- Rémi Adegnon, jeune agriculteur de Vogan, perd 20 000 plants de pastèque à cause de deux mois de sécheresse.
- Les pertes de production s’élèvent à 2 millions de francs CFA (soit USD 3,202.04), affectant sa famille et son avenir.
- Diminution prévue des précipitations de 2,5 % d'ici à 2025, entraînant une baisse des recettes agricoles. La hausse de température de 2 °C d'ici à 2050 pourrait causer une chute de 80 % des revenus agricoles.
- Initiatives gouvernementales : aménagement de 3 000 hectares de bas-fonds et distribution de kits d’irrigation. Promouvoir l’agroforesterie pour améliorer la fertilité des sols et accroître la résilience.
À Vogan, une ville nichée dans le sud-est du Togo, Rémi Adegnon, jeune agriculteur passionné, voit ses rêves s’effondrer sous un soleil implacable. Au bord de son champ, une étendue de deux hectares autrefois verdoyants et tapissés de promesses sucrées, il contemple désormais un désert de craquelures et de tiges desséchées.
Plus de 20 000 plants de pastèque, fruits de son labeur et de ses espoirs nourris pendant des mois, ont été réduits à néant. « Je me suis lancé dans cette culture pour nourrir ma famille et investir dans l’avenir, mais la nature m’a trahi. Deux mois sans pluie, et tout est parti. », confie-t-il d’une voix tremblante.
Les pastèques, qui auraient dû lui rapporter 2 millions de francs CFA (soit USD 3,202.04), n’ont même pas atteint leur maturité, faute d’eau. « À Kévé, c’est pareil. Rien ne pousse correctement », ajoute-t-il, le désespoir dans la voix.
Pour l’heure, le jeune producteur doit parcourir 2 kilomètres pour puiser de l’eau, arrosant chaque plante flétrie à la main.
« Il me faut une irrigation goute à goute et donc avoir la maitrise de l’eau. Ceci doit nécessairement passer par la mise en place d’un forage équipé d’un système solaire », lance-t-il avec rage.
Entre désespoir, solutions et défis climatiques
Ce que décrit Rémi est un combat quotidien contre une sécheresse imprévisible, exacerbée par les changements climatiques. Mais il confie une frustration plus profonde : « Les informations au niveau de la météo ne sont pas vraiment fiables. Elles nous avaient prévu une saison normale à tendance excédentaire ».
Abdou Ali, chef du département information et recherche au centre régional AGRHYMET, une structure Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS), explique qu’en période de pauses pluviométriques, il est essentiel d’opter pour des variétés adaptées à des précipitations moyennes.
Dr Agossou Gadedjisso-Tossou partage ce point de vue. Dans une étude de juillet 2016 intitulée « Evaluation de l’impact du changement climatique sur le revenu net des petites exploitations agricoles au Togo », il prévoyait qu’une baisse des précipitations de 2,5 % d’ici à 2025 entraînerait une réduction de 0,82 % des revenus agricoles nets. Si les températures augmentent de 2°C et que les précipitations diminuent de 10 % d’ici à 2050, les pertes pourraient atteindre 80,75 %.
Cependant, des solutions existent, notamment avec l’agriculture irriguée qui pourrait offrir des solutions viables. Kokou Otchotcho, Secrétaire national permanent du CILSS-Togo, insiste sur l’importance à mieux gérer les ressources en eau.
Des initiatives gouvernementales, comme l’aménagement de 3 000 hectares de bas-fonds et la distribution de 3 500 kits d’irrigation, sont en cours au Sud-Togo (Bas-Mono). Mais, Dindiogue Konlani, Directeur de cabinet du ministère de l’Agriculture, estime que ces mesures restent insuffisantes. « Ce sont des solutions conjoncturelles. Il faut développer des stratégies durables, comme l’aménagement des périmètres irrigués », a-t-il recommandé.
Agroforesterie et résilience agricole : des pistes prometteuses
Komla Kadzakade, voisin et collègue de Rémi, souligne une autre difficulté : « Les équipements d’irrigation coûtent cher, et nous n’avons pas assez de soutien financier ou d’accès au crédit pour les petits exploitants agricoles ». Cette contrainte, combinée à des revenus agricoles souvent incertains, limite les investissements nécessaires.
Outre l’irrigation, des solutions comme l’agroforesterie pourraient renforcer la résilience des agriculteurs face aux défis climatiques. Dr Kossi Kpemoua, spécialiste en phytopathologie et ancien Directeur scientifique de l’Institut togolais de recherche agronomique (ITRA), souligne que cette méthode améliore la fertilité des sols et aide à l’adaptation aux changements climatiques. « Une couverture végétale variée accroît la résistance des agroécosystèmes à la sécheresse et aux maladies, tout en préservant la sécurité alimentaire », dit-il.
Ditorga Brangama, technicien en agroforesterie à Agro ENBRANTOS, une structure en agroforesterie basée à Nyamassila dans la région centrale, partage cette vision et plaide pour l’intégration de variétés améliorées et la diversification des cultures. « Les agriculteurs togolais ont besoin de variétés améliorées, adaptées à des écosystèmes divers et aux changements climatiques ».
Brangama souligne que diversifier les cultures en intégrant des essences fertilisantes est essentiel pour préserver les sols et améliorer les rendements ».
« Contrairement aux semences qui poussent dans des zones inondées, des semences peuvent être cultivées sur des terres sèches similaires à celles où l’on cultive du maïs, tout en offrant un rendement élevé. Cela constitue un avantage majeur, surtout dans les régions où l’accès à l’eau est limité ou irrégulier », confie un représentant de l’Institut togolais des recherches agronomiques (ITRA) qui a préféré garder l’anonymat.
Enfin, Ashraf Kpekpassi-Amidou, ingénieur agronome à LORICA Assurance, une structure d’assurance agricole, appelle à des prévisions météorologiques fiables et à un accès élargi aux technologies modernes. «Ce sont les clés pour préserver les terres, les vies et les espoirs », dit-il.
Des assurances agricoles pour réduire les risques
Selon un rapport de la Banque Ouest Africaine pour le Développement (BOAD) sur les changements climatiques et la sécurité alimentaire dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui date de juillet 2010, les experts de l’institution suggèrent que les assurances agricoles constituent des outils essentiels pour compenser les pertes subies par les producteurs agricoles. Une suggestion que David Akwei, expert en assurance agricole, approuve en indiquant qu’il faudrait mettre en lumière l’importance des assurances comme outils pour réduire la vulnérabilité des systèmes agricoles.
« Les assurances agricoles doivent être développées en parallèle avec les systèmes de crédits et de conseils techniques pour réduire la vulnérabilité et favoriser l’intensification agricole », explique-t-il.
Le cri de Rémi Adegnon, comme celui de nombreux agriculteurs, appelle à des actions collectives et urgentes. Entre initiatives gouvernementales, innovations technologiques et approches collaboratives, la résilience du secteur agricole au Togo reste un défi majeur à relever.
Image de bannière : Le jeune Rémi Adegnon touchant du doigt la situation de son champ de pastèques à Vogan, au sud-est du Togo, victime de la sécheresse. Image de Hector Sann’do Nammangue pour Mongabay.
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