- Les gorilles mâles et femelles quittent habituellement le groupe dans lequel ils ont grandi.
- Lorsque les gorilles femelles décident de rejoindre une nouvelle famille, les relations préexistantes peuvent influer sur leur décision.
- La plupart des espèces de gorilles font recours à cette pratique pour préserver la diversité de leur patrimoine génétique.
- La collecte des données sur les mouvements des groupes de gorilles reste essentielle pour en apprendre davantage sur leur comportement.
Les liens sociaux entre les gorilles des montagnes femelles dans le Parc national des volcans, situé au nord du Rwanda, sont bien plus importants qu’on ne le pensait auparavant.
Alors que le quotidien des gorilles des montagnes s’organise régulièrement autour de la recherche de nourriture et du maintien de la cohésion au sein de son groupe, les experts de la conservation affirment que les femelles, en se déplaçant, recherchent des visages féminins familiers à elles, lorsqu’elles décident de passer d’une famille à une autre.
Une nouvelle étude, publiée en aout 2025, dans la revue Proceedings of the Royal Society B, montre que les gorilles mâles et femelles quittent habituellement le groupe dans lequel ils ont grandi, mais les femelles peuvent éventuellement changer de groupe plusieurs fois au cours de leur vie au milieu du parc.
En dehors les gorilles de montagnes, le Parc national des volcans abrite également d’autres espèces de singes dorés (Rhinopithecus roxellana), des éléphants (Elephas meridionalis), des buffles de forêt d’Afrique (Syncerus caffer nanus) et une hyène tachetée (Crocuta crocuta), qui a été récemment capturée par une caméra-piège dans cette réserve naturelle.
D’après les résultats de cette étude menée au Rwanda, le mouvement des animaux au milieu du parc est un aspect fondamental chez de nombreuses espèces, influant sur la composition génétique, la transmission des connaissances et les conditions physiques dans leur milieu naturel.
Chez les gorilles, plus particulièrement, les chercheurs ont montré que les gorilles des montagnes présentent un modèle de dispersion flexible, avec 50 % chez les deux sexes se dispersant, et les femelles se séparant géographiquement d’une population d’origine, souvent plusieurs fois.

Des relations préexistantes
Alors que les responsables du parc observent qu’il s’agit d’un phénomène courant pour les gorilles de se déplacer d’une famille à l’autre, l’étude montre que les femelles s’intéressent au maintien des relations entre femelles dans leur mouvement au milieu du parc, tout en réduisant les risques de consanguinité.
En effet, l’idée selon laquelle les animaux préfèrent éviter de s’accoupler avec des parents a également motivé le développement de cette recherche scientifique, la première du genre menée sur les gorilles des montagnes au Rwanda.
Ces travaux révèlent que, lorsque les gorilles femelles décident de rejoindre une nouvelle famille, les relations préexistantes peuvent influer sur leur décision.
« Lorsque vous vous retrouvez dans une foule des inconnus, il est toujours agréable de repérer un visage familier, et c’est le même cas pour les gorilles femelles », affirme Dr Robin Morrison, chercheur au département d’anthropologie de l’université de Zurich, en Suisse et auteur principal de l’étude.
Selon lui, intégrer une nouvelle famille peut être effrayant, mais une femelle qui s’adapte vite pourrait atténuer ce sentiment. « Les gorilles femelles ont tendance à se sentir plus à l’aise en intégrant une famille dont fait partie une vieille amie », dit-il à Mongabay.
Les chercheurs estiment que la rareté de données sur le comportement, à long terme couvrant plusieurs familles de gorilles, constitue l’une des entraves qui ne permettent pas de savoir les lieux exacts et les familles dans lesquelles certains individus de gorilles préfèrent intégrer et les traits influençant cette décision.
Les auteurs de l’étude se sont basés dans leur analyse sur les données collectées pendant plusieurs des décennies d’observation par la Dian Fossey Gorilla Fund, une organisation caritative pour la protection des gorilles des montagnes en voie de disparition.
Mouvements des groupes de gorilles
Les données portent notamment sur des traces établies pour identifier les gorilles appartenant aux différents groupes sociaux. Grâce à ces traces, les scientifiques ont pu suivre l’évolution constante de la dynamique de chaque groupe.
