- Les conflits entre les communautés locales vivant autour du Parc national des Volcans et les animaux sauvages étaient quasi quotidiens.
- Les travaux d’extension du Parc national des volcans vont transformer des terres agricoles en réserve naturelle. Le Parc national des volcans verra sa superficie passer de 160 (soit 22,408 terrains de football) à 197.4 kilomètres carrés soit l’équivalent de 27,647 terrains de football.
- Avec la culture sous serre, les paysans qui vivaient autour du parc peuvent augmenter leur production agricole et améliorer leurs revenus.
Colette Nyirambonigaba, une cultivatrice originaire de Kinigi, un village niché aux pieds des volcans dans le nord du Rwanda, se souvient que son mari avait l’habitude d’aller à la traque des animaux au milieu du Parc national des volcans, pour trouver de quoi nourrir la famille.
« La chasse pratiquée avec des techniques prohibées procurait un complément alimentaire et des revenus pour nos familles », explique à Mongabay, cette mère de quatre enfants, dont la famille dépendait alors d’une agriculture de subsistance.
Nyirambonigaba, comme la plupart des membres de la communauté vivant autour du Parc national des volcans, avaient pris l’habitude de chasser les animaux, essentiellement les buffles, pour les empêcher de détruire leurs récoltes.
« Les conflits entre les communautés locales et la faune sauvage étaient quasi quotidien », se souvient cette femme d’une quarantaine, membres des communautés désormais dépossédées de leurs terres, à travers la nouvelle initiative visant à élargir le Parc national des volcans, au nord du Rwanda.
Baisse du braconnage
Avec les travaux d’extension du parc, qui va transformer des terres agricoles en réserve naturelle, les autorités rwandaises prévoient la création d’un pôle horticole, qui sera exploitée par les petits exploitants agricoles de cette région montagneuse, pour poursuivre leurs activités dans une zone située loin du parc.
Grâce aux efforts entrepris depuis 2005, par le gouvernement et ses partenaires dans la conservation de cette réserve naturelle connue pour sa population de gorilles des montagnes, les données de l’Agence rwandaise pour la promotion du développement montrent que le braconnage a baissé jusqu’à 80 % aujourd’hui, passant de 1000 cas de chasse illégale enregistrés en 2018, à 600 en 2020, avec un objectif fixé à zéro braconnage en 2025.
Depuis 20 ans, bien avant que les acteurs de la conservation ne mettent en place les mesures de protection de ce parc, le braconnage était une activité de routine pour les membres de la communauté vivant autour de cette forêt de bambous.

Le nouveau plan de transformation qui vise reloger les fermiers pour élargir la superficie du parc, est mis en exécution en partenariat avec l’Agence rwandaise pour la promotion du développement (RDB), la Fondation pour la faune africaine (AWF) et Holland Greentech, une organisation néerlandaise soutenant les initiatives de promotion de l’horticulture en Afrique.
Il prévoit un nouveau village équipé de trois serres modernes, une installation de stockage frigorifique de 20 mètre cubes, des systèmes de récupération des eaux de pluie et une infrastructure d’emballage professionnelle, au profit de plus de 500 agriculteurs locaux, dont des anciens braconniers, en passe d’être formées aux solutions innovantes pour produire des cultures de qualité et les vendre sur le marché local et international, en vue d’augmenter leurs revenus.
Une fois mis en œuvre, le projet, qui va mobiliser un investissement de 255 millions USD, verra le parc s’agrandir avec une superficie supplémentaire de 37,4 kilomètres carrés, soit 25 % de son étendue actuelle.
Jusqu’à ce jour, les communautés vivant autour des parcs nationaux dont celui des volcans, reçoivent chaque année 10 % des revenus du tourisme, qui sont réinvestis dans des projets communautaires et des initiatives de développement socio-économique.
Grâce à ce partage de revenus, plusieurs initiatives communautaires seront appuyées financièrement, pour faciliter la réintégration des populations délogées autour du parc, selon les responsables du projet.
Augmentation spectaculaire des gorilles
Les statistiques officiels montrent que, grâce à cette initiative, une nouvelle zone tampon de 6 620 hectares sera créée, séparant le parc de la zone habitée, ce qui contribuera à réduire jusqu’à 80 % les conflits entre la population locale et les animaux sauvages.
Cette mesure intervient au moment où les besoins croissants des communautés locales en terres agricoles et en pâturages les ont souvent poussés à grignoter le Parc national des volcans, qui verra sa superficie passer de 160 à 197.4 kilomètres carrés.

