- Les dix nouveaux principes fondamentaux clarifient l'application des normes internationales en matière des droits de l’homme à la conservation.
- Parmi les groupes cibles concernés par ces nouveaux principes, figurent notamment les peuples indigènes qui dépendent directement des écosystèmes naturels au niveau des points névralgiques de biodiversité comme le bassin du Congo.
- Un élément clé des nouveaux principes fondamentaux fait obligation aux organisations de conservation à respecter les normes internationales des droits de l’homme susceptibles de placer la barre plus haute que les législations nationales.
- Les peuples autochtones, dans la plupart des pays continuent d'être laissés pour compte.
De 2022 à 2024, le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE) a supervisé un processus multipartite visant à clarifier la manière dont les normes harmonisées en matière des droits de l’homme doivent désormais être appliquées tant par les organismes privées de conservation que par les bailleurs de fonds.
A la base des dix nouveaux principes fondamentaux élaborés pour guider les acteurs de la conservation, figurent désormais les droits des peuples autochtones, qui sont devenus une composante importante du droit international et des politiques internationales.
Alors que la marge de manœuvre pour la plupart des organismes privés de financement de la conservation n’est pas clairement définie, plusieurs milliards de dollars sont régulièrement allouées en vue d’appuyer différentes initiatives de conservation de la biodiversité au niveau des aires protégées d’Afrique centrale.
Une conservation fondée sur les droits
Lors d’un webinaire animé le 13 décembre 2024, les avis des panelistes étaient unanimes sur le fait que les peuples autochtones et les autres personnes dépendant directement des écosystèmes naturels pour leur bien-être matériel, culturel et spirituel ont été laissés pour compte pendant trop longtemps.
« Dans un monde en perpétuelle évolution, les efforts de conservation en cours doivent protéger à la fois les écosystèmes et les droits des communautés qui sont les gardiens de la biodiversité dans ces aires naturelles protégées », a souligné John Knox, premier expert indépendant sur les droits de l’homme et l’environnement de l’Organisation des Nations unies (ONU).
Le mandat relatif aux droits de l’homme et à l’environnement a pour objectif principal de promouvoir les meilleures pratiques en matière d’utilisation des droits de l’homme dans l’élaboration des politiques environnementales.

En Afrique centrale, plus particulièrement dans le bassin du Congo, les intervenants lors du webinaire soulignent que le refus d’accès aux ressources traditionnelles pour la nourriture, le logement et la phytothérapie, en vertu des lois restrictives sur la conservation des parcs nationaux, a eu un impact particulièrement néfaste sur les communautés indigènes et afro-descendantes.
Certes, ils reconnaissent que des approches collaboratives et l’apprentissage par les pairs ont permis de soutenir et d’orienter les différents acteurs de la conservation dans la mise en œuvre de ces nouveaux principes fondamentaux des droits de l’Homme, essentiellement inhérents aux communautés autochtones qui assurent leur alimentation en exploitant exclusivement des ressources naturelles.
Andrea Carmen, directrice exécutive du Conseil international des traités indiens et co-présidente de la plate-forme des communautés locales et des peuples autochtones, mise en place lors de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique, à Paris (COP21), estime que la mise en œuvre des principes fondamentaux du PNUE figure parmi les réussites des agences onusiennes.
Selon elle, les peuples autochtones, dans la plupart des pays et des régions à travers le monde, continuent d’être laissés pour compte et certaines mesures ont été pendant longtemps appliquées au niveau de leurs territoires sans leur consentement.
Modèles de conservation plus efficaces
À titre d’exemple, les Principes indiquent que les acteurs privés de la conservation doivent « soutenir les peuples autochtones…dans l’exercice de leurs droits et promouvoir la réalisation de ces droits… ». Ce soutien proactif à l’exercice des droits dans les activités de conservation est une composante indispensable des approches fondées sur les droits.
Alors que dans la plupart des cas, les peuples autochtones ont leurs coutumes, traditions et parfois une législation qui leur sont propres, certains panelistes affirment que les régions les plus biologiquement riches, comme le bassin du Congo, doivent absolument se donner les moyens de relever les défis majeurs, en ce qui concerne, notamment, la mise en exécution de ces nouveaux principes fondamentaux.

