- L'agroforesterie combine l'agriculture et la gestion des arbres pour améliorer les moyens de subsistance des communautés rurales tout en luttant contre la dégradation de l’environnement.
- Cette approche offre des avantages économiques et écologiques, renforçant la résilience face au changement climatique, en contribuant significativement aux moyens de subsistance des populations rurales.
- Sur le plan écologique, la Régénération Naturelle Assistée permet de restaurer la population des espèces ligneuses locales menacées de disparition, du fait parfois de l'absence des grands-mères capables de fructifier.
- Les parcs sont un soulagement du travail des femmes, qui assurent la collecte du bois, parfois à plusieurs heures du village.
Les parcs agroforestiers de Faidherbia albida ou Acacia albida, dans le Nord-Cameroun, apportent des bénéfices économiques et écologiques significatifs. Ils fournissent du bois-énergie, réduisant le temps de collecte pour les femmes et économisant jusqu’à 10565,3 Dollar pour les villages. De plus, ces parcs offrent un complément fourrager essentiel en période sèche, améliorant la nutrition du bétail grâce à leurs feuilles et gousses riches en azote. L’agroforesterie s’avère donc cruciale pour la sécurité alimentaire et l’adaptation au changement climatique dans la région sahélienne.
Les chercheurs Amah Akodéwou, Oumarou Palou Madi, Faustin Ambomo Tsanga, Romain Rousgou et Régis Peltier, appartenant à différentes institutions de recherche, démontrent dans leur étude, publiée en 2022, dans la revue Bois et Forêts des Tropiques que, dans les régions semi-arides et subhumides de l’Afrique, l’agroforesterie représente une solution clé pour améliorer les moyens de subsistance des populations rurales tout en luttant contre le changement climatique.
Mongabay : Quelles ont été les motivations derrière la réalisation de cette étude scientifique ?
Oumarou Palou Madi : La motivation de cette étude scientifique est que les parcs de Faidherbia albida ont été densifiés par un projet de développement lié à la société cotonnière du Cameroun. L’objectif de cette densification est d’améliorer la situation des terres agricoles qui se dégradent, car le rendement de la production cotonnière dans les anciennes zones de culture diminue. Pour étudier cette dynamique, nous avons d’abord répertorié les parcs de Faidherbia et analysé des images satellitaires. Cela nous a permis d’évaluer l’évolution de la dégradation des premiers parcs situés à l’extrême nord du Cameroun, ainsi que l’augmentation de la densification de ces parcs dans la partie sud du pays.
Mongabay : Quels mécanismes pourraient être mis en place pour assurer la pérennité des efforts de conservation des Faidherbia albida dans l’Extrême-Nord du Cameroun, en particulier face à l’essoufflement des protections d’arbres après l’arrêt des subventions ?
Oumarou Palou Madi : Grâce au projet Développement Paysanal et Gestion de Terroir (DPGT), plus d’un million de Faidherbia albida ont été préservés dans l’Extrême-Nord du Cameroun, avec une évaluation en 2020 indiquant que 900 000 arbres supplémentaires avaient été conservés depuis 2010. Cependant, un essoufflement des protections d’arbres a été observé après l’arrêt des subventions dans certains villages. Les données montrent une surreprésentation des classes de diamètre de 11-30 cm, suggérant que les arbres plus jeunes ont bénéficié des politiques de conservation. Malgré une augmentation de la superficie des houppiers, la densité des jeunes Faidherbe a diminué, ce qui indique une baisse de la dynamique de conservation, selon les auteurs dans leur étude.
Mongabay : Pourquoi pensez-vous que les agriculteurs s’intéressent aux parcs de Faidherbia albida ?
Oumarou Palou Madi : Les agriculteurs s’intéressent aux parcs de Faidherbia albida en raison de l’insécurité foncière et des amendes que leur imposent les agents de l’État, lorsqu’ils essaient de tailler les arbres. Les avantages des productions et des services offerts par ces parcs se manifestent sur le long terme, tandis que les subventions apportent un revenu immédiat. Cependant, dans des régions comme le centre-sud du Niger, il est important d’accroître la sensibilisation à ces questions. Une prise de conscience des avantages de la pratique a conduit à une expansion positive de la Régénération Naturelle Assistée (RNA).
