- Au début de mars, 175 pays se sont mis d’accord sur un cadre des Nations unies visant à lutter contre la pollution plastique mondiale sur tout le cycle de vie. Des nations réticentes, notamment l’Inde et le Japon, cherchaient un accord beaucoup plus limité, ne traitant que de la pollution plastique des océans. Mais, ils ont finalement accepté.
- Un comité commencera bientôt à travailler à l’élaboration du traité, à la définition de règles mondiales, et de mécanismes de financement et d’application, avec l’objectif d’avoir terminé d’ici à la fin 2024.
- Alors que de nombreux détails cruciaux restent à régler pendant les deux prochaines années, la résolution de l’ONU demande une combinaison de mesures contraignantes et « volontaires » pour faire face à la crise du plastique sur l’ensemble de son cycle de vie. Le document traite même de l’extraction des produits chimiques utilisés pour la production, ce qui veut dire que le traité final pourrait avoir un gros impact sur l’industrie pétrolière.
- D’autre part, les nations plus riches pourraient être appelées à fournir de l’aide aux nations moins développées. Les groupes de défense de l’environnement sont satisfaits de l’accord, tout en insistant sur le fait que le travail est loin d’être achevé. L’industrie des plastiques avait espéré un accord bien plus limité, et elle devrait fournir des commentaires sur la forme finale du traité.
Au début de mars, le monde s’est mis d’accord pour avancer sur un accord international historique pour contrôler la pollution plastique. Maintenant, le vrai travail de transformation de ce consensus en réalité commence.
Le Pérou, le Rwanda, la Norvège et l’Union européenne (UE) ont mené la lutte pour un traité complet sur les plastiques, et les 175 pays participants à l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (ANUE) à Nairobi, au Kenya, ont voté le 2 mars en faveur d’une résolution appelée « Mettre fin à la pollution plastique : vers un instrument international juridiquement contraignant. »
Le cadre plaide en faveur de règles mondiales et de mécanismes de financement et d’application visant à réglementer les plastiques de la fabrication jusqu’à l’élimination, tout cela devant être discuté, si tout va bien, d’ici la fin 2024, et les termes du traité final négociés avant 2025. Toutefois, la résolution finale appelle l’échéance de fin 2024 « une ambition », pas une date limite.
Les pays de l’ONU réunis à Nairobi la semaine dernière ont réalisé que le monde ne peut pas se contenter de se frayer un chemin à travers la crise des plastiques en les recyclant et en les brûlant. À la place, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) énumère des objectifs visant à offrir « diverses alternatives pour traiter le cycle de vie complet des plastiques, la conception de produits et de matériaux réutilisables et recyclables, et la nécessité d’une collaboration internationale renforcée pour faciliter l’accès aux technologies, le renforcement des capacités et la coopération scientifique et technique ».
Inger Andersen, la directrice exécutive du PNUE a appelé l’accord sur le traité « l’accord multilatéral sur l’environnement le plus important depuis l’Accord de Paris (sur le climat) », signé en 2015 pour combattre le changement climatique.
En mai, un groupe de travail spécial à composition non limitée de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (ANUE) se réunira au Sénégal pour créer un calendrier, des règles de procédures et d’organisation pour un comité de négociation international qui reprendra alors le processus. « Tous les membres de l’Assemblée générale de l’ONU seront invités à participer », a déclaré Andersen.
Ce deuxième groupe prendra ses fonctions après le mois de juin et organisera un forum en octobre ou novembre 2022, avec probablement plus de réunions importantes au cours des deux prochaines années. Le plan prévoit au bout du compte une conférence diplomatique au cours de laquelle les pays signeront l’accord final.
