- La loi interdit la capture des espèces halieutiques protégées, des espèces aquatiques intégralement protégées ainsi que l’utilisation des appareils pouvant nuire à la faune ou à l’environnement aquatique.
- Des amendes et des peines de prison sont prévues pour les auteurs de pêche illicite, non déclarée et non réglementée.
- Les pêcheurs pensent que cette loi est bonne, mais il faut un suivi pour son application.
L’interdiction de la capture des espèces halieutiques protégées, des espèces aquatiques intégralement protégées ou encore de l’utilisation des substances pouvant enivrer ou détruire les poissons sont quelques points forts de la nouvelle loi régissant la pêche et l’aquaculture au Cameroun. Promulguée le 23 décembre 2024, par le président camerounais, Paul Biya, cette loi de 105 articles remplace la précédente qui datait du 20 janvier 1994.
Selon l’exposé des motifs ayant conduit à cette loi adoptée par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat lors de la session parlementaire de novembre 2024, le nouveau texte « vise spécifiquement à corriger les insuffisances qui ont exposé notre pays à des sanctions infligées par l’Union européenne et les Émirats arabes unis, interdisant l’importation au sein de leurs territoires des produits halieutiques camerounais, au motif de la pratique de la pêche dite « INN», parce qu’illicite, non déclarée et non réglementée ».
De plus, le texte « s’inscrit dans un contexte mondial marqué notamment par les obligations de préservation de la biodiversité, de protection du droit d’usage des populations riveraines, de gestion durable, responsable et participative des écosystèmes ».

La principale innovation de cette loi est l’accent mis sur la gestion durable des activités de pêche, assortie de sanctions administratives et pénales pour les contrevenants.
L’article 26 de la loi, par exemple, interdit la capture des espèces halieutiques protégées et des espèces aquatiques intégralement protégées. Si elles sont accidentellement capturées, elles doivent être remises à l’eau. Si elles ne sont plus vivantes au moment de leur capture, une déclaration doit être faite aux administrations en charge de la faune et de la pêche. L’alinéa 4 de cet article spécifie que « les espèces aquatiques intégralement protégées débarquées sont systématiquement saisies par l’administration compétente ».
Il est prévu un emprisonnement d’un à 5 ans et une amende de 200 000 à 500 000 francs CFA (soit 310 à 777 USD) pour celui qui exerce la pêche artisanale à but lucratif sans permis, blesse, donne la mort, pêche ou capture sans autorisation de l’autorité compétente des mammifères et autres espèces protégées.
Intégrer les communautés riveraines dans le suivi
Daniel Moukoko est le vice-président de l’Association des pécheurs dynamiques du Lac Ossa, une réserve de faune camerounaise bénéficiant d’un statut d’aire protégée à cause de la présence de plusieurs espèces protégées telles que le lamentin et la tortue à carapace molle.
« Les communautés vivant autour du lac Ossa ont été sensibilisées depuis longtemps à l’importance des espèces protégées comme le lamentin, et nous ne les capturons plus. Nous vivons grâce au lac et à la pêche. Nous sommes conscients que si nous ne faisons pas attention, le poisson peut finir, et c’est nous qui serons perdants. Sauf que le lac est un espace ouvert, n’importe qui peut venir y pêcher et, généralement, ceux qui utilisent les méthodes de pêche interdites viennent la nuit. C’est bien de voter les lois, mais il faut aussi le suivi, et surtout, il faut intégrer les communautés riveraines dans ce suivi », dit Moukoko à Mongabay.

L’article 27 (f) interdit « la pratique de la pêche à l’aide de la dynamite, ou de tout autre explosif ou assimilé, de substances chimiques, de poisons, de l’électricité, d’armes à feu, de pièges à déclenchement automatique ou de tout autre appareil pouvant avoir une action destructrice sur la faune ou le milieu aquatique ».
Il est également interdit d’utiliser des substances pouvant enivrer ou détruire les poissons. Lors de l’établissement des plans d’aménagement, des mesures de conservation des ressources halieutiques et des écosystèmes aquatiques doivent être prises pour la protection de certaines espèces aquatiques, la protection des végétaux et des animaux marins dans la zone verticale et les mangroves, la protection des frayères, des nurseries, des zones de refuge des espèces biologiques et des écosystèmes aquatiques.
« Cette loi est venue régulariser ce que le pêcheur artisanal de notre communauté faisait déjà. Nous avions déjà constaté que pour notre propre survie, nous devons adopter de bonnes méthodes de pêche. Nous sommes en contact direct avec les populations. Donc, si, par exemple, nous vendons un poisson qui a été tué avec des produits toxiques, le consommateur va le sentir et, la prochaine fois, il ira acheter son poisson ailleurs. Cela nous oblige à essayer de bien faire les choses », dit à Mongabay Eli Priso, secrétaire général de l’Association des pêcheurs du Wouri, un fleuve situé dans le littoral du Cameroun.

La loi prévoit que quiconque pratique la pêche industrielle à l’aide de substances chimiques ou de poison est puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de 20 à 25 millions de francs CFA (soit 31 000 à 38 850 USD). La peine est de deux à cinq ans de prison et une amende de cinq à 10 millions (7700 à 15500 USD) pour ceux qui pratiquent la pêche industrielle en déversant des polluants industriels, agricoles ou domestiques dans les milieux aquatiques. L’emprisonnement est d’un à cinq ans et l’amende de 15 à 30 millions (23300 à 46600 USD) pour ceux qui utilisent tout appareil entrainant la destruction de la faune ou du milieu aquatique.
Robillard Kouekam, ingénieur halieutique et chargé du suivi écologique au sein de l’ONG camerounaise « Association pour la Conservation de la Biodiversité », pense que « cette loi est une grande avancée pour la gestion durable de la pêche. Il convient cependant de trouver des mesures de suivi-contrôle-surveillance adéquates, adaptées aux contextes socio-politique et sécuritaire de chaque pêcherie ».
« L’État doit mettre les moyens pour faire appliquer cette loi auprès de ceux qui pratiquent la pêche industrielle et semi-industrielle. Ce sont eux qui sont le plus susceptibles de causer de gros dégâts, car ils ont de gros moyens et ne vendent pas leur pêche directement au consommateur, donc ne sont pas facilement traçables en cas de problèmes », dit Priso.
L’autre nouveauté du texte est l’introduction des mesures de l’Etat du port qui disposent, à l’article 22 de la loi, que le ministère en charge des pêches, en collaboration avec les administrations concernées, « prend des mesures de contrôle en vue de prévenir, lutter et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Ledit ministère coopère et échange les informations avec les États et organisations internationales intervenant dans le secteur de la pêche, ainsi que les organisations régionales de gestion des pêches ».
L’International Organization Maritime, qui est l’agence spécialisée des Nations unies chargée de réglementer le transport maritime, définit le contrôle par l’état de port comme : « l’inspection des navires étrangers dans les ports nationaux pour vérifier que l’état du navire et de son armement est conforme aux prescriptions des règles internationales et que le navire est doté d’effectifs et est exploité conformément à ces règles ».
Image de bannière : Un pêcheur jetant son filet, à Gorom, au Cameroun. Image de de Daniel Tiveau/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
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