Un consortium chinois appelle à la construction d’un nouveau canal à travers le Nicaragua, mettant en péril les peuples indigènes et l’environnement.
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Un jaguar se déplace furtivement devant un piège photographique à Bankukuk, au Nicaragua, le long du tracé du Grand Canal. Les écologistes craignent l’impact que pourrait avoir la construction du canal sur les espèces déjà menacées du Nicaragua, telles que le jaguar. Photo de Christopher Jordan.
Il y a 100 ans, la construction du canal du Panama a remodelé la géographie de notre planète, car il a pour la première fois permis aux bateaux d’éviter le dangereux passage du cap Horn en les faisant tout simplement traverser un continent. Aujourd’hui, un nouveau projet mené par un discret millionnaire chinois a pour ambition de concurrencer ce célèbre canal avec la construction d’un autre canal de 278 kilomètres à travers le Nicaragua. Le gouvernement du Nicaragua défend l’idée que ce projet de grande envergure permettra au pays de se tirer de la désastreuse situation économique dans laquelle il se trouve actuellement (le Nicaragua est en effet, après Haïti, le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental). Les critiques affirment cependant qu’il va provoquer des dégâts environnementaux inutiles et bouleverser de nombreuses communautés, et qu’il ne sera en outre pas d’une grande utilité pour le peuple nicaraguayen.
« Prenons l’exemple du canal du Panama », nous dit Gerald Urquhart, un spécialiste de l’écologie tropicale de l’université d’État du Michigan qui travaille au Nicaragua depuis 20 ans. « Cent ans après sa construction, les habitants du Panama le voient comme une bonne chose. Toutefois, avant que le traité de Trujillo-Carter ne restitue au Panama le contrôle du canal en 1999, celui-ci appartenait aux États-Unis et se trouvait à l’intérieur d’une zone militaire occupée. Les Panaméens devaient disposer de certains titres pour pouvoir pénétrer dans la Zone du canal et n’en ont pas tiré de bénéfices économiques. Je vois malheureusement un scénario similaire se jouer au Nicaragua si le canal devait être construit. »
Le mois dernier, le tracé proposé pour le Grand Canal a finalement été annoncé. S’il est construit, le canal partira de la côte caribéenne du pays, juste au sud de la baie de Bluefields. Il longera ensuite vers l’ouest les limites des réserves naturelles de Cerro Silva et de Punta Gorda, ainsi que la réserve biologique d’Indio Maíz, avant d’atteindre le lac Nicaragua, le plus grand lac d’eau douce d’Amérique centrale. Le canal rejoindra l’océan Pacifique à l’embouchure du fleuve Brito. Ce gigantesque ouvrage devrait être près de quatre fois plus long que le canal du Panama et coûtera au moins 40 milliards de dollars, soit quatre fois le PIB actuel du Nicaragua.
Un canal pour les Nicaraguayens ?
Rama Cay, le bastion du peuple Rama sur la côte caribéenne du Nicaragua. Photo de MaSii.
Ce qui suscite en partie l’inquiétude des experts est le fait que ce projet a été élaboré, non pas par les Nicaraguayens, mais par un consortium basé en Chine, la Hong Kong Nicaragua Canal Development Investment Company (groupe HKND). Ce groupe est dirigé par Wang Jing, un homme d’affaires à la tête d’une entreprise de télécommunications. L’année dernière, l’Assemblée nationale du Nicaragua a accordé à HKND une concession exclusive de 50 ans du canal renouvelable de 50 ans.
« On sait peu de choses sur M. Wang Jing et sur ses entreprises. Et il en va de même pour l’octroi de cette concession de 50 ans (assortie d’un renouvellement de 50 ans), qui n’a pas été soumise à un débat public avant que l’Assemblée nationale ne donne son accord », explique Jorge Huete-Perez, le fondateur et directeur du Centre de biologie moléculaire de l’Université d’Amérique centrale, avant d’ajouter qu’il existe « un sentiment général d’inquiétude, un manque de données concrètes et un besoin de savoir que ceux qui ont été expropriés seront rémunérés correctement et que nos ressources naturelles ne seront pas gaspillées ».
Huete-Perez a récemment coécrit un article publié dans la revue Nature dans lequel il défend l’idée que le Grand Canal pourrait conduire à un « désastre environnemental ».