Victoire Martignac, doctorante à l’université de Zurich en Suisse, et co-auteure de cette étude, explique qu’un autre constat intéressant dans cette recherche est que les gorilles femelles tentent d’éviter de rejoindre des groupes auxquels appartiennent des mâles qui font partie de leurs propres familles. « Lorsqu’il arrive que ces femelles choisissent une autre famille, elles ont tendance à éviter uniquement les mâles avec lesquels ils ont grandi ensemble », dit-elle à Mongabay.

L’organisation Dian Fossey Gorilla Fund, estime que la collecte d’informations sur les mouvements des groupes de gorilles reste essentielle pour en apprendre davantage sur leur comportement, en vue d’évaluer leurs besoins en matière d’habitat, leurs dépenses énergétiques, leur concurrence alimentaire, etc.
Felix Ndajimana, directeur des programmes au Centre de recherche de Karisoke, un Institut de recherche au sein du parc fondé par Dian Fossey Gorilla Fund, confie à Mongabay, que la collecte d’informations sur les mouvements des groupes de gorilles, reste essentielle pour en apprendre davantage sur leur comportement. « Ces données permettent d’évaluer les besoins des gorilles [au parc des volcans] en matière d’habitat, leurs dépenses énergétiques, leur concurrence alimentaire », affirme Ndagijimana, qui est également co-auteur de cette étude.
Jusqu’à ce jour, l’organisation s’est investie dans la collecte des données sur l’utilisation de la forêt par les gorilles, grâce à des cartes des volcans conçues manuellement. Elle a également enregistré des informations sur la végétation et ses variations dans le Parc national des volcans.
Depuis 1999, les équipes collectent numériquement des informations de déplacement des gorilles, grâce à des données satellitaires. Et, grâce à une équipe de traceurs déployés sur terrain, l’organisation utilise des GPS pour localiser les gorilles.
Dian Fossey Gorilla Fund, qui a collaboré dans cette étude, travaille actuellement dans la conservation de deux des quatre sous-espèces de gorilles : les gorilles de Grauer, en danger critique d’extinction dans l’Est de la République démocratique du Congo, et les gorilles des montagnes, en danger d’extinction, dans les montagnes des Virunga au Rwanda.
Cohésion
Les auteurs de cette étude pensaient auparavant que les femelles ne formaient probablement pas de liens étroits en raison de leurs déplacements dans différents groupes sociaux. Mais cette étude a montré que les gorilles, non seulement nouent de nouvelles relations, mais se souviennent aussi des anciennes copines.
Les travaux ont montré que les gorilles restent auprès de leur mère jusqu’à l’âge de trois ou quatre ans. Ces espèces vivent en groupes sociaux (familles) là où tous les adultes, y compris les mâles, participent aux soins de leurs petits. Une fois les gorilles plus âgés, de nombreux mâles et femelles partent seuls à la recherche d’un nouveau groupe social. « La plupart des espèces de gorilles font recours à cette pratique pour préserver la diversité de leur patrimoine génétique », explique à Mongabay, Dr Andrew Seguya, Secrétaire exécutif de la Collaboration transfrontalière du Grand Virunga (GVTC), un mécanisme pour la gestion stratégique collaborative et transfrontalière du paysage du Grand Virunga (GVL) en Afrique centrale.
Selon lui, certains individus de gorilles prennent parfois la décision de se déplacer d’un endroit ou un groupe social à un autre pour cette raison spécifique. « L’important étant de garder une cohésion », dit-il à Mongabay.
Image de la bannière : Portrait d’une femelle gorille des montagnes (Gorilla beringei beringei) photographiée dans le parc national des volcans, au Rwanda. Image de Charles J. Sharp via Wikimédia Commons (CC BY-SA 4.0).
Citation :
Martignac, V., Eckardt, Winnie Eckardt, Jean Pierre S. Mucyo et al. (2025). Dispersed female networks: female gorillas’ inter-group relationships influence dispersal decisions. Proceedings of the Royal Society, B. 292 : 20250223. https://doi.org/10.1098/rspb.2025.0223
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