- Des interventions réussies pour la conservation ont permis aux populations des gorilles des montagnes de passer de 620 spécimens en 1989 à plus de 1000 aujourd’hui.
- Cependant, leur habitat ne s’étend pas et un nombre croissant de recherches indique qu’une densité de plus en plus importante, a un prix : plus de groupes qui partagent un même territoire entraîne plus de violence entre eux.
- Une nouvelle étude démontre que plus les contacts entre différents groupes augmentent, plus les transferts de femelles entre ces groupes augmente aussi, ce qui conduit à un retard dans la reproduction.
- L’étude insiste aussi sur le fait que de multiples facteurs, tels que le retard dans la reproduction ainsi que la hausse de la mortalité, s’accumulent pour ralentir la croissance de la population.
Les gorilles des montagnes sont actuellement les seuls grands singes non humains dont la population ne décline pas. Grâce à de fructueuses interventions pour la conservation, la population de l’espèce est passée de 620 spécimens en 1989 à plus de 1000 aujourd’hui, ce qui a permis à l’Union internationale pour la conservation de la nature de modifier le statut de conservation de l’espèce de “critiquement en danger” à “en danger”.
Cependant, avec l’habitat des gorilles de montagne confiné à quelques îlots d’aires protégées, un nombre de plus en plus important de recherches démontre que l’augmentation de leur population a un prix.
De précédentes études avaient déjà montré qu’au fur et à mesure que le nombre de gorilles des montagnes (Gorilla beringei beringei) augmente, et qu’ils forment des groupes dans un habitat déterminé, les affrontements entre eux deviennent également plus fréquents. Ce phénomène s’accompagne en outre d’une forte hausse des infanticides ; d’un taux de mortalité plus élevé chez les mâles adultes et d’un ralentissement de la croissance de la population.
Aujourd’hui une récente étude révèle un autre facteur qui contribue au ralentissement de la croissance démographique : les nombreux contacts entre groupes accroissent les transferts de femelles, ce qui entraîne un retard dans la reproduction.
L’étude souligne aussi que ces éléments – contacts plus fréquents ; augmentation des décès des petits et des mâles ; transferts des femelles – ont un effet domino. “Tous ces facteurs combinés signifient que les désintégrations de groupes entraînent une mortalité plus élevée et une reproduction plus lente, ce qui a pour effet un ralentissement considérable de la croissance de la population”, confirme Robin Morrison, chercheur postdoctoral au Dian Fossey Gorilla Fund et co-auteur de l’étude, dans un courriel pour Mongabay.
Une reproduction au ralenti
Les chercheurs ont analysé les données détaillées d’une sous-population de gorilles des montagnes du parc national des Volcans au Rwanda ; parc étroitement surveillé depuis 1967 par le Dian Fossey Gorilla Fund.
À l’aide d’enregistrements sur les naissances, les décès, la composition des groupes et les transferts, les experts ont examiné les activités sociales telle la formation des groupes, les ruptures et les rencontres, ainsi que leur impact sur les taux de survie, de reproduction et de croissance des populations de gorilles. Ces populations ont connu une croissance rapide entre 1981 et 1993, mais ce taux a commencé à ralentir en 1994 et a chuté après 2007.
L’examen révèle que lorsque des groupes se divisent, surtout si cela se produit au sein de peuplements voisins, lors d’un court laps de temps, la densité augmente, générant plus de contacts entre les groupes. Ces rencontres peuvent parfois être agressives et avoir pour conséquence une mortalité plus élevée chez les mâles et chez les petits ; souvent la cible des mâles rivaux.
The encounters also provide opportunities for females to transfer. This can happen when the only adult male of a group dies, or a female’s preferred male dies. High infant mortality may also prompt females to transfer groups, as it could mean the group’s dominant male cannot protect group members.
Les chercheurs ont constaté que lorsque les femelles passent d’un groupe à l’autre, la reproduction se fait plus lente. Un transfert augmente l’intervalle entre les naissances de 7,5 mois pour une femelle, tandis que les transferts multiples allongent cet intervalle de 1,5 an. (Les mères donnent généralement naissance à un petit tous les quatre ans).
Des recherches supplémentaires seraient nécessaires pour déterminer la raison précise pour laquelle les transferts de femelles impliquent un retard dans la reproduction. Les experts suggèrent que cela pourrait être dû à une réduction des accouplements avant le transfert ou pendant l’intégration dans un nouveau groupe. Mais des travaux antérieurs suggèrent que ce n’est pas le cas pour les gorilles des montagnes. Cela pourrait aussi être le résultat de pertes prénatales, d’infertilités ou de fœticides.