Mais le gouvernement du Nicaragua, ainsi que son président Daniel Ortega, soutiennent fermement ce projet. Ils sont allés jusqu’à l’approuver avant même qu’une étude de viabilité environnementale n’ait été conduite. De plus, le gouvernement a confié l’étude environnementale au groupe HKND, qui en a commandé la réalisation au cabinet de conseil Environmental Resources Management. HKND n’a pas répondu aux questions concernant cet article.
Tracé approximatif du canal qui traversera le sud du Nicaragua et le lac Nicaragua. Image de Global Forest Watch. Cliquez pour agrandir.
Pour le gouvernement nicaraguayen, il ne fait aucun doute que ce projet sera extrêmement bénéfique sur le plan économique. Le gouvernement prévoit que ce seul projet permettra de faire passer le PIB du pays de 4,5 % à 10,8 % cette année, même si les travaux ne sont pas censés commencer avant décembre. Et il affirme également qu’il passera à 15 % l’année suivante. D’ici à 2018, ce projet devrait permettre, selon le gouvernement, de faire sortir 400 000 personnes de la pauvreté et de créer 200 000 emplois.
Pour autant, l’ensemble de la classe politique ne voit pas ce projet d’un bon œil.
Un membre du Congrès de l’opposition, Eliseo Nunez, décrit ce canal comme étant « un jeu de propagande, un spectacle médiatique qui continue à générer de faux espoirs de prospérité future chez les Nicaraguayens ». Nunez a avancé l’idée que le gouvernement chinois était le véritable instigateur du projet, bien qu’elle ait été réfutée à plusieurs reprises par le groupe HKND. À l’heure actuelle, l’identité des investisseurs du projet n’a toujours pas été révélée.
Mais, même en mettant cette considération de côté, Urquhart pense que les répercussions bénéfiques à court terme pour les Nicaraguayens seront très limitées.
« Du fait de la complexité technique de ce projet, je doute que beaucoup d’ingénieurs et d’ouvriers nicaraguayens soient impliqués dans sa réalisation. Les machines seront chinoises, les conducteurs seront chinois, les ingénieurs seront pour la plupart chinois, et ainsi de suite. Bien qu’il soit prévu que 40 milliards de dollars (USD) soient dépensés pour ce projet, je ne pense pas qu’une grande partie de cette somme sera injectée dans l’économie du Nicaragua. Ce sera surtout de l’argent chinois versé à des travailleurs chinois ».
Cascade dans une forêt tropicale, dans la zone du canal. Photo de Christopher Jordan. |
Non seulement le Grand Canal pourrait ne pas être financièrement avantageux à court terme pour le peuple nicaraguayen, mais il pourrait en outre détériorer leurs conditions de vie, qui sont déjà mises à mal par des problèmes environnementaux et des conflits de longue date.
En fait, selon Huete-Perez, la construction du canal va devoir entraîner le déplacement d’au moins neuf communautés indigènes et afro-nicaraguayennes de la Région autonome de l’Atlantique sud. Même si ces régions autonomes ont été créées pour offrir aux communautés un meilleur accès et une gestion accrue de leurs ressources naturelles, ce statut particulier n’est pas pris en compte dans le processus de décision.
« Cela va entraîner la disparition de certaines ethnies, en commençant par leur langue ancestrale, comme nous le montre l’exemple des Ramas », explique Huete-Perez à mongabay.com. « Avec la division que le canal va entraîner, la culture indigène des Ramas va disparaître. De plus, les communautés indigènes du Nicaragua se trouvant sur le tracé du canal pourraient bientôt perdre leur position précaire, mais durement gagnée, dans leur lutte pour la justice environnementale. »
Au final, selon Huete-Perez, le gouvernement n’a offert aucune garantie, ou même preuve, que le Grand Canal sera bel et bien bénéfique pour les Nicaraguayens.
« Les porte-paroles du concessionnaire du canal ont exprimé publiquement leur “espoir” que ce projet puisse sortir immédiatement le Nicaragua de la pauvreté et même que celui-ci passe à une croissance économique annuelle à deux chiffres, avec de nombreuses offres d’emploi et de formation pour les habitants », précise-t-il. « Mais, malheureusement, ils n’ont jamais fourni de données pour appuyer ces allégations. Au lieu de cela, ils demandent aux gens d’avoir “espoir”. Comme cela a déjà été le cas par le passé au Nicaragua, certains individus peuvent s’enrichir aux dépens des ressources naturelles du pays, tandis qu’une grande majorité ne fait que s’appauvrir. »
Un tracé jalonné de hauts lieux de la biodiversité
Un pécari capturé par un piège photographique près de Bankukuk, au Nicaragua, le long du tracé du Grand Canal et d’autres projets industriels associés. Photo de Christopher Jordan.