Entre-temps, Andersen a déclaré, « le PNUE travaillera avec tous les gouvernements et les entreprises qui le souhaitent, tout au long de la chaîne de valeur, pour abandonner les plastiques à usage unique, ainsi que pour mobiliser les financements privés et supprimer les obstacles aux investissements dans la recherche et dans une nouvelle économie circulaire. »
Une combinaison d’approches volontaires et contraignantes
À la fin, même le Japon et l’Inde, des pays qui offraient des traités alternatifs dilués qui ne traitaient que de la pollution des océans, ont accepté l’accord final. Tsuyoshi Yamaguchi, le ministre de l’Environnement japonais a conclu que « La résolution nous mènera clairement vers un avenir sans pollution plastique, y compris dans l’environnement marin… Unis, nous pouvons y parvenir. Ensemble, allons de l’avant en entamant les négociations vers un avenir meilleur, sans pollution plastique. »
L’Inde a initialement résisté fermement aux restrictions sur la production, mais a été persuadée de suivre, probablement parce que l’accord définitif mentionne quatre fois des approches « volontaires » sur les questions qui incluent la prévention de la pollution des océans et qui traitent du « cycle de vie » complet des plastiques.
La résolution de l’ANUE reconnaît que l’accord final « pourrait inclure à la fois des approches contraignantes et volontaires », et souligne le « besoin d’un mécanisme financier pour soutenir la mise en œuvre de l’instrument, notamment la possibilité d’un fonds multilatéral dédié ».
La résolution de traité offre également une certaine marge de manœuvre pour atteindre ses objectifs, appelant à « de la souplesse pour que certaines dispositions laissent aux pays la latitude de décider de la mise en œuvre de leurs engagements en tenant compte des circonstances nationales. »
« Il n’y a pas de solution unique à ce problème mondial », a dit le département d’État américain dans une déclaration fournie à Mongabay. « C’est pourquoi il est important qu’un nouvel accord mondial donne de la souplesse aux pays pour qu’ils contribuent à un objectif commun par l’intermédiaire de plans d’action nationaux ambitieux et d’approches à l’initiative des pays. Différents pays peuvent préférer différentes approches visant à aborder le cycle de vie complet des plastiques en fonction de leurs circonstances nationales, notamment leur capacité à gérer les déchets d’une manière respectueuse de l’environnement. »
Le format et l’ampleur de la participation du public aux négociations du traité se trouvent parmi les questions restant à trancher par les parties. Une innovation potentielle : les Greta Thunbergs du monde pourront peut-être participer. « Les attentes sont élevées concernant la participation de la jeunesse et des enfants », au processus, a dit Andrės del Castillo, avocat principal au Center for International Environmental Law.
Il a reconnu qu’une autre série de négociations pourrait être nécessaire, ce qui repousserait le calendrier du traité au-delà de 2024. Il a souligné un problème politique potentiel avec ce programme : en fonction du résultat de l’élection américaine de 2024, l’administration du Président Joe Biden pourrait se terminer à ce moment-là, son prédécesseur, Donald Trump, voulant reprendre le poste. Trump s’opposait au concept d’un traité sur les plastiques et a retiré les États-Unis de l’Accord de Paris (que les États-Unis ont rejoint à nouveau sous Biden).
Maître del Castillo a également expliqué que le comité du traité devra déterminer la meilleure façon d’unifier l’accord sur les plastiques avec les autres traités environnementaux existants de l’ONU, qui couvrent tous les domaines, de la pollution de l’air au transport des déchets dangereux et à la diversité biologique. Il a évoqué qu’il est important de créer en vertu du traité un calendrier visant à abandonner progressivement les plastiques à usage unique.
Une vision et un processus souples
« Nous devrons être créatifs » sur les mécanismes de financement, qui pourraient inclure une taxe sur certaines industries, a dit del Castillo.
Le cadre est conçu pour encourager la souplesse en ne restreignant les négociations sur aucun sujet qui n’est pas spécifiquement mentionné dans la résolution, comme le rôle des communautés locales et l’ampleur de la participation des îles du Pacifique et des Caraïbes qui sont gravement touchées par la santé des océans.
