- Une incertitude existe pour mesurer la vulnérabilité et l’adaptation des communautés villageoises face aux changements climatiques.
- Le changement climatique continue de mettre à rude épreuve les plantes et les animaux adaptés aux températures plus fraîches typiques des régions montagneuses d’Afrique.
- Aussitôt que le réchauffement de la planète va atteindre plus de 1,5 °C, il deviendra de plus en plus urgent pour les pays et les communautés des régions montagneuses du continent de s’adapter.
- Ces communautés locales dans ces zones montagneuses ont du mal à maitriser la langue utilisée pour élaborer les mesures d'adaptation.
Les effets du changement climatique continuent de toucher de manière disproportionnée des centaines de milliers de populations vulnérables dans dix régions montagneuses en Afrique.
Face aux stratégies d’adaptation inadaptées, les experts affirment que ces communautés, qui dépendent en grande partie de l’agriculture pluviale de subsistance, courent plus de risques de subir les conséquences de ce phénomène.
Une étude pionnière, publiée en janvier 2025, dans la revue scientifique Nature, montre que les régions montagneuses africaines, particulièrement en Afrique de l’Est, ont connu une augmentation significative des événements climatiques extrêmes, allant des vagues de chaleur et de sécheresses aux des inondations, ayant eu de graves répercussions sociales, écologiques et économiques telles que la destruction de biens matériels et la perte des récoltes.
Les données de l’enquête menée par cette équipe de chercheurs, ont montré que les agriculteurs montrent que cette région montagneuse d’Afrique est repartie en dix zones, avec quelque 228 millions d’habitants, avec une forte densité de population, la deuxième parmi les plus élevée au monde (après l’Asie).
Hausse des températures
Cette étude inédite, réalisée par un groupe de chercheurs issues des différentes universités aux Etats-Unis, en Norvège, en République démocratique du Congo, au Rwanda, en Ouganda, en Tanzanie, au Rwanda, en Éthiopie, au Kenya, en Australie, en Espagne, au Congo et au Royaume Uni, montre que ces variations climatiques continuent de causer des pertes significatives de rendement pour les agriculteurs locaux.
« Cette situation continue de rendre ces communautés incapables de maintenir leur production de cultures vivrières de qualité », explique Dr Aida Cuní Sanchez, chercheuse associée au Département d’environnement et de géographie à l’université de York, au Royaume-Uni, et co-auteure de l’étude.

Si ces dix régions montagneuses d’Afrique restent plus vulnérables au changement climatique par rapport à d’autres zones à travers sur le continent, Dr Sanchez attribue ce phénomène à la hausse des températures jamais enregistrée, et qui touche actuellement l’écosystème des montagnes. « Ce phénomène continue de mettre à rude épreuve les plantes et les animaux adaptés aux températures plus fraîches typiques des régions montagneuses en Afrique », dit-elle à Mongabay.
En effet, l’étude révèle qu’au niveau de ces régions montagneuses, comme dans d’autres zones à topographie complexe, une incertitude considérable existe pour mesurer la vulnérabilité et l’adaptation des communautés villageoises, en raison notamment de l’absence des modèles climatiques appropriés.
Certes, les cartes démographiques des pays tropicaux en Afrique réalisées par l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), montrent que les établissements humains ruraux sont très concentrés à proximité des montagnes, où les conditions de vie sont relativement favorables et les sols assez fertiles.
Dégradation des sols
En Éthiopie, par exemple, les conditions climatiques et écologiques favorables des montagnes ont permis le développement des premiers systèmes agricoles. Peu à peu, l’agriculture s’est étendue, sur des pentes plus raides ayant été défrichées.
La FAO souligne que la mise en culture de ces écosystèmes fragiles a entraîné une dégradation progressive des sols qui se poursuit encore dans certaines zones montagneuses.
Par ailleurs, dans certaines zones de montagne d’Afrique, de vastes étendues ont été transformées en parcs nationaux ou en réserves, en raison de leur beauté ou pour protéger la faune et la flore menacées d’extinction.
La FAO affirme que ces aires protégées sont devenues des destinations touristiques importantes, en particulier au Kenya, en Afrique du Sud, en Éthiopie, en Tanzanie, en Ouganda et au Rwanda contribuant aussi à la sécurité alimentaire à travers la création d’emplois et, dans certains cas, au moyen de programmes de partage des recettes avec les communautés locales.
Toutefois, le rapport de la FAO montre que l’insécurité alimentaire, qui prévaut dans certaines zones de montagnes, est due à l’augmentation de la population, au déclin de la productivité du sol, au fait que des terres sont affectées à des cultures de rente et à l’insuffisance du prix d’achat des produits agricoles.

