la flore ainsi qu’aux populations, mais sont également essentielles à la santé de la planète », a-t-il dit à Mongabay par courriel.
African Parks ambitionne de booster son potentiel à 30 parcs, pour une couverture de 30 millions d’hectares d’ici 2030, pour contribuer à l’objectif 30×30 du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.
Image de bannière : Gorilles des plaines de l’Ouest, au Parc national de Lobéké, au Cameroun. Image de Gregoire Dubois via Flickr.
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