- Seize des 48 lémuriens victimes de trafic à Madagascar, et saisis en Thaïlande depuis mai, sont retournés au pays ce dimanche.
- Les 32 restants, plus 915 tortues radiées et tortues araignées, arriveront les 3 et 12 décembre.
- Un protocole strict est appliqué pour la prise en charge de ces animaux à leur retour avant leur réintroduction dans la nature.
- Six personnes sont en prison en Thaïlande et neuf autres à Madagascar suite à cette affaire. Trois individus font aussi l’objet d’un mandat d’arrêt international.
ANTANANARIVO, Madagascar — Seize lémurs catta (Lemur catta), en séjour forcé durant des mois en Thaïlande, ont été chaleureusement accueillis à l’aéroport international d’Antananarivo Ivato, dans l’après-midi du dimanche 1er décembre 2024. Leur retour au pays fait suite à la décision des autorités thaïes de les restituer à Madagascar, leur pays d’origine.
Dès leur arrivée, les seize lémuriens, tous en bonne santé, ont rejoint le Lemur Rescue Center de la réserve Reniala située à Mangily, à 27 kilomètres au nord de la ville de Toliara, dans le sud-ouest de l’île. Géré par l’ONG Reniala, le parc privé est dédié à la conservation ex situ de L. catta, une espèce en danger d’après la Liste Rouge de l’UICN et classée à l’Annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
« Le Lemur Rescue Center prend soin de lémuriens confisqués par les autorités gouvernementales malgaches. Nous avons actuellement 28 lémurs à queue, avec beaucoup d’autres dans la ‘file d’attente’ de sauvetage. Notre but ultime est de reconstituer des groupes sociaux stables et ensuite de les réintroduire à l’habitat sauvage, tout en réalisant un suivi et de surveiller leur bien-être », lit-on au passage sur le portail d’information de l’ONG consulté dans la matinée du 2 novembre.
Les seize lémuriens ont quitté samedi Suvarnabhumi, le principal aéroport de la Thaïlande, à bord d’un vol de Qatar Airways. Ces mammifères ont fait une escale en Afrique du Sud avant d’être ramenés à leur terre d’origine sur un autre vol. Le ministre de l’Environnement et du Développement durable, Max Andonirina Fontaine, en personne a accompagné ces animaux au bercail.
« Nous sommes impliqués pour prouver que ces animaux sont venus de Madagascar et non d’Indonésie », a dit Fontaine à la presse, d’un ton ferme, visiblement fatigué du long voyage. Avec 32 spécimens de lémur brun (Eulemur fulvus), vulnérables selon la Liste Rouge, ces lémuriens clandestinement exportés en Asie du Sud-Est, ont transité en Indonésie avant leur confiscation le 1er mai par les autorités thaïes. Jakarta en a alors réclamé le droit de propriété. Mais Antananarivo a prouvé à la face du monde que ces espèces sauvages vivent exclusivement à Madagascar.
Les seize lémurs catta doivent arriver au Lemur Rescue Center dans la soirée de lundi 2 novembre ou au plus tard demain, après un peu moins d’un millier de kilomètres de route pas en très bon état. « Le ministère s’occupe de leur déplacement et un médecin-vétérinaire accompagne le convoi », a dit à Mongabay, Pr Jonah Ratsimbazafy, un éminent primatologue surnommé « père des lémuriens ».
Sur Facebook, Fontaine a affirmé que les 32 individus d’E. fulvus, qui sont encore en rade en Thaïlande, avec un total de 915 tortues radiées (Astrochelys radiata) et tortues araignées (Pyxis arachnoides) – des espèces en danger critique selon la Liste Rouge de l’UICN – sont attendus à Antananarivo, les 3 et 12 décembre. « Elles [les tortues] commencent à arriver le 3 décembre. Le dernier envoi aura lieu le 12 décembre », a-t-il précisé à Mongabay.
Initialement, le nombre total d’animaux sauvages malgaches en contrebande saisis en Thaïlande est de 1 282, dont 1 234 tortues (certaines sont mortes) et 48 lémuriens. Des mois de négociations ont abouti à leur restitution à leur pays natal. Après trois reports successifs, les présentes opérations de rapatriement auraient dû démarrer le 28 novembre. Mais, des détails purement techniques, liés aux dimensions des cages à animaux, ont imposé un report de deux jours supplémentaires.
A part les lémurs catta confiés à l’ONG Reniala, les 32 individus d’E. fulvus qui arriveront prochainement, seront répartis dans des parcs privés dans la banlieue sud d’Antananarivo, à Mahajanga, sur le littoral nord-ouest, et à Andasibe Moramanga, sur les hautes terres orientales malgaches. Quant aux tortues, les individus d’A. radiata seront renvoyés dans l’extrême sud-est et les rescapés de P. arachnoides rentreront dans le sud-ouest de l’île. Elles seront de nouveau bien chez elles dans ces deux régions.
La réintroduction dans la nature de ces animaux rapatriés est prévue dans quelques mois. Entre temps, un protocole strict est appliqué pendant leur prise en charge. Il est interdit de les mêler à leurs congénères pour prévenir des contaminations auxquelles ils auraient pu bien être exposés durant leur séjour à l’étranger. Ils seront relâchés dans la nature une fois que leur santé le permet. Ils bénéficieront toujours d’un suivi minutieux après la relâche dans leur habitat naturel.
L’investigation sur le trafic d’espèces sauvages démasqué à plusieurs milliers de kilomètres des frontières malgaches continue, d’après le ministre. Ce dernier a rappelé que, dans cette affaire, six personnes ont été arrêtées et emprisonnées en Thaïlande. Neuf individus sont aussi détenus à Madagascar et trois autres font l’objet d’un mandat d’arrêt international.
« L’objectif est de démanteler les réseaux de trafiquants de nos espèces », dit Fontaine. Le trafic d’espèces sauvages est certes classé parmi les crimes transnationaux organisés. La lutte contre ce fléau de la biodiversité nécessite l’intervention des services de renseignements financiers et de toute une ramification d’organes de lutte anti-corruption.
Image de bannière : Accueil à Antananarivo Ivato le dimanche après-midi des premiers lémuriens restitués à Madagascar par les autorités thaïes. Image de Max Andonirina Fontaine avec son aimable autorisation.
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