Le tracé approuvé fera passer le gigantesque canal le long des limites de deux réserves naturelles, Cerro Silva et Punta Gorda, ainsi qu’à travers la réserve biologique d’Indio Maíz. Ces trois zones protégées sont connues pour leur biodiversité, ainsi que pour leurs importants îlots de forêt dans lesquels évoluent des espèces emblématiques se déplaçant sur de longues distances.
« Dans ces zones, nous avons trouvé des tapirs, des jaguars et d’autres espèces importantes de la forêt tropicale », nous dit Urquhart. « Les forêts dans lesquelles ils vivent seront détruites lors de la construction du canal, mais l’impact global sur ces populations d’animaux est difficile à déterminer. »
Bien que zones protégées, Cerro Silva et Punta Gorda ont déjà été durement touchées par l’action d’occupants légaux et illégaux, qui pour beaucoup convertissent la forêt en pâturages. En fait, les données de Global Forest Watch révèlent qu’entre 2001 et 2013, la réserve naturelle de Punta Gorda a perdu 23 % de sa couverture forestière, tandis que Cerro Silva en a perdu 16 %.
« Comme cette zone a déjà subi de lourdes pertes forestières, la perte totale imputable à la construction du canal ne semblera pas si importante », souligne Urquhart. « Le problème est que cela va engendrer une nouvelle perturbation dans le “couloir” de forêts de la côte caribéenne du Nicaragua. Cette forêt relie de plus grandes parcelles entre elles. »
Au sud se trouve la réserve biologique d’Indio Maíz, une parcelle de plus grande taille qui s’en sort mieux que ses cousines du nord. Au cours de la même période de 12 ans, cette zone protégée n’a perdu qu’une superficie inférieure à 1 %, soit 2 726 hectares.
Les points roses représentent des parcelles déboisées entre 2001 et 2013 dans des zones protégées le long du tracé du Grand Canal, au sud-est du Nicaragua. La portion verte ayant subi très peu de déforestation correspond à la réserve biologique d’Indio Maíz. Au nord se trouvent les réserves de Cerro Silva et de Punta Gorda Nature, qui ont subi de lourdes pertes forestières au cours de 12 dernières années. Données provenant de Global Forest Watch. Cliquez pour agrandir.
Au total, le Nicaragua a perdu 822 513 hectares de forêt au cours des 12 dernières années, une superficie de la taille de Puerto Rico. En prenant 2001 comme année de référence, cela signifie que le pays a perdu plus de 10 % de sa couverture forestière au cours des 12 dernières années.
S’il est construit, le Grand Canal ne fera qu’accroître la pression sur les forêts du pays. Huete-Perez estime que la construction du canal pourrait mener à la destruction de « plus de 400 000 hectares de forêts et de zones humides ». Cela équivaudrait à près de la moitié de la perte forestière subie au cours des douze dernières années, soit environ 6 % des forêts restantes du pays.
Les écosystèmes de la région pourraient également être affectés par le dragage. La construction du canal à travers le pays sur une profondeur de plus de 27 mètres et sur une largeur de 230 à 520 mètres va générer des millions de tonnes de sédiments. Selon l’endroit où ils seront rejetés, il est fort probable que les écosystèmes des environs soient affectés.
D’autres projets de développement connexes vont également entraîner des dégâts considérables au Nicaragua. Parmi eux figure la construction d’un aéroport international, d’une voie ferrée, de deux ports en eaux profondes, de quatre complexes hôteliers, d’une usine de production de béton, d’un oléoduc et d’un tas de nouvelles grandes routes. En outre, il faut s’attendre à ce que le projet attire des milliers de travailleurs étrangers, ainsi que de nombreux Nicaraguayens, à la recherche d’un emploi. On peut parier que l’augmentation de la population, les projets de développement de grande ampleur et la construction probable d’un grand nombre de nouvelles routes vont aggraver la situation de la faune et de la flore des parcs, dont la survie est pourtant déjà menacée.
Mais, si elles sont déjà en difficulté, les forêts et la faune du Nicaragua ne sont pas les seuls écosystèmes à être menacés par la construction du Grand Canal.
Que va-t-il arriver au lac Nicaragua?
Une île volcanique émerge du lac Nicaragua. Photo d’Aaron Escobar/Creative Commons 2.0.
