- Le Gourma est une zone du Mali située sur la rive droite du fleuve Niger partagée entre le Centre et le Nord du pays, servant d’espace abritant les éléphants.
- Une récente publication du PNUD estime que 12 % des éléphants de l’Afrique de l’Ouest vivent dans cet espace.
- Ces pachydermes, guidés par l’instinct de survie, sont en perpétuel mouvement entre le Mali et le Burkina Faso. En juin 2023, un comptage visuel en a dénombrés dans le Gourma du Mali, selon le service des Eaux et forêts de la zone.
- Menacés par la sécheresse, l’insécurité, le braconnage et le conflit avec les humains, ces éléphants sont considérés comme le dernier troupeau d’éléphants sahéliens le plus septentrional d’Afrique, en voie de disparition.
Dans la région du Gourma, une zone semi-aride située à la porte du Sahara , les éléphants du Gourma parcourent chaque année des centaines de kilomètres pour se nourrir, alors que les pâturages sont de plus en plus rares dans ce coin du Sahel. Contacté par Mongabay, Dr Steeve Ngama, Chercheur à l’Institut de Recherches Agronomiques et Forestières du Gabon et membre du Groupe des spécialistes de l’éléphant africain de l’UICN, explique « les éléphants du Gourma sont particulièrement adaptés aux conditions arides. Ils ont développé des stratégies pour faire face à la rareté de l’eau, telles que l’exploitation des points d’eau temporaires et la capacité à se nourrir de diverses plantes résistantes à la sécheresse ».
Oumar Ag Saloum, Premier adjoint au maire de la Commune de Inédiatafane a confié à Mongabay que « les éléphants restent, dans notre zone, jusqu’aux premières pluies, pour ensuite migrer vers le sud et se retrouver dans la zone frontalière entre le Mali et le Burkina ».
Le spectre de la disparition de l’éléphant du Gourma
« Les éléphants vivaient en parfaite harmonie avec les populations. Ils étaient là et se promenaient entre les concessions. C’était notre quotidien. Malheureusement, ce lien si fort a dispar.u au fil du temps. Trois individus solitaires viennent souvent faire un tour éclair et repartent », affirme Saloum.
La crise sécuritaire de 2012, qui a secoué le Mali, n’a pas épargné les animaux et la végétation. L’éléphant du Gourma, auparavant en parfaite harmonie avec la nature, en a, lui aussi, souffert. « Le sanctuaire des éléphants était la marre de Banzena, mais le déplacement des populations a créé une concurrence énorme pour l’eau. Ce qui fait qu’ils sont moins présents dans la zone », confirme le Colonel-major Beydari Traoré, Directeur Régional des Services des Eaux et Forêts de Tombouctou.
L’expansion démographique et l’agriculture intensive détruisent de façon considérable les habitats naturels de ces éléphants. « Dans le Gourma, les éléphants font face à la dégradation de leur habitat. Ce sont des êtres qui consomment beaucoup de biomasse végétale. À chaque fois que leur habitat se dégrade, leur condition de vie se dégrade. Conduits par l’instinct de survie, ils pénètrent généralement les champs et les conflits avec les humains s’amorcent », poursuit-il.
Le Colonel Traoré explique que les tensions et les représailles des populations locales contre ces éléphants ne justifient pas seules les carcasses trouvées sur les différents trajets des éléphants. Phénomène mondial, le braconnage s’est accentué au Mali en raison de l’insécurité. La plupart des éléphants morts ont été retrouvés sans leurs défenses, alors même que l’ivoire de l’éléphant du Gourma est « moins prisé » sur le marché international en raison de sa qualité inférieure, nous confirme Dr Ngama. Cependant, la création de la brigade anti-braconnage, basée à Douentza, constituée des éléments des forces armées maliennes et des forestiers, a contribué de façon significative à maîtriser ce mal.
Depuis 2002, l’ONG Wild Foundation, basée à Douentza, en partenariat avec l’Etat du Mali, pilote le projet des éléphants du Mali (PEM). « Le Projet avait beaucoup investi dans la gestion communautaire des ressources naturelles pour améliorer les moyens de subsistance et la capacité des collectivités locales à coexister avec les éléphants. Malheureusement, la plupart des installations réalisées ont été volées ou sabotées », a dit Sidi Elmoctar Haidara, un ancien agent de ladite ONG. Tandis que les humains semblent ignorer les conséquences de ces actes, l’écosystème en paye le prix. « La disparition de l’éléphant du Gourma engendre des répercussions écologiques profondes, affectant la végétation, les autres espèces animales, les écosystèmes aquatiques, le sol et les nutriments », a dit Ngama contacté au téléphone par Mongabay.
Quel cadre légal de protection ?
Connue autrefois sous l’appellation de « réserve partielle », conformément à l’arrêté N°59-53/AL/RS du 30 septembre 1959, l’espace où vivent les éléphants, est devenu la « Réserve de la biosphère du Gourma » à la faveur de la promulgation de la loi N° 2021-064 du 14 décembre 2021. Ladite réserve couvre une superficie de 4 000 000 hectares et est constituée de trois ensembles : l’aire centrale, la zone tampon et la zone de transition. Les deux premières sont en interdiction totale d’activités (chasse, pêche etc…), elles sont entièrement réservées aux conditions de vie des éléphants. Seule, la zone de transition est ouverte aux activités agricoles et autres. Toutefois, cette loi semble en déphasage avec les réalités actuelles du terrain. Bien que des sanctions pénales soient prévues en cas de transgression, les activités interdites s’y déroulent.
Outre cette loi, le Mali fait partie des 13 Etats de l’aire de répartition à signer le Mémorandum de la CMS sur les éléphants d’Afrique de l’Ouest, afin de permettre à toutes les parties prenantes de contribuer à la restauration et au maintien des populations d’éléphants et de leurs habitats.
« Le service des eaux et forêts, chargé de la gestion de la réserve, manque de moyen et de personnel pour mener à bien sa mission. Des difficultés, qui entravent l’application des textes », a dit Traoré.
A la suite de Wild Foundation, le PNUD et d’autres organisations ont mené des projets parallèles pour la protection de ces pachydermes. Néanmoins, le contexte sécuritaire semble demeurer la condition sine qua non du devenir de ce patrimoine national. « Bien que des progrès significatifs ont été réalisés, la protection des éléphants nécessite le retour de la sécurité pour permettre, aux services techniques et aux partenaires de l’Etat, de faire leur travail de protection », conclut le Colonel Traoré.
Image de bannière : La réserve des éléphants du Gourma est le seul endroit du Sahel où l’on peut rencontrer des éléphants.