Mongabay : Comment l’extension des parcs agroforestiers, en intégrant la Régénération Naturelle Assistée (RNA), peut-elle contribuer à la résilience des écosystèmes et des communautés dans les zones subhumides et semi-arides face aux défis posés par le changement climatique ? Et quelles mesures supplémentaires pourraient être mises en place pour renforcer cet effet ?
Oumarou Palou Madi : Face au changement climatique, l’une des recommandations, que nous pouvons formuler, concerne l’extension des parcs agroforestiers dans les zones subhumides et semi-arides. Nous appelons, non seulement les agriculteurs ruraux, mais aussi le gouvernement, à promouvoir ces initiatives. Bien qu’il existe déjà des actions en matière de reboisement et de plantation d’arbres, il me semble essentiel que la Régénération Naturelle Assistée se concentre sur le reboisement ou la reconstitution des écosystèmes forestiers dans les zones arides et semi-arides.
Mongabay : Quelles mesures spécifiques pourraient être mises en œuvre pour garantir la réussite de la Régénération Naturelle Assistée et si vous avez aussi une idée de soutien technique efficace aux agriculteurs ?
Oumarou Palou Madi affirme : Pour garantir le succès de la Régénération Naturelle Assistée, il est impératif que tous les acteurs collaborent au sein d’un cadre concerté réunissant l’ensemble des parties prenantes, en veillant tout particulièrement à aligner les visions des agriculteurs et des éleveurs. Ainsi, la Régénération Naturelle Assistée représente l’une des solutions les plus prometteuses pour les zones semi-arides et arides. De plus, pour réussir cette régénération, il est crucial d’apporter aux agriculteurs un soutien technique et des conseils appropriés, afin de dynamiser leurs actions en sa faveur. En effet, les espèces d’arbres locales possèdent l’avantage d’une meilleure adaptation à leur milieu naturel. La Régénération Naturelle Assistée augmente également les chances pour les jeunes plants de résister aux effets du réchauffement climatique puisqu’ils se développent dans leur environnement naturel.
Mongabay : Comment la mise en œuvre de la Régénération Naturelle Assistée (RNA) dans les pratiques agroforestières peut-elle transformer les dynamiques économiques et écologiques des communautés sahéliennes face aux défis posés par le changement climatique ?
Oumarou Palou Madi : Les avantages économiques et écologiques de cette pratique sont significatifs, notamment en termes de réduction des coûts liés à la plantation d’arbres et d’amélioration de la résilience face aux aléas climatiques, selon cette même étude. Ainsi, l’agroforesterie, par le biais de la RNA, se positionne comme une réponse prometteuse aux défis environnementaux et socio-économiques rencontrés par les communautés sahéliennes. Sur le plan écologique, la Régénération Naturelle Assistée permet de restaurer la population des espèces ligneuses locales menacées de disparition du fait parfois de l’absence des grands-mères capables de fructifier.
Parcs Agroforestiers à Faidherbia: Un atout énergétique et alimentaire en Afrique subsaharienne
Mongabay : Des études ont montré une forte corrélation entre la fertilité du sol et l’effet positif du Faidherbia sur les cultures comme le coton, surtout dans les parcs jeunes. Cependant, l’ombre des vieux arbres peut devenir un facteur limitant pour certaines cultures.
Oumarou Palou Madi : En effet, les espèces d’arbres locales possèdent l’avantage d’une meilleure adaptation à leur milieu naturel. La Régénération Naturelle Assistée augmente également les chances pour les jeunes plants de résister aux effets du réchauffement climatique puisqu’ils se développent dans leur environnement naturel. Le bois de cet arbre, avec un pouvoir calorifique élevé, soulage le fardeau des femmes qui passent des heures à collecter du bois. Une villageoise témoigne : « Le fagot ne vient plus porter sur notre tête, il est venu au-dessus de nos têtes, dans le houppier des arbres ! ».
Mongabay : Économiquement, selon votre étude, le Faidherbia albida joue un rôle crucial en augmentant le rendement agricole, aux communautés rurales. Dites-nous comment ces offres influencent-elles leur mode de vie et leur résilience face aux défis environnementaux ?