Étant donné sa taille et son importance, il n’est pas surprenant que le lac Nicaragua possède de nombreux surnoms, tels que « Lago Cocibolca » ou l’évocateur « Mar Dulce ». C’est non seulement le plus grand lac d’Amérique centrale, mais également la plus grande source d’eau douce de la région. De plus, le lac présente une faune des plus étranges, comme des populations fluctuantes de requins-bouledogues (Carcharhinus leucas) et des poissons-scies, une espèce extrêmement menacée qui est arrivée de l’océan en remontant des rapides. Le lac abrite également un éventail varié de cichlidés, très connus dans le commerce des poissons d’aquarium. Les critiques craignent toutefois que la construction d’un canal de cette envergure à travers ce lac n’en bouleverse l’équilibre écologique, en provoquant un afflux d’espèces invasives et de grandes quantités d’eau salée, tout en détruisant une source d’eau douce vitale.
« [Le lac] approvisionne en eau les industries agricole et d’élevage du Nicaragua et offre un moyen de subsistance à ceux qui vivent sur ses rives », explique Huete-Perez, avant d’ajouter que « même si les études d’impact n’ont pas été rendues publiques, nous pouvons déduire que le tracé sélectionné […] ne prend pas en compte ces préoccupations ».
Comme le lac est trop peu profond pour y faire passer de nombreux paquebots et bateaux de marchandise, HKND propose de creuser un canal d’une profondeur de 27 mètres sur toute la longueur du lac, ainsi qu’à travers les rivières et les terres en amont et en aval. On ne sait toujours pas ce qu’il va advenir des millions de tonnes de sédiments ainsi générées, mais les scientifiques craignent qu’elles ne soient reversées dans le lac.
« Il va probablement y avoir une augmentation de la pollution du lac Nicaragua, mais il reste à savoir quelle en sera l’ampleur », explique Urquhart.
Un requin-bouledogue aux Bahamas. Cette espèce était autrefois abondante dans le lac Nicaragua ; elle a aujourd’hui quasiment disparu. Photo de Domaine public.
De plus, les défenseurs de l’environnement craignent que l’augmentation du trafic maritime n’entraîne l’arrivée dans le lac d’espèces invasives, alors qu’il est déjà confronté, depuis des décennies, à des problèmes de pollution et de surpêche. En fait, selon Urquhart, les célèbres « populations de requins et de poissons-scies [du lac] ont déjà été décimées ».
Les scientifiques redoutent que l’afflux d’eau salée causé par l’élargissement et l’approfondissement des rivières qui se jettent et qui sortent du lac n’en change la composition et condamne davantage les poissons qui y vivent et les populations qui en dépendent.
Les volcans du lac constituent une autre inconnue. Deux volcans, dont l’un est encore actif, se trouvent sur l’île d’Ometepe, désignée réserve de biosphère en 2010.
« Des experts locaux doivent encore étudier la possible activité volcanique et son impact sur le canal », explique Huete-Perez. « Le canal peut avoir d’importants impacts sur les deux volcans… [L’île d’Ometepe] est toujours vierge et sauvage, possède une riche biodiversité, fait l’objet de projets écologiques récents et abrite des vestiges archéologiques représentatifs de la riche histoire précoloniale du Nicaragua. […] Selon le tracé prévu, des bateaux vont passer à proximité de l’île. »
Huete-Perez met également en garde contre les nombreux tremblements de terre que connaît le pays et qui pourraient endommager la « structure du canal ».
Avant de choisir l’isthme de Panama pour la construction de leur canal, les États-Unis avaient sérieusement envisagé de le faire passer à travers le Nicaragua. Cela a même été soumis à un vote du Congrès américain en 1902, qui se prononça en faveur du Panama. Si la politique et l’instabilité du pays ont effrayé certains politiciens américains, ce sont surtout les préoccupations liées aux tremblements de terre et, en particulier, aux volcans qui ont influencé leur décision finale. Plus d’un siècle plus tard, on ne sait toujours pas comment un nouveau canal pourrait voir le jour sans être à terme confronté aux réalités tectoniques.
Un projet entouré de mystère
Les nations les plus riches et les plus puissantes nourrissent depuis des siècles l’ambition de faire construire un canal à travers le Nicaragua, en commençant par les États-Unis, qui ont failli le creuser à la place du canal du Panama. C’est aujourd’hui une entreprise chinoise qui appelle à la construction du Grand Canal. Cette carte tirée d’une ancienne publication en allemand montre le trajet alors proposé pour la construction du canal, qui s’avère être très similaire à celui choisi par HKND. Photo de The British Library.
