- Au Nigeria, le Mangrove Restoration Project réhabilite les mangroves dégradées en replantant des palétuviers, en enlevant les plastiques et en sensibilisant les communautés pour protéger ces écosystèmes vitaux.
- Au Cameroun, Youth Development Organization collecte et transforme les déchets plastiques en pots de pépinière pour produire des plants, tout en menant des campagnes de sensibilisation et en développant un système « plastique contre cash », pour impliquer les communautés dans la lutte contre la pollution.
- Au Kenya, l'association nationale de collecteurs de déchets plaide pour de meilleures conditions de travail et la reconnaissance du rôle de ses nombreux membres directement exposés à la pollution plastique.
Chaque année, environ 400 millions de tonnes de plastique sont produites dans le monde, l’équivalent de 60 000 terrains de football, mais moins de 10 % sont recyclés à l’échelle mondiale. Pendant que les négociations internationales pour un traité contre la pollution plastique tardent à aboutir, la société civile agit pour réduire les déchets et restaurer les écosystèmes.
À Calabar, au Nigeria, le Biodiversity Rescue Club, une association de jeunes qui se consacre à la lutte contre la dégradation de la nature, protège les mangroves.
Depuis 2023, son jeune membre Anna Obi Akpe dirige, au sein de l’association, le Mangrove Restoration Project qui réhabilite les sites dégradés d’Esierebom, une localité au Sud du Nigeria, par des plantations et des opérations de nettoyage.
Au Cameroun, la Youth Development Organization (YODO), collecte les emballages plastiques, les transforme en pots de pépinière et y fait pousser de jeunes plants utilisés pour restaurer des sols dégradés.
Au Kenya, la National Association of Waste Pickers, qui rassemble plus de 40 000 collecteurs, organise la filière de recyclage informel et milite pour la reconnaissance de leur rôle et l’amélioration de leurs conditions de travail.
Anna Obi Akpe, la voix des mangroves du Nigeria
Pour Anna Obi Akpe, conservationniste de 25 ans vivant au Nigeria, « un traité mondial contre la pollution plastique donnera de la valeur à notre travail en coordonnant les efforts ». Son équipe de volontaires et elle plantent des palétuviers pour régénérer la mangrove, organisent des campagnes de sensibilisation et des exercices de nettoyage communautaire, afin d’impliquer les habitants dans la lutte contre les déchets plastiques.
Akpe est contente de contribuer à l’assainissement de sa communauté, mais déplore le fait que les efforts locaux sont sans cesse contrecarrés par de nouveaux dépôts de plastiques apportés par la mer. « Nous consacrons une bonne partie de notre temps à la restauration des mangroves et à y enlever les dépôts de plastique. Malheureusement, à chaque montée du niveau de la mer, du plastique est redéposé dans le site, depuis la mer. Si nous travaillons chacun de notre côté, nos efforts seront constamment noyés dans cette pollution grandissante », ajoute-t-elle.

Akpe, diplômée en études végétales et écologiques de l’université de Calabar, consacre une grande partie de son temps aux mangroves d’Esierebom. Il y a plus de deux ans, elle coordonne un programme dédié à la restauration des mangroves dégradées de cette communauté, menacées par l’exploitation humaine et la pollution plastique. « L’un des principaux problèmes contribuant à la dégradation des mangroves à Calabar est la présence de cette pollution. Les voies navigables sont contaminées par les déchets plastiques, les ordures ménagères et les effluents industriels, qui étouffent les racines des mangroves, nuisent à la vie marine et perturbent l’équilibre écologique fragile », dit-elle à Mongabay.
Les actions menées par Akpe ont permis de restaurer les mangroves, redonnant ainsi un habitat aux espèces qui en dépendent et contribuant à la préservation de leur population. « Nous savons que les mangroves participent aussi à l’atténuation des changements climatiques, en aidant à séquestrer et stocker le carbone et donc à réduire les émissions de gaz à effet de serre », souligne-t-elle avec satisfaction.