Dans cette étude, les chercheurs ont établi qu’aussitôt que le réchauffement de la planète va atteindre plus de 1,5 °C, il deviendra de plus en plus urgent pour les pays et les communautés des régions montagneuses de s’adapter.
Professeur Beth Kaplin, chercheuse principale au Centre d’excellence en biodiversité et gestion des ressources naturelles de l’université du Rwanda, et co-auteure de cette étude déplore que pour l’instant, les connaissances sur la topographie et les modalités d’adaptation au changement climatique par les communautés locales dans ces régions restent extrêmement limitées.
Selon elle, les systèmes montagneux en Afrique, composés en grande partie par la végétation naturelle et les terres agricoles, sont soumis à des contraintes liées à la hausse des températures. « Face à ce phénomène, promouvoir des approches communautaires de l’adaptation climatique au niveau de ces régions à haute altitude reste complexe », affirme-t-elle à Mongabay.
D’après cette étude, ces communautés locales ont du mal à maitriser la langue utilisée pour élaborer les mesures d’adaptation, et leurs connaissances ne sont parfois pas reconnues ou comprises comme pertinentes.
Des paysans mis à l’écart dans la recherche et la planification
Les chercheurs sont persuadés qu’il est beaucoup plus aisé de travailler, à court terme avec les donateurs pour concevoir les projets [d’adaptation en Afrique], mais les résultats sont souvent moins durables et efficaces. « Dans la plupart des cas, les savoirs autochtones ne sont pas pris en compte dans la conception des projets pour une adaptation efficace des communautés au changement climatique », dit Prof. Kaplin.
Certes, les auteurs de l’étude soulignent que la seule difficulté éprouvée concerne le fait qu’une grande partie de la population établie dans ces régions montagneuses est constituée par les paysans, qui pratiquent une agriculture de subsistance, et qui sont souvent négligés dans la recherche et la planification.

La recherche, faite à partir d’un échantillon de 1 500 petits exploitants agricoles établis dans les zones sélectionnées en Afrique, vise à faire progresser la compréhension de la hausse des températures responsables des phénomènes météorologiques extrêmes dévastateurs au niveau des dix régions montagneuses désignées sur le continent et leurs liens avec l’agriculture de subsistance.
L’étude montre que les solutions innovantes d’adaptation au changement climatique pour ces zones de montagnes doivent être adaptées aux contraintes contextuelles, en vue de mieux comprendre pourquoi une intervention peut ne pas fonctionner dans une région désignée.
Contraintes contextuelles d’adaptation
En Afrique centrale, par exemple, une initiative en préparation tout le long de la Crête Congo-Nil, une chaîne de montagnes qui sépare les bassins versants du Nil et du Congo, située à l’Ouest du Rwanda, vise à renforcer l’adaptation au climat par les communautés locales, grâce à la promotion de moyens de subsistance résilients et de méthodes agricoles intelligentes. « L’un des objectifs visés [par cette initiative] est le renforcement de la capacité d’adaptation des écosystèmes et des populations rurales montagneuses en intégrant la résilience climatique dans tous les aspects de la planification et du développement », explique Dr Concorde Nsengumuremyi, Directeur général de l’Office rwandais pour la gestion des forêts (RFA).

Dans la mise en exécution, cette initiative de quatre ans, lancée en 2024, vise notamment à promouvoir l’agroforesterie et la fourniture de fourneaux économes en énergie, afin de réduire la demande de bois de chauffage par les populations des zones montagneuses de la Crête Congo-Nil. « Dans ces zones montagneuses de la crête [Congo-Nil], l’agroforesterie se présente comme une solution innovante face aux perturbations climatiques impactant les petits exploitants agricoles » dit Dr Nsengumuremyi à Mongabay.
Dans cette étude, les chercheurs soulignent qu’il n’existe pas de solution miracle au phénomène de changement climatique ni de réponse aux besoins d’adaptation en faveur des communautés locales. En effet, ces différentes régions montagneuses façonnent chacune la répartition des cultures et les pratiques agricoles appropriées pour chaque zone. « Des stratégies innovantes d’adaptation doivent être élaborées sur place, dans le contexte local, avec une approche participative qui encourage l’appropriation communautaire », souligne Prof. Kaplin.
Les résultats de ce travail de recherche ont montré que les impacts climatiques majeurs, auxquels font face les agriculteurs des montagnes, comprennent notamment une réduction du débit d’eau, une réduction des rendements des cultures et de la production de lait de vache, l’érosion des sols et un risque accru de ravageurs et de maladies qui affectent la productivité des cultures et du bétail.
Dans la plupart des zones montagneuses, l’adoption de nouvelles variétés de cultures s’est accompagnée d’un recours accru aux intrants (engrais et pesticides) et aux techniques de conservation des sols, souligne l’étude.
Image de bannière : Au-delà des frontières du Parc national des Virunga en RDC. Image de Baron Reznik via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).
Citation :
Cuni-Sanchez, A., Aneseyee, A.B., Baderha, G.K.R. et al. (2025). Perceived climate change impacts and adaptation responses in ten African mountain regions. Nat. Clim. Chang. 15, 153–161. https://doi.org/10.1038/s41558-024-02221-w
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