Malgré l’accord du gouvernement du Nicaragua et le fait qu’un tracé ait été choisi, on sait en fait peu de choses sur le Grand Canal. Jusqu’à maintenant, aucune étude environnementale n’a été menée, et encore moins rendue publique. L’identité des bailleurs de fonds actuels est toujours inconnue et les impacts du canal, qu’ils soient positifs ou négatifs, n’ont quasiment pas été évalués.
« HKND n’a fourni aucune donnée concrète aux […] experts nicaraguayens en ingénierie, en gestion des ressources en eau, en protection de l’environnement, etc., concernant la structure du canal proposée et les sous-projets associés. De la même manière, aucune donnée ne nous est parvenue en ce qui concerne les études environnementales et de faisabilité commandées par HKND », ajoute Huete Perez. « Il est très difficile de se forger une opinion informée sur l’envergure des impacts. »
Forêt tropicale se trouvant dans la région du canal. Photo de Christopher Jordan. |
Pourtant, HKND continue sur sa lancée : l’entreprise a annoncé que le chantier démarrera d’ici à décembre et que les premiers bateaux pourront emprunter ce canal d’ici à 2019. Mais, même en mettant de côté les préoccupations environnementales et sociales légitimes, certains craignent que ce projet extrêmement ambitieux ne s’avère être un fiasco économique.
L’expert en commerce Jean-Paul Rodrigue a confié à National Public Radio qu’il pense que les prévisions du gouvernement sont exagérées.
« Cela va demander beaucoup de trafic et aussi beaucoup de temps », dit-il. « C’est pourquoi j’affirme que le projet est techniquement réalisable, mais très discutable sur le plan commercial. »
Pour mieux comprendre la décision que doivent prendre les Nicaraguayens, Huete-Perez et ses collègues préparent un atelier international en collaboration avec l’Académie des sciences du pays.
« Les échanges se concentreront sur la définition des principales préoccupations et des impacts potentiellement irréversibles (et leur implication) associés à la construction et à l’utilisation du canal et de ses projets connexes, ainsi que sur l’exploration d’utilisations durables et alternatives du [lac Nicaragua] », a-t-il souligné.
Étant donné les défis bien connus auxquels le Nicaragua doit faire face, tels que le trafic de drogue, une pauvreté profondément ancrée et des décennies de guerre civile, il n’est pas surprenant que le gouvernement soit à la recherche d’un projet de développement de grande ampleur (et il y en a peu, ou pas, qui soient plus grand que celui-ci) pour relever le pays du jour au lendemain. C’est une perspective tentante et l’on comprend aisément pourquoi : il suffirait de donner le feu vert à un projet de grande ampleur pour que les problèmes profonds auxquels est confronté le pays depuis des décennies se résolvent d’eux-mêmes.
« Le Nicaragua est un pays qui doit faire face à d’innombrables problèmes », nous dit Urquhart. « Le canal les confronte à des choix très difficiles. Il y a un besoin d’investir dans le pays, mais je ne suis pas certain que cela soit la meilleure solution. »
Huete-Perez se montre moins nuancé, affirmant que le Grand Canal est une « proposition malhonnête et insultante que le Nicaragua ne devrait pas accepter ».
Forest loss across Nicaragua from 2001-2013. Experts Perte forestière au Nicaragua de 2001 à 2013. Des experts estiment que la construction du Grand Canal va accroître considérablement la déforestation dans le pays. Données provenant de Global Forest Watch. Cliquez pour agrandir.
Tapir de Baird capturé par un piège photographique sur la côte caribéenne du Nicaragua. Photo de Christopher Jordan.
Une vue du lac Nicaragua. Photo de Zach Klein/Creative Commons 2.0.
Cerf de Virginie capturé par un piège photographique dans la zone du canal. Photo de Christopher Jordan.
Une maison de la communauté de Pijbaye dans la zone du canal. Photo de Christopher Jordan.
Un paca capturé par un piège photographique dans la région du canal. Photo de Christopher Jordan.
Un daguet rouge capturé par un piège photographique dans la région du canal. Photo de Christopher Jordan.
Perte forestière de 2001 à 2012 dans les réserves naturelles de Cerro Silva et Punta Gorda au Nicaragua. Données provenant de Global Forest Watch. Cliquez pour agrandir.
Références:
- Meyer, Axel, and Jorge A. Huete-Perez. “Conservation: Nicaragua Canal could wreak environmental ruin.” Nature 506, no. 7488 (2014): 287-289. doi:10.1038/506287a