Ces efforts ont valu à Akpe d’être sélectionnée en 2024 comme lauréate de la bourse Wetlands Restoration Steward, un programme d’accompagnement d’un an, qui associe financement, mentorat et visibilité internationale, pour les jeunes leaders engagés dans la restauration écologique.
Le programme Restoration Stewards est une initiative conjointe lancée en 2020, par le Global Landscapes Forum (GLF), un réseau international dédié aux solutions durables pour les paysages et les moyens de subsistance, et la Youth in Landscapes Initiative (YIL), une plateforme mondiale qui soutient et connecte les jeunes acteurs du climat, de l’environnement et du développement durable.

Du plastique contre du cash
À Nkambe, au Nord-Ouest du Cameroun, Fai Cassian Ndi est connu comme le monsieur propre de la communauté. Grâce à son association, la Youth Development Organization (YODO Cameroon), qui organise régulièrement des campagnes de nettoyage et de sensibilisation contre le dépôt sauvage d’ordures plastiques, et aux activités du GLFx Nkambe, le chapitre local du Global Landscapes Forum, la ville a remporté à plusieurs reprises le prix de la ville la plus propre, aussi bien au niveau régional que national, une fierté partagée par tous les habitants.
Ndi est aussi reconnu comme celui qui transforme les déchets plastiques en argent, à travers son approche « plastics for cash ». Ce système permet aux ménages d’échanger leurs déchets plastiques contre une compensation financière, tout en contribuant à la restauration de l’environnement et à la propreté de la ville. Il explique à Mongabay, par téléphone, s’être engagé dans cette voie pour assainir sa communauté. « Aujourd’hui, tous les whiskys bon marché sont emballés dans du plastique. Les tomates qui étaient autrefois vendues en boîte le sont maintenant dans du plastique. Le lait, le chocolat… en fait, presque tout est désormais emballé dans du plastique », constate Ndi. « La prolifération des sachets de whisky transforme les points chauds des villages en eldorados du plastique. Imaginez qu’avec seulement 50 francs CFA, moins d’un euro, on peut acheter un sachet de whisky », dit-il.
Depuis cinq ans, Ndi collecte ces sachets qu’il transforme en pots pour pépinière. Il y fait pousser des jeunes plants d’arbres qu’il revend ensuite aux organisations chargées de créer des plantations ou de régénérer les espaces dégradés. « Nous vendons des plants aux agriculteurs et utilisons une partie pour nos activités de restauration. Et, nous ne vendons des plants qu’à la condition qu’après plantation, les sachets soient retournés », précise-t-il.
Ndi explique que son initiative ne vise pas seulement à combattre la pollution plastique, mais aussi à limiter l’exploitation des petites parcelles de forêts naturelles encore présentes dans la région. Ces forêts sont souvent coupées pour en faire du bois de cuisson.

Selon lui, sans solutions énergétiques alternatives, les arbres plantés pour restaurer les forêts et les sources d’eau risquent de ne pas survivre. « Planter des arbres à partir de déchets plastiques, depuis la collecte du plastique jusqu’à sa réutilisation en pépinière, a permis à de nombreux jeunes de gagner leur vie et même de payer eux-mêmes leurs frais de scolarité. Des dizaines de jeunes bénéficient de ce projet en réussissant à payer leurs frais scolaires », souligne-t-il.
« Chaque année, nous collectons environ 7 à 15 tonnes de plastique, non seulement des sachets, mais toutes les catégories de déchets plastiques », explique-t-il. C’est pour impliquer davantage les membres de sa communauté qu’il a instauré le système de plastique contre cash. Mais la miniaturisation croissante des produits alimentaires dans des emballages jetables complique la tâche : au fur et à mesure que la communauté nettoie, de nouveaux plastiques remplacent ceux déjà enlevés.