Télesphore Ngoga, Analyste de la conservation à l’Agence rwandaise pour la promotion du développement, affirme que cette mesure contribuera à une augmentation de 15 à 20 % de la population de gorilles et réduire de 50 % la mortalité des jeunes primates. Les experts de la conservation affirment qu’à cause de leur faiblesse, les bébés gorilles trouvent parfois la mort lors des combats acharnés entre les mâles dominant des familles hostiles, en essayant de protéger leur territoire. « Au fur et à mesure que les familles de gorilles grandissent, il y a un besoin pressant d’élargir leur habitat », affirme-t-il à Mongabay.
Le Rwanda abrite plus de 600 gorilles des montagnes (Gorilla beringei beringei). Plus de 380 d’entre eux vivent dans le Parc national des volcans, selon les estimations officielles.
Il est prévu avec l’extension du parc, le relogement de plus de 3 400 familles vivant autour de cette aire protégée.
Conservation communautaire
Le pôle horticole, nouvellement inauguré à proximité du parc permettra aux paysans comme Nyirambonigaba d’adopter les nouvelles méthodes de l’agriculture moderne sur de petits espaces, tout en améliorant leur productivité.
Les acteurs de la conservation au Rwanda prévoient de favoriser les pratiques de tourisme durable, à travers les projets d’écotourisme, qui vont fournir des emplois pour les 17 000 membres de la communauté locale en cours de relogement.
Aux yeux des responsables du secteur agricole, la culture sous serre permettra aux paysans locaux d’augmenter la productivité agricole, même pendant les saisons moins favorables.

Dr Telesphore Ndabamenye, secrétaire d’État rwandais au ministère de l’Agriculture, estime que par rapport à l’agriculture en plein champ, la serre agricole est devenue une solution rentable pour les fermiers qui dépendaient jusqu’ici d’une agriculture de subsistance autour du parc. « Avec la culture sous serre, les paysans qui vivaient autour du parc peuvent améliorer durablement la rentabilité de leur production agricole en cultivant leurs légumes préférés », affirme-t-il à Mongabay.
Toutefois, certains experts affirment que le transfert des technologies reste essentiel pour permettre à ces communautés délogées de s’approprier de cette solution de pôle horticole. « La conservation [des gorilles] est primordiale, mais ces communautés ont besoin de s’approprier des technologies clés dans les serres modernes », dit à Mongabay, Dr Nathan Taremwa Kanuma, chercheur et enseignant au Collège d’agriculture, de zootechnie et de médecine vétérinaire de l’université du Rwanda.
À Rurembo, un nouveau village moderne au nord du pays, qui accueille progressivement les familles délogées autour du Parc national des volcans, Félicien Maniriho, un ancien braconnier reconverti dans l’artisanat, affirme que les initiatives de conservation communautaires en cours de mise en oeuvre dans cette région depuis 2014, ont contribué à l’amélioration des conditions de vie chez nombreuses familles. « La vie quotidienne des populations relogées autour du Parc national des volcans s’améliore progressivement », confie Maniriho à Mongabay.
Image de bannière : Baptisé « Kinigi Horticulture Hub », le projet couvre une superficie de 1 250 mètres carrés en périphérie du Parc national des volcans au nord du Rwanda. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.
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