Oumarou Palou Madi : Les parcs agroforestiers à Faidherbia albida offrent également des avantages économiques considérables, avec des économies potentielles importantes grâce à la vente de bois et à l’amélioration des rendements agricoles. Ces systèmes agroforestiers contribuent à la durabilité écologique tout en apportant des avantages directs aux communautés rurales sahéliennes. En outre, ces parcs jouent un rôle crucial dans l’alimentation animale durant la saison sèche, fournissant un fourrage nutritif lorsque d’autres ressources sont rares. Les feuilles et gousses de Faidherbia albida complètent les besoins alimentaires des ruminants, apportant l’azote nécessaire pour améliorer la qualité nutritionnelle des fourrages disponibles.
Mongabay : Votre étude a aussi démontré que les bénéfices économiques sont également notables : les économies réalisées grâce à la vente de bois peuvent atteindre jusqu’à 10 50 dollars par an pour les villages concernés. Dans un contexte de changement climatique et d’insécurité alimentaire au Sahel, l’agroforesterie apparaît comme une solution viable.
Le poids d’un fagot de bois dans l’Extrême-Nord du Cameroun< varie de 4 à 8 kg et coûte 365 Francs CFA (soit USD 0,58). En considérant une moyenne de 6 kg par fagot et sachant que le bois est vendu 2 à 3 fois plus cher dans les villes que dans les lieux de production, les parcs permettraient des économies de l’ordre de 5 900 000 francs CFA (soit USD 9449,88) et 6 600 000 francs CFA (soit USD10571,06), respectivement à Gané et Sirlawé.
Une étude menée par Marquant en 2012 révèle que les parcs à Faidherbia albida fournissent une part significative des besoins en bois-énergie des villages de Gané et Sirlawé, respectivement 2 kg et 0,9 kg par habitant et par jour, grâce à un émondage régulier. Les témoignages des villageois, en particulier des femmes, soulignent l’impact positif des parcs à Faidherbia albida. Ces parcs répondent à un quart des besoins en bois-énergie des villages de Gané et Sirlawé, allégeant la charge de collecte pour les femmes et renforçant la sécurité alimentaire des communautés.
Mongabay : Comment l’intégration des connaissances locales dans un cadre concerté impliquant producteurs, agriculteurs et chercheurs peut-elle optimiser la mise en œuvre des pratiques de Régénération Naturelle Assistée dans les parcs agroforestiers ?
Oumarou Palou Madi : Je souligne ici l’importance d’un cadre concerté impliquant tous les acteurs concernés : qu’il s’agisse des producteurs ruraux, des agriculteurs ou encore des acteurs sectoriels et scientifiques. Ces études sur les parcs agroforestiers constituent des exemples significatifs, qui contribueront efficacement à la Régénération Naturelle Assistée, grâce à l’application de pratiques locales. Toutefois, il est essentiel que les gouvernements valorisent également les connaissances locales.
Mongabay : Que faire pour garantir la durabilité de ces pratiques ?
Oumarou Palou Madi : Pour garantir la durabilité de ces pratiques, il est crucial de mettre en place des mesures telles que la sécurité foncière, le soutien institutionnel et la recherche continue. En diversifiant les parcs agroforestiers, nous pouvons préserver la biodiversité et renforcer la résilience des communautés face aux défis environnementaux.
Mongabay : Quelles sont les principales conclusions que vous avez tirées de votre étude ?
Oumarou Palou Madi : En somme, les pratiques agroforestières et la Régénération Naturelle Assistée se positionnent comme des réponses prometteuses aux défis socio-économiques et environnementaux rencontrés par les communautés sahéliennes. Ces méthodes offrent un avenir durable, où les communautés locales peuvent prospérer tout en préservant leur environnement pour les générations futures. Les parcs agroforestiers à Faidherbia albida offrent, non seulement des avantages économiques directs aux communautés rurales sahéliennes, mais contribuent également à la durabilité écologique dans un contexte mondial.
Cependant, pour assurer la durabilité de ces systèmes agroforestiers, plusieurs conditions doivent être remplies: sécurité foncière, droit d’utilisation des ressources, soutien institutionnel et recherche continue pour fournir des données probantes aux décideurs. En diversifiant ces parcs, la préservation de la biodiversité est également essentielle pour la production de produits forestiers non ligneux tout en contribuant à l’atténuation du changement climatique.
Image de bannière : Un arbre Faidherbia albida offre de l’ombre à un troupeau de vaches, moutons et chèvres vers Sandiara au Sénégal. Image de Noah Elhardt via Wikimedia.
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