« La pollution plastique est l’un des problèmes majeurs auxquels nous faisons face. Ces plastiques ne viennent pas de l’espace : nous savons tous qui sont les producteurs, et nous devons prendre position à ce sujet. Les producteurs doivent être tenus responsables », dit-il. « Il faut une volonté politique pour résoudre la pollution plastique. La première étape consiste à financer des unités de recyclage au niveau local. Les initiatives locales intelligentes et évolutives doivent être encouragées et soutenues », ajoute Ndi.
« Notre rêve est de passer à l’échelle du recyclage. Dans une situation où nous ne serions pas en mesure de mettre en place une unité de recyclage, nous la confierons à la municipalité de Nkambe qui essaie actuellement de mettre en place une unité, où les plastiques seront recyclés en pavés », conclut Ndi.
« Nous faisons partie de la solution »
L’unification des récupérateurs pour négocier directement avec les acheteurs sans passer par les intermédiaires, la mobilisation ayant permis d’acquérir un camion qui facilite aujourd’hui le travail des collecteurs, ou encore la collecte de fonds pour fournir 600 paires de bottes et de gants de protection témoignent des nombreux succès de John Chweya.
À cela, s’ajoute un militantisme qui a contribué à faire reconnaître les récupérateurs de déchets comme acteurs incontournables dans les débats internationaux. « Même sans traité, nous continuons de travailler pour réduire la pollution plastique. C’est pourquoi nous appelons les gouvernements, le public et les communautés dans lesquelles nous œuvrons à reconnaître notre travail, à restaurer notre dignité et à mettre en place des systèmes qui rendent notre activité plus sûre et mieux rémunérée », affirme-t-il.

Chweya est le président de la Kenya National Waste Pickers Welfare Association, l’association nationale des collecteurs de déchets du Kenya qui regroupe 46 000 membres, dont 20 000 femmes. Il est également membre de la Global Alliance of Waste Pickers, une coalition internationale représentant des millions de travailleurs du recyclage. Ce rôle de leader, qu’il assume depuis plus d’une décennie, s’enracine dans une expérience personnelle difficile. « J’ai commencé à récupérer des déchets à 11 ans, à Kisumu, après qu’un incendie ait brûlé le commerce de mes parents. Ça me permettait de joindre les deux bouts, malgré les moqueries de camarades d’âge », confie-t-il à Mongabay.
Cette enfance marquée par la précarité, combinée aux conditions de travail éprouvantes et à la maigre rémunération des collecteurs, a nourri en lui une détermination qui l’a poussé à militer dès ses 18 ans pour améliorer la vie des collecteurs. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à porter la voix des récupérateurs jusque dans les grands rendez-vous mondiaux, où il plaide pour que le travail des récupérateurs soit enfin reconnu et valorisé. Avec sa collègue d’Afrique du Sud, ils étaient d’ailleurs les deux seuls représentants africains à la conférence de Genève d’août 2025. « Nous voulons une rémunération équitable pour notre travail, un accès à la protection sociale et médicale, et la reconnaissance officielle de notre métier. Nous ne cherchons pas la charité, mais la dignité et la justice », dit-il.
Il rappelle aussi le rôle essentiel de ces travailleurs dans la lutte mondiale contre la pollution plastique : « Nous assurons près de 60 % de la collecte mondiale des plastiques recyclés, mais nous restons invisibles dans les politiques publiques ».
Au Kenya, la quantité totale de plastique qui devient déchet est estimée entre 0,5 et 1,3 million de tonnes par an. Seuls 27 % de ces déchets sont collectés, dont 19 % envoyés en décharge et seulement 8 % recyclés, ce qui rend l’urgence criante.
Chweya rappelle que les récupérateurs travaillent encore dans des conditions périlleuses, exposés à la fumée toxique, aux maladies et aux accidents. « Nous ne sommes pas le problème, nous faisons partie de la solution. Et, nous voulons que nos voix soient entendues jusque dans les traités internationaux », conclut-il.
Image de bannière : L’équipe d’Anna Obi Akpe nettoie les mangroves à Esierebom, au Nigeria. Image de Clément Oko, avec son aimable autorisation.
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