« C’est vraiment un accord capital qui a été approuvé à l’unanimité », a dit avec enthousiasme Graham Forbes, responsable du projet mondial sur le plastique à Greenpeace USA, une ONG qui a lutté avec acharnement pour un traité. Mais, il met en garde : « Il s’agit vraiment du début du processus. Nous allons intensifier nos efforts pour communiquer avec les gouvernements, pour pousser les entreprises à soutenir le traité. Nous sommes encore en train de régler les détails pratiques sur le processus lui-même. » Greenpeace compte faire pression pour que les participants plus riches de l’hémisphère nord comme les États-Unis et l’UE fournissent une aide financière et technique aux pays moins industrialisés du Sud.
« Même si nous avons une rare occasion de démontrer la puissance du multilatéralisme à résoudre des problèmes complexes… cela ne se produira que si les pays les plus riches relèvent le défi et offrent du soutien aux pays qui en ont besoin pour participer pleinement. », a dit Forbes.
Alors que les défenseurs de l’environnement expriment leur optimisme, l’industrie des plastiques est préoccupée par la résolution de l’ONU. Elle espérait un accord qui traiterait principalement du recyclage/de la réutilisation plutôt que de la réglementation de la production. En fait, la résolution de traité aborde même l’extraction des produits chimiques utilisés pour la production, ce qui veut dire que le traité pourrait avoir un gros impact sur l’industrie pétrolière.
Tony Radoszewski, PDG de l’Association de l’industrie des plastiques (PIA) à Washington, DC, a fait une déclaration indiquant que PIA a l’intention de continuer à essayer d’influencer, et potentiellement de limiter, l’accord final. Le texte dit :
Nous accueillons la discussion se tenant à l’ANUE qui cherche des solutions au problème de la pollution plastique. Nos membres partagent l’objectif d’empêcher les produits qu’ils fabriquent de se retrouver dans l’environnement et nous sommes impatients de participer au dialogue établi par la résolution, à la création d’un comité de négociation intergouvernemental et aux réunions ultérieures dans les années à venir. Les plastiques améliorent la qualité de vie. Et, utilisés et jetés de façon responsable, ils ont un rôle majeur à jouer pour assurer un monde plus durable. Nous sommes convaincus qu’un processus dans lequel la science et les politiques travaillent ensemble reconnaîtra le rôle important des plastiques pour la société et le développement durable.
Le porte-parole de PIA Jim Moore a dit à Mongabay, « Nous n’avons rien à ajouter au-delà du cadre du communiqué de presse pour le moment ».
La route inconnue qui reste à parcourir
Le consensus prometteur de l’ANUE obtenu la semaine dernière est arrivé au moment de l’aggravation de la crise en Ukraine, où la guerre en cours assombrit les espoirs pour l’avenir mondial. L’Ukraine et la Russie ont toutes les deux envoyé des délégations à la réunion de Nairobi, mais ni l’une ni l’autre n’ont fait de déclaration d’ouverture, au contraire de nombreux autres pays. Les États-Unis, l’UE et d’autres pays ont utilisé le forum pour condamner l’attaque de la Russie sur son voisin.
La déclaration d’ouverture de l’UE disait que le forum est « une célébration endeuillée par l’acte d’agression de la Fédération de Russie envers un pays voisin, qui a fait éclater une guerre en Europe. En ces heures sombres, nos pensées sont avec l’Ukraine et les femmes, les hommes et les enfants innocents qui sont victimes de cette attaque. » Les pays non membres d’Ukraine et du Monténégro ont approuvé la déclaration.
Une lueur d’espoir : les deux parties en guerre ont voté oui au traité sur les plastiques.
Image de bannière : Une décharge submergée de déchets plastiques à Dhaka au Bangladesh. Image par MARUF_RAHMAN via Pixabay.
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2022/03/the-world-says-yes-to-a-cradle-to-grave-plastics-treaty-now-the-work-begins/