- La production de viande, en particulier la viande rouge, est l'une des principales sources d'émissions de gaz à effet de serre liées à l'alimentation.
- Chaque étape de la production alimentaire, de la ferme à l'assiette, génère des émissions de gaz à effet de serre.
- Les pays riches, avec une consommation élevée de viande et de produits ultra-transformés, sont les principaux responsables des émissions liées à l'alimentation, tandis que les pays en développement souffrent de la malnutrition.
- Pour lutter contre le changement climatique, il est urgent de modifier nos habitudes alimentaires en privilégiant les aliments d'origine végétale et en réduisant notre consommation de viande. Cette transition nécessite un engagement collectif de tous les acteurs, des gouvernements aux citoyens
Chaque bouchée que nous mangeons laisse une empreinte sur notre planète. Loin d’être une simple affirmation, cette réalité est la conclusion des résultats d’une étude récente, publiée le 14 août 2024, dans la prestigieuse revue Nature Climate Change. Cette étude a essayé d’identifier les endroits où des efforts peuvent être faits pour lutter contre le changement climatique à travers les choix des consommateurs.
Sur la base de données détaillées de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) relatives aux dépenses des ménages, l’équipe de chercheurs internationaux a évalué la répartition inégale des émissions alimentaires provenant de 140 produits alimentaires dans 139 pays ou régions et a modélisé les changements d’émissions liés aux modifications des régimes alimentaires mondiaux.
« Nous avons utilisé les données que publie la FAO sur les émissions de gaz à effet de serre à différentes étapes de la production alimentaire. Ces émissions sont quantifiées du site de production jusqu’au site de consommation, en utilisant des modèles de flux commerciaux. Ensuite, les émissions sont associées à des régimes alimentaires spécifiques et à différents groupes de consommateurs pour quantifier les habitudes alimentaires et les émissions dans un cadre général », explique Klaus Hubacek, professeur en sciences, technologie et société à l’université de Groningen, aux Pays-Bas et co-auteur de l’étude.
L’analyse rigoureuse de ces données a permis aux chercheurs de mettre en évidence un lien direct entre notre alimentation et les émissions de gaz à effet de serre (GES). « Les émissions alimentaires mondiales sont responsables d’environ un tiers des émissions totales de gaz à effet de serre », dit Hubacek. Derrière ce chiffre, se cache un système alimentaire complexe, où chaque étape de la production à la consommation génère des émissions.

L’élevage, un poids lourd dans les émissions des gaz à effet de serre
Les gaz à effet de serre (GES) jouent un rôle central dans le réchauffement climatique. Leur augmentation est due aux activités humaines, notamment aux choix alimentaires.
Parmi les aliments les plus émetteurs, les chercheurs ont découvert que la viande, en particulier la viande rouge, occupe une place de choix. « Nos choix alimentaires, notamment la surconsommation de viande et de produits laitiers, contribuent largement au réchauffement climatique », affirme Hubacek.
Il explique aussi que l’élevage de bovin, par exemple, est une source majeure de méthane, un gaz à effet de serre particulièrement puissant.
Les disparités de l’impact alimentaire entre pays riches et pauvres
Si l’impact de l’alimentation sur le climat est une réalité globale, les responsabilités dans la production des gaz à effet de serre ne sont pas réparties de façon équitable. En effet, les pays à fort pouvoir d’achat, avec une consommation élevée de viande et de produits ultra-transformés, sont les principaux émetteurs. « Au sein des pays, les groupes de consommateurs ayant des dépenses plus élevées génèrent généralement plus d’émissions alimentaires », explique Dr Yanxian Li, chercheuse à l’Institut de recherche en énergie et durabilité de Groningen (ESRIG) de l’université de Groningen.
A l’inverse, les pays en développement, souvent confrontés à la malnutrition, ont une empreinte carbone alimentaire plus faible. « Ce que nous observons, est que les pays à faible revenu contribuent peu aux émissions, en raison de leur incapacité à consommer suffisamment d’aliments nutritifs », ajoute Li, co-auteure de l’étude.
L’adoption des «régimes alimentaires santé planétaire» comme solution pour notre santé et la planète
Face à ce constat alarmant, les chercheurs préconisent un changement radical de nos habitudes alimentaires. Ils recommandent l’adoption mondiale de régimes alimentaires sains issus de systèmes alimentaires durables (régimes alimentaires santé planétaire ou EAT-Lancet).
Selon le Rapport de la Commission EAT-Lancet publié en février 2019, ce régime est un modèle alimentaire qui propose des recommandations pour une alimentation saine et durable. Il s’agit de trouver un équilibre entre les besoins nutritionnels de l’individu et les limites de notre planète. En d’autres termes, il s’agit de manger de manière à préserver notre santé, tout en réduisant notre impact environnemental en privilégiant les aliments d’origine végétale, tels que les fruits, les légumes, les légumineuses et les noix comme principales sources de protéines.
« Le régime de santé planétaire présente des opportunités pour améliorer la santé publique et réduire les émissions de gaz à effet de serre », explique Dr Elie Kolani Tchanate, enseignant-chercheur à l’université de Lomé (Togo) et spécialiste de l’agriculture urbaine et périurbaine durable.
Grâce à ces changements alimentaires, les chercheurs estiment que les émissions alimentaires mondiales annuelles actuelles diminueraient d’environ ⅕. De même, plus de la moitié (56,9 %) de la population mondiale, qui consomme actuellement de manière excessive, réduirait d’environ un tiers les émissions mondiales. Combinées, ces efforts permettraient de compenser l’augmentation d’environ 1/6 des émissions mondiales provenant des populations actuellement à faible revenu, qui consomment moins et qui se seraient dirigées vers des régimes alimentaires plus sains.

Selon Dr Combé Sélom Anani, spécialiste du développement des systèmes de production agricole durable, et Vice-président de WAfroNet, une organisation caritative qui réunit et représente les acteurs du secteur biologique en Afrique de l’Ouest, il est urgent de promouvoir des régimes alimentaires plus durables « basés sur des produits locaux et de saison, et de réduire notre consommation de viande » pour relever le défi.
Ce dernier explique qu’en Afrique subsaharienne et au Togo en particulier, l’utilisation excessive d’engrais chimiques, peut entraîner une pollution des sols et des eaux et contribuer à l’émission de gaz à effet de serre. Du coup, il faudra adapter les politiques alimentaires aux spécificités de chaque pays. « Nous devrions avoir des politiques ciblées différentes. Et pour la population en Afrique subsaharienne, la priorité reste d’améliorer leur nutrition et de répondre à leurs besoins alimentaires de base », dit Hubacek.
Il précise qu’il s’agit d’encourager une agriculture durable, de soutenir les producteurs locaux et de favoriser l’accès à des aliments sains et variés.
« Il est essentiel que les gouvernements et les organisations collaborent pour éduquer les populations sur les bienfaits des régimes alimentaires durables », conclut Anani.
Image de bannière : Vente de viande au marché de Makenene au Cameroun. Image par Jasmine Halki via Flickr (CC BY 2.0).
Citation :
Li, Y., He, P., Shan, Y., Li, Y., Ye Hang, Y., Shao, S., Ruzzenenti F. & Klaus Hubacek K. (2024). Reducing climate change impacts from the global food system through diet shifts, Nature Climate Change, 14, 943–953. https://doi.org/10.1038/s41558-024-02084-1
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