- De nombreux groupes autochtones ont été contraints de fuir les violents combats dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).
- Des rapports de meurtres et de violences orchestrées contre les Batwa et les Bambuti, qui sont soupçonnés par les groupes armés d’aider les forces gouvernementales et de leur fournir des pouvoirs occultes pour leur protection, ont été documentés.
- La plupart de ces communautés autochtones ne bénéficient pas des activités minières. Certains membres de ces communautés sont même exploités comme main-d’œuvre forcée dans certaines activités minières.
- Les belligérants doivent respecter toutes les normes du droit international et veiller à ce que les peuples autochtones ne soient pas déplacés de force de leurs territoires ancestraux.
« L’exploitation illégale des mines par les groupes armés, les milices et les multinationales dans la partie Est de la République démocratique du Congo (RDC) forcent les communautés autochtones à abandonner leurs terres de peur d’être tuées », a déclaré Samuel Ade Ndasi, haut responsable chargé de plaidoyer et des litiges de l’Union africaine au Minority Rights Group (MRG), l’une des principales organisations qui militent pour les droits des peuples autochtones dans le monde. « Les belligérants doivent respecter les conventions internationales s sur les droits de l’homme, en particulier dans les zones qu’ils ont conquises ou qu’ils contrôlent », a déclaré Ndasi à Mongabay dans une interview exclusive.
Pourriez-vous donner un aperçu de la situation actuelle du conflit et de ses conséquences sur les peuples autochtones dans l’Est de la République démocratique du Congo?
La genèse du conflit qui ravage actuellement l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) date des années 90 et a connu une escalade dans cette région là où les peuples autochtones figurent parmi les premières victimes, suite notamment aux richesses naturelles en termes de pierres et métaux précieux, ainsi que des ressources forestières en abondance dans cette zone.
De nombreux groupes autochtones, dont notamment les Batwa et les Bambuti à l’Est de la RDC, réclament toujours cette terre que leur ont léguée leurs ancêtres.
Leur survie en tant que peuple autochtone dépend entièrement de leur présence dans la forêt et la nature qui représentent leur foyer.

Les récentes violences dans l’Est de la République démocratique du Congo ont forcé des milliers de personnes, dont notamment les membres des communautés autochtones, à abandonner leurs terres. Comment ces conflits et la militarisation dans les terres et territoires des peuples autochtones affectent fondamentalement leur survie ?
Le conflit actuel a aggravé la situation de ces communautés vulnérables et marginalisées qui ont souffert de décennies de déplacements, de destruction de leurs abris, de perturbation de leurs modes de vie traditionnels, ce qui les a rendus plus vulnérables. Plusieurs membres des communautés autochtones ont été contraints de fuir les combats violents et laisser leurs terres à la merci des groupes armés.
Ils ont vu leurs abris détruits ou incendiés et vivent maintenant dans des conditions de dénuement dans des abris de fortune. Ils sont coupés de l’aide humanitaire et souffrent de maladies en raison de leur incapacité à accéder à leurs ressources forestières. Les populations de l’Ituri et des environs du Parc national de Kauzi-Biega (PNKB), situé dans le Sud Kivu à l’Est de la RDC, ont été affectées de manière disproportionnée par l’escalade du conflit.
Nous avons reçu des rapports faisant état de meurtres et de violences perpétrés contre les Batwa et les Bambuti, suite aux soupçons pour collaboration de l’un des belligérants. Il y a même eu des rapports de violences sexuelles (viols, viols collectifs, etc.), d’assassinats ciblés et d’assassinats basés sur l’identité linguistique, et les communautés autochtones ont été les victimes de cette situation.
Quelles sont les grandes difficultés auxquelles sont confrontées ces communautés pour mieux protéger les ressources naturelles et les écosystèmes durant cette période de conflit à l’Est de la RDC ?
En raison de la situation très complexe, ces communautés ont vu leurs terres saisies sans avoir été indemnisées ; les activités minières sont menées sans qu’elles ne soient consultées et/ou que leur consentement soit recherché et obtenu.
Ces communautés [autochtones] ne bénéficient pas des avantages tirées de l’exploitation minière dans leur zone. Pire encore, certains de leurs membres sont même exploités comme main-d’œuvre forcée dans certaines activités minières. Ces activités d’extraction (étant incontrôlées) détruisent l’écosystème. L’escalade du conflit a favorisé l’exploitation forestière illégale, qui affecte les habitations et maisons des peuples autochtones ; leurs lieux de culte et de pratique de leur culture.
Pensez-vous que les belligérants ont une solution à apporter face au conflit actuel à l’Est de la RDC, pour protéger ces peuples autochtones vivant dans des zones de conflit ?
La Convention IV de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre exige que des zones humanitaires soient créées ou établies pour la protection des civils, dont des peuples autochtones ; cette réalité n’est pas le cas pour l’Est de la RDC.
Par exemple, certaines zones humanitaires établies ont été violées par des attaques violentes de milices armées dans le Nord et le Sud Kivu, où sont établies ces communautés autochtones.
En deuxième lieu, les belligérants doivent également respecter les normes internationales en matière de droits de la personne, en particulier dans les zones qu’ils ont conquises ou qu’ils contrôlent, en veillant à ce qu’il y ait respect des droits de l’homme à l’égard des communautés autochtones dans cette région.
Le droit international interdit l’éviction forcée de ces communautés de leurs territoires. Les belligérants doivent donc respecter toutes les normes du droit international et veiller à ce que les peuples autochtones ne soient pas déplacés de force de leurs terres ancestrales.

Les ressources naturelles sont considérées comme la principale cause des conflits qui ravagent l’Est de la RDC. Quel rôle ces peuples autochtones pourraient-ils jouer dans le processus de paix, sachant qu’ils entretiennent une relation étroite avec l’environnement et la nature?
Dans l’ensemble, ces peuples autochtones ne sont pas reconnus comme les héritiers traditionnels des terres et des territoires où l’on trouve ces ressources naturelles ou qui sont exploitées par les groupes armés. Même le processus de création de zones protégées (parcs) à l’Est de la RDC n’a pas reconnu ces communautés autochtones qui ont été expulsées de force sans leur consentement et/ou sans aucune compensation ni réinstallation formelle.
Si ces communautés sont reconnues comme propriétaires de leurs terres ancestrales, la meilleure approche est qu’elles doivent être consultées, et leur consentement demeure indispensable avant tout.
Des mesures de protection doivent être également mises en place, pour s’assurer que les activités d’extraction des ressources naturelles dans ces zones se déroulent de manière durable, afin de protéger l’environnement et l’écosystème fragile. Dans la situation actuelle, les peuples autochtones ne sont pas en mesure de jouer un rôle significatif dans aucun processus de paix, car ils ne sont pas reconnus comme des entités ayant des enjeux importants dans la cause et la conduite du conflit actuel à l’Est de la République démocratique du Congo.
Image de bannière : Trois femmes autochtones Batwa avec leurs enfants à Nyakabande dans la région de Kisoro en Ouganda. Image courtoisie de The Advocacy Project via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0)
Feedback : Utilisez ce formulaire pour envoyer un message à l’éditeur de cet article. Si vous souhaitez publier un commentaire public, vous pouvez le faire au bas de la page.