Les auteurs estiment que les résultats de l’étude montrent néanmoins pourquoi il est important – pour une conservation efficace des primates – de comprendre les facteurs qui peuvent influencer les taux de transfert des femelles et les effets sur la croissance de la population.
Des répercussions plus larges
Craig Stanford, professeur de sciences biologiques à l’université de Californie du Sud, estime que l’étude permet de tirer des enseignements sur ce que devraient être la densité naturelle d’une population et la capacité de charge de la forêt pour les gorilles. Cela a été difficile à évaluer en raison de décennies de braconnage et de destruction de l’habitat.
“C’est seulement maintenant que nous apprenons – tandis que la population des gorilles augmente après des années de conservation efficace et de protection contre le braconnage – que la densité a des effets importants sur la biologie”, affirme Stanford qui n’a pas participé à l’étude.
Selon Ian Colquhoun, professeur associé d’anthropologie à l’université de Western Ontario (Canada), l’ampleur des données sur lesquelles s’est appuyée l’étude rend les résultats très significatifs pour la conservation. “Les résultats – largement inattendus et imprévus – de la densité des groupes de gorilles des montagnes dans une zone d’habitat extrêmement limitée, n’ont été révélés que grâce aux efforts déployés pour compiler des données de long terme”.
“Alors que le niveau supérieur de densité de population des gorilles dans la chaîne de montagnes du parc des Virunga aurait raisonnablement pu être prédit, l’impact de cet article est l’attention qu’il attire sur les multiples ‘ondulations’ démographiques qui résultent de la croissance de la population et de la densité accrue des groupes sociaux de gorilles des montagne”.
Joanna Lambert, biologiste de la conservation et professeure d’écologie animale à l’université du Colorado à Boulder en convient.
“Pour les praticiens de la conservation, l’objectif central est l’augmentation du nombre total d’une espèce, mais cela doit être fait de concert avec un second objectif (peut être encore plus important) : la protection de l’habitat”, estime-t-elle.
“Les résultats de cette importante étude démontrent les conséquences inattendues de l’augmentation du nombre de gorilles. Plus il y a de gorilles dans une zone donnée, plus la reproduction des femelles prend du retard ; plus la mortalité des mâles est élevée et plus il y a d’infanticides. C’est ce qui se produit lorsque le nombre d’animaux augmente dans un habitat fragmenté, dégradé et en déclin”.
Morrison, co-auteur de l’étude, considère que – même s’il ne faut pas interférer dans la dynamique sociale naturelle des populations, nous pouvons faire quelque chose pour optimiser la qualité et la taille de l’habitat disponible des gorilles des montagnes.
“Cette recherche nous aide à comprendre ce que sont les impacts lorsque les gorilles n’ont pas l’espace dont ils ont besoin pour se déployer”, analyse-t-il. “Nous avons vu la densité des populations atteindre un pic autour de 2010-2015, mais depuis, elles se sont répandues dans des régions du parc qu’elles n’utilisaient pas auparavant, ce qui a baissé leur densité, avec des signes indiquant que le taux de croissance ne ralentissait plus et pourrait bientôt recommencer à augmenter”.
“Alors que la population des gorilles augmente, nous pourrions bientôt atteindre un point où il n’y aura plus de place pour que les groupes puissent se déployer. Les taux de mortalité plus élevés et les taux de reproduction plus lents que nous avons observés dans cette étude pourraient devenir la norme, à moins que nous soyons capables d’étendre davantage leur habitat disponible”, examine Morrison. “Cela souligne l’importance de protéger l’habitat restant, ainsi que la valeur de conservation des projets en cours, visant à étendre la zone protégée dans laquelle vivent ces gorilles”.
Citations :
Caillaud, D., Eckardt, W., Vecellio, V., Ndagijimana, F., Mucyo, J., Hirwa, J., & Stoinski, T. (2020). Violent encounters between social units hinder the growth of a high-density mountain gorilla population. Science Advances, 6(45). doi:10.1126/sciadv.aba0724
Morrison, R.E., Hirwa, J.P., Ndagijimana, F., Vecellio, V., Eckardt, W. and Stoinski, T.S. (2022), Cascading effects of social dynamics on the reproduction, survival, and population growth of mountain gorillas. Animal Conservation. https://doi.org/10.1111/acv.12830
Article original : https://news-mongabay-com.mongabay.com/2022/11/mountain-gorilla-reproduction-slows-with-female-transfers-study-shows/