L’un des défis majeurs identifiés, lors du lancement de ce nouveau rapport, réside dans l’absence des connaissances et le manque de compétences de la part de certaines organisations de conservation, quant aux des textes juridiques en matière de protection des droits de l’homme.
Ces principes guident les acteurs privés vers une approche de la conservation fondée sur les droits de l’homme, favorisant des pratiques plus inclusives et équitables qui protègent les droits des peuples autochtones et d’autres acteurs en matière de conservation.
Hugo Jabini, représentant de l’une des principales communautés autochtones au Suriname en Amérique latine et lauréat du Prix Goldman 2009, déplore que les peuples indigènes aient été pendant longtemps confrontés à plusieurs risques en raison de mesures de conservation exclusives.
« L’autonomie de notre terre ancestrale doit être également considérée comme une question de droit humain, car les peuples autochtones ont besoin d’un accès privilégié à cette ressource », a-t-il fait remarquer dans son intervention.
La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée en 2007 par l’Assemblée générale de l’ONU, encourage de manière explicite l’établissement de relations harmonieuses de coopération entre les États et les peuples autochtones.
Dans son intervention, Jabini a par ailleurs souligné qu’on assiste toujours, dans certaines régions, à la présence d’entreprises multinationales responsables de l’accaparement des terres occupées par les communautés autochtones.
« Le harcèlement quotidien des populations vivant sur ces terres est une pratique courante », déplore-t-il.
Toutefois, Meg Caldwell, vice-présidente par intérim chargée de l’Environnement et Science à David and Lucile Packard Foundation, une initiative globale basée en Californie aux Etats-Unis et qui offre différents programmes de financement pour la conservation, estime que les collaborations fondées sur des responsabilités claires, vont contribuer à la mise en œuvre des principes fondamentaux des droits de l’homme en matière de conservation.
En vue d’appuyer ces efforts, cet organisme a octroyé une subvention de plusieurs millions de dollars américain, afin d’appuyer les initiatives visant le renforcement des capacités pour différents acteurs en matière des droits de l’homme et de la conservation.
« Ces acteurs ont besoin d’acquérir des compétences sur des règlements et conventions internationaux qui régissent la protection des ressources naturelles et culturelles », affirme-t-elle.

Abondant dans le même sens, Nisha Owen, Directrice exécutive de Global Greengrants Fund, l’une des principales organisations basée au Royaume Uni et qui octroie le financement pour appuyer les efforts locaux visant à défendre les droits humains des peuples autochtones.
« La conservation inclusive reconnaît le rôle essentiel des communautés locales et la justice climatique doit être au cœur de la prise des décisions », affirme Owen dans son intervention.
Si les initiatives locales favorisent une implication directe des communautés dans les efforts de conservation, renforçant ainsi leur sentiment de responsabilité envers ces sites précieux, Owen souligne que les peuples autochtones ont prouvé qu’ils sont les meilleurs gardiens des précieux services écosystémiques et ont le droit de demander la restitution de leurs terres.
Astrid Puentes Riaño, rapporteur spécial sur la question des obligations relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable pour le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), observe que la mobilisation des connaissances en matière des droits de l’homme s’avère aussi indispensable pour les principaux bailleurs, pour la conservation en Afrique notamment.
« Nous vivons une époque d’inégalités qui ne se manifestent pas, non seulement entre les communautés et l’État, mais aussi avec les acteurs du secteur privé mobilisés au service de la conservation», affirme Puentes, qui plaide pour plus d’efforts, pour faire progresser concrètement la justice sociale.
Image de bannière : Sensibilisation communautaire dans le village de Pona, dans la réserve de Tumba-Lediima. Lukolela, République démocratique du Congo. Image d’Ollivier Girard/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
Citation :
United Nations Environment Programme (2024). Core Human Rights Principles for Private Conservation Organizations and Funders. https://wedocs.unep.org/20.